André Markowicz. La Visite

D’un côté, pour une fois, je me dis que quelque chose avance. D’abord, notre président est allé à Kiev, et, en plus, il n’y est pas allé tout seul, mais avec l’Italie et l’Allemagne, et la Roumanie. Et ça, de fait, après les valses-hésitations de ces dernières semaines, en soit, c’est positif.

Ensuite, pour la première fois, je crois, je l’ai entendu parler de « victoire » de l’Ukraine, — du fait que la France, et l’Europe, la soutiendraient jusqu’à la victoire. Et c’est ensuite qu’il faudrait négocier, — une fois cette victoire acquise.

Je ne sais pas, mais ça va mieux en le disant, même s’il semblait dire que c’était une évidence.

De même, il a dit que ce serait à l’Ukraine de choisir le moment où il faudrait négocier, et à l’Ukraine seule. Et ça encore, ça va mieux en le disant, même si ça paraît évident.

Oui, ce sera à l’Ukraine seule. Et il n’est pas question de toucher à l’intégrité du territoire ukrainien.

Pour les armements, la France va fournir six canons César supplémentaires. J’ai appris que nous en avions, en tout, 78, et que, donc, là, avec les six que, dans les mois prochains, nous allions fournir, ça fera presque un quart de nos canons que nous livrions à l’Ukraine.

Ces six canons feront-ils une différence ? Ils seront d’une grande aide, certes (et, visiblement, ils sont très très bien, ces canons-là… — imaginer qu’un jour j’écrirais une phrase pareille !…), mais, et là encore, à l’évidence, ce ne sont pas six canons de plus qui feront la différence. Ils contribueront, un peu, d’abord à redresser la balance, puis à la faire basculer, avec toutes les armes que les alliés fournissent. Pour l’instant, même si les canons russes sont très vieux, je le redis, le rapport de forces est de quelque chose comme de 1 à 10 pour la Russie, du point de vue de l’artillerie.

Je n’ai pas entendu parler des munitions, qui sont, au moment où j’écris, la question névralgique, mais je suppose que cette question a été évoquée, et qu’on n’a pas eu besoin d’en faire état publiquement. L’essentiel pour les armes, et de très très loin, est le lend-lease américain qui est en train de se mettre en place.

Enfin, la France, l’Italie et l’Allemagne ont déclaré qu’elles soutenaient l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, — en tout cas son admission au statut de candidat à cette adhésion.

Il est clair que l’Ukraine, non seulement en guerre, mais avec sa structure d’ancienne économie soviétique, ne peut pas adhérer à l’UE du jour au lendemain.

Il est clair aussi que ça ne doit pas prendre dix ans, — ni pour elle, ni pour la Moldavie. Et il faudra voir la « feuille de route » qui lui sera donnée.

Bref, donc, d’un côté, c’est  bien. De l’autre, je n’ai pas compris ce que les Alliés allaient faire pour forcer Poutine à lever le blocus alimentaire. J’ai entendu qu’il fallait « lui demander ».

Il est clair que ce blocus ne peut être levé que par la force, mais il est également clair que la force ne peut être utilisée que par tous les alliés en même temps (y compris, donc, la Turquie) et qu’il faut le faire de telle sorte qu’il n’y ait pas d’échanges de tirs entre les Alliés et la Russie. Qu’il faut donc donner à l’Ukraine les moyens militaires, techniques, de forcer ce blocus toute seule.

Là, pour l’instant, dans ce que je suis capable de comprendre, il y a un mystère. Hier, pendant la conférence de presse, — du moins publiquement, — on était dans l’ordre du vœu pieux.

De même n’ai-je pas entendu parler d’embargo sur le gaz. Et le gaz rapporte tous les mois à la Russie largement de quoi payer ses dépenses de guerre. Comme l’a dit, très brillamment (comme d’habitude, oui, c’est comme ça — je garde encore en mémoire son extraordinaire discours « à ses amis russes » au tout début de la guerre) Schwartzenegger, ce sont les dépenses de l’Occident pour le gaz russe qui financent la guerre russe en Ukraine.

Pour la suite… Si nous sommes pour la victoire de l’Ukraine (le mot a été prononcé plusieurs fois), il faut que la Russie soit battue. Battue militairement d’abord, mais, surtout, économiquement.

Autant cette défaite militaire, pour l’instant, est incertaine, autant la défaite économique est claire : les sanctions marchent, cela ne fait aucun doute. Il faut que la déconfiture de l’économie s’ajoute à la défaite militaire.

La seule façon de vaincre la Russie est de faire renverser Poutine, d’une façon ou d’une autre. Pas de le renverser — de le faire renverser. Je veux dire que, d’une façon ou d’une autre, ce soient les Russes eux-mêmes qui le renversent. Je ne sais pas quels Russes, je ne sais pas comment, mais c’est la seule façon.

Et ensuite, il faudra, évidemment, « ne pas perdre la paix », comme l’a dit Macron à propos de 1919.

La question n’est pas qu’il ne faut pas humilier la Russie (ne revenons pas sur le mot), mais il faudra sortir la Russie de la misère, — en même temps qu’il faudra qu’elle paie des compensations pour la ruine qu’elle a provoquée (des centaines de milliards de dollars, pour lesquels même la saisie des biens volés par tous les oligarques, Poutine compris, ne suffira jamais).

Et il faudra, en plus, payer pour la Russie, et investir, massivement, en Russie, faire une espèce de nouveau plan Marshall, en quelque sorte — un plan dont il serait souhaitable qu’il ne soit pas entièrement américain. En même temps, bien sûr, qu’il y aura un plan d’aide gigantesque pour l’Ukraine. Mais ça, aujourd’hui, on en est encore loin.

Cette guerre durera encore des mois et des mois, et il n’y aura pas de vie normale en Ukraine pendant des années.

La conférence de presse des cinq leaders s’est déroulée devant un massif de roses, encore toutes petites, et fermées. Allez, vous m’excuserez, j’y ai vu un symbole.

© André Markowicz

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9 Comments

  1. Balivernes.

    EXEMPLE : l’Ukraine est traversée d’est en ouest par plusieurs gazoducs.
    Le plus célèbre et le plus ancien, dit « brotherhood » (fraternité) parcourt un millier de kilomètres en territoire ukrainien.
    Il fournit du gaz russe à l’Allemagne et il continue de fonctionner à 100%, guerre ou pas.
    La Russie facture son gaz de plus en plus cher et l’Ukraine touche un droit de passage de plusieurs milliards de US dollars annuels.

    L’Ukraine n’a AUCUNE difficulté technique de couper le gazoduc, mais RIEN n’est fait.
    Donc business as usual, ni sanctions ni RIEN. On nous gave de bobards. L’Ukraine est payée par le gaz russe qui finance la guerre russe contre l’Ukraine…

    Soyons réalistes.
    Les chefs d’Etat, dont Macron, sont allés à Kiev pour parler à Zelensky les yeux dans les yeux de choses concrètes et précises.
    Lui dire (ce qu’il sait d’ailleurs) que les sanctions sont à double tranchant et que leur effet sur l’Occident et sur les pays qui en dépendent pourrait vite s’avérer intenable.
    Exemple parmi d’autres : la déstabilisation de nombreux pays. Des émeutes de la faim en Egypte pouvant entrainer la chute du régime et une reprise du pouvoir par les frères musulmans ; vu la dépendance de ce pays, et de bien d’autres, du blé russe et ukrainien.

    Ils ont dit à Zelensky en catimini, hors micros et caméras, qu’il faut siffler la fin de la partie et qu’il est temps de négocier.
    Et que RIEN ne fera reculer la Russie du Donbass et de la Crimée. Il n’existe tout simplement AUCUNE force au monde capable d’obtenir ce résultat.

    Poutine n’est qu’un homme et il quittera la scène tôt ou tard ; mais RIEN ne permet d’espérer que son remplacement modifierait l’attitude de la Russie sur la question. Bien au contraire….

    L’unique moyen d’ouvrir les ports de la mer noire, surtout Odessa, au transport des céréales passe par la négociation avec Moscou, peu importe l’identité de l’interlocuteur.

    Que Markowicz cesse de nous gaver de ses rêves éveillés d’apprenti propagandiste.

  2. la guerre RUSSIE-UKRAINE a été fomentée depuis des années et provoquée par les USA : c’est une guerre des USA contre la RUSSIE, par pays interposé l’UKRAINE = guerre par proxy. Cette guerre voulue par les USA, est l’un des moyens de lutte des USA pour maintenir leur hégémonie dans le monde, contre la RUSSIE, contre la CHINE, contre l’EUROPE = c’est le piège de Thucydide

    • Les USA font un peu la même chose dans le Pacifique où ils instrumentalisent Taiwan (et dans une certaine mesure) pour faire barrage à la Chine. Leur stratégie ne fonctionne plus et de même qu’ils nous entraînent dans leur naufrage culturel et sociétal ils nous décrédibilisent totalement aux yeux du reste du monde : l’Europe est vue à juste titre comme une simple marionnette des USA.
      Élément majeur dont personne ne parle à Tribune juive : la crise alimentaire qui a déjà commencé et qui va probablement prendre des proportions énormes. Or deux pays possèdent d’immenses réserves avec lesquelles ils peuvent exercer des pressions sur le monde entier…la Chine et la Russie.
      Ce point est essentiel.

  3. D’accord avec Byblos ci-dessus.
    Nous sommes entrainés dans une machination américaine. Poutine l’est aussi d’ailleurs.

    Les preuves en sont innombrables ; mais limitons-nous à l’exemple de la guerre de la Russie (l’Union Soviétique, à l’époque) en Afghanistan pendant les années 1980.

    Cette guerre fut un échec et finit par affaiblir et discréditer l’Union Soviétique au point d’en déclencher in fine l’effritement et le démantèlement (évènements symbolisés pour l’Histoire par la chute du mur de Berlin en 1989 ; chute qui n’était rien d’autre qu’une réplique séismique décalée à la débandade russe en Afghanistan ; le tout laissant les USA comme unique puissance mondiale).

    Notons l’interview du Nouvel Obs de janvier 1998 avec Zbigniew Brzeziński, conseiller géostratégique du président US Jimmy Carter en 1980 :
    « …les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine Afghans six mois avant l’intervention soviétique…
    …c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul.….
    ….cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques…
    …Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent…
    Cette opération secrète ….a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan …
    …De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique ».

    CQFD. Brzeziński est conforme à une doctrine de longue date : entrainer la Russie dans un piège est une constante US.
    Et c’est EXACTEMENT ce qui se passe actuellement en Ukraine.

    SAUF que cela se passe en Europe et l’Europe se comporte comme le caniche des USA : elle marche avec, sans réflexion et sans discernement. Merci, Ursula !

    Jadis, en 2003, un Jacques Chirac s’éleva publiquement contre l’opération US, criminelle et mensongère, en Irak.
    Hélas il n’y a plus personne.

    • Mais rendez-vous compte que les médias occidentaux mentent sur tout et dissimulent tout. C’est bien « l’empire de la désinformation  » dont parle le chef du Kremlin. Ils nous ont fait l’éloge de BLM et Joe Biden et continuent de leur faire en inversant complètement la réalité. Ils dissimulent le fait que Lyudmila denisova a reconnu avoir véhiculé des fake news sur de prétendus viols commis par les Russes. D’autant que nos médias ont eux mêmes diffusé ces fake news ! De la même façon qu’ils cherchent à dissimuler les meurtres de Jeremy Cohen, Rene Hadjadj, Alban Gervaise et de cette femme de 70 ans à mulhouse. Même le gouvernement ukrainien a désavoué les mensonges de Lyudmila denisova ! Mais pas un mot des médias français qui passent également sous silence les crimes de guerre de la Turquie contre les Kurdes et Yezidis (encore des dizaines de morts ces derniers jours) de la même façon qu’ils passent sous silence les crimes du Hamas et diffusent des fake contre Israël etc et j’en passe. Ce ne sont pas Spoutnik et rtfrance qui auraient dû être interdits (quoi que je ne les connaisse que de nom) mais France Télévision et Radio France !

  4. « entrainer la Russie dans un piège est une constante US. »
    J’ai l’impression que la haine de la Russie est dans l’adn étasunien et cela se voit à toute occasion, pas seulement en politique. Au cinéma aussi et même dans les séries policières américaines. J’ai revu récemment Taken à la télé (film policier, d’action et de suspense avec Liam Neeson, un acteur que j’aime bien – sans doute à cause de ses rôles de gentil, bon père et tout et limite superman n’ayant peur de rien …).
    Donc dans ce film, inévitablement, il y a des méchants et ils sont Russes . On voit le plus méchant, atrocement, impitoyablement méchant, odieusement antipathique, une vraie tête de brute, éclater d’un rire cruel entre deux rasades de vodka. Une vraie caricature !
    Ce n’est sans doute pas si anodin que cela, ces rôles de méchants attribués aux Russes dans les films américains. C’est une image qui fait son chemin dans l’esprit du public, .

    • La façon dont Hollywood et les médias us représentent les Français est tout aussi caricaturale, odieuse et xénophobe. Mais les Français (la majeure partie d’entre eux) acceptent et applaudissent, n’ayant déjà plus aucune fierté. Au moins, les Russes en ont encore (il faut leur reconnaître ça).

      • « La façon dont Hollywood et les médias us représentent les Français est tout aussi caricaturale, odieuse et xénophobe »
        C’est très vrai. Je me souviens notamment de la façon dont Catherine Deneuve et Brigitte Bardot ont été traitées, moquées, ridiculisées dans une émission de télé populaire américaine par les féroces néo-féministes pour avoir osé dire que la drague, même insistante, n’était pas un délit. Ce qui est vrai, d’ailleurs, c’est le bon sens même mais pas pour les américaines ni même les françaises néo-féministes – puisque cette haine misandre est parvenue en France par le biais des « me too » et autres « balance ton porc » ces tribunes de délation et de calomnie visant uniquement les hommes.
        « Cigarette ou verre de vin à la main, les deux femmes – qui sont interprétées par Kate Mc Kinnon (Brigitte Bardot) et Cecily Strong (Catherine Deneuve) – prennent cher dans une caricature outrancière. »
        Aux usa, les relations hommes-femmes sont devenues conflictuelles, c’est la norme, les hommes sont perpétuellement observés, menacés, dénoncés, même pour un banal signe d’intérêt considéré comme une agression !!! et il ne fait pas bon de s’y opposer. Ronsard aujourd’hui serait honteusement chassé de cet enfer misandre et dénoncé pour son « mignonne allons voir si la rose » pourtant si charmant…

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