Dans les territoires multiculturels comme la Seine-Saint-Denis, le vote opportuniste prévaut sur le vote d’adhésion, analyse le géographe Laurent Chalard. Cette réalité obéit à une logique de clientélisme électoral organisée par les candidats eux-mêmes, explique-t-il.
FIGAROVOX. – Les résultats du 1er tour des élections législatives ont été marqués par le score très important de la Nupes en Seine-Saint-Denis: 45,98% des voix. Comment l’expliquer ? Peut-on parler de «votes communautaires» ?
Laurent CHALARD. – Si ce résultat de la NUPES au premier tour des élections législatives de 2022 peut apparaître singulier par rapport au reste du territoire français, étant presque le double de la moyenne nationale (25,66%), il n’en demeure pas moins que dans une perspective historique, le bon score de la gauche dans ce département n’a rien de surprenant. En effet, au XXe siècle, la Seine-Saint-Denis appartenait à la banlieue rouge, c’est-à-dire les communes à dominante ouvrière et industrielle entourant Paris, où le Parti communiste régnait en maître absolu. Encore en 1981, malgré un contexte d’effritement, lors des élections législatives, le PCF arrivait en tête devant le Parti socialiste, récoltant respectivement 36% et 30% des voix, soit deux tiers des suffrages exprimés pour la gauche. Département préférentiel de localisation des classes populaires franciliennes depuis l’entre-deux-guerres, le tropisme électoral de la Seine-Saint-Denis vers la gauche n’est que le reflet de ses caractéristiques sociologiques.
D’une certaine manière, sous réserve de confirmation au second tour, les législatives de 2022 semblent augurer d’un retour à la normale par rapport à 2017, où les quatre partis formant la Nupes n’avaient recueilli que 37,6% des voix au premier tour, soit le plus mauvais score jamais enregistré par la gauche dans le département, du fait de la percée de la formation politique du nouveau président, Emmanuel Macron, qui avait réussi à séduire une partie de l’électorat populaire, avec trois députés LREM à la clé. La droitisation de la politique du président sortant au cours du quinquennat, en particulier lors de la répression du mouvement des «gilets jaunes», s’est traduite assez logiquement dans le profil de ses votants. Les électeurs venus de la gauche en 2017 sont revenus au bercail, en l’occurrence la Nupes, en 2022.
Il existe une certaine corrélation dans les banlieues populaires des grandes métropoles entre le vote pour la Nupes et la présence importante de communautés d’origine étrangère ou de l’Outre-Mer.Laurent Chalard
Cependant, étant donné les modifications du peuplement qu’a connues un département devenu le principal sas d’entrée entre la France et le reste du monde depuis les années 1970, d’où la forte progression des personnes d’origine étrangère sur son territoire, il s’ensuit une légitime interrogation sur l’existence de «votes communautaires». L’électeur populaire séquano-dionysien de 2022 n’a effectivement pas le même profil démographique que ce même électeur en 1981, étant beaucoup plus souvent d’origine étrangère. Or, cette dernière caractéristique semble jouer un rôle dans le profil de vote de la Seine-Saint-Denis puisque d’autres départements à forte représentation des classes populaires, comme l’Aisne ou les Ardennes, offrent majoritairement leurs suffrages à la droite, le score de la Nupes étant en-dessous de la moyenne nationale (seulement 17,53% dans les Ardennes). Il existe donc bien une certaine corrélation dans les banlieues populaires des grandes métropoles entre le vote pour la Nupes et la présence importante de communautés d’origine étrangère ou de l’Outre-Mer, qui s’explique principalement par deux phénomènes. D’un côté, la montée du wokisme, mouvement largement représenté au sein de La France insoumise ou EELV, remportant un certain succès chez les populations des Français d’Outre-Mer, en particulier les Antillais, ou les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, qui s’identifient beaucoup à la culture noire nord-américaine. D’un autre côté, au sein des populations françaises d’origine maghrébine, la personne de Jean-Luc Mélenchon, du fait de ses prises de position publiques, est associée à la défense des intérêts de leur communauté.
Le département a surtout atteint un niveau d’abstention record, 61,07%. Qu’est-ce que cela révèle ?
Le niveau d’abstention record constaté en Seine-Saint-Denis au premier tour des législatives de 2022, que l’on retrouve de manière plus prononcée aux élections locales (avec un taux de participation de 26,71% au premier tour des municipales de mars 2020) qu’aux scrutins nationaux (avec un taux d’abstention de 30,21% au premier tour des présidentielles d’avril 2022), nous montre que, contrairement à une idée reçue, le «vote communautaire» se caractérise beaucoup plus par l’absence de vote que par l’expression d’un suffrage pour un parti, quel qu’il soit. Encore plus que pour les catégories populaires prises dans leur globalité, les abstentionistes sont le premier parti des Français issus des minorités visibles.
En règle générale, dans les territoires multiculturels, chaque communauté, quand elle choisit effectivement d’exprimer son suffrage, a tendance à voter en fonction de ses propres intérêts, ce qui conduit à une mise en concurrence de l’offre politique.Laurent Chalard
Cette situation problématique pour la démocratie est révélatrice de deux choses. D’un côté, la forte abstention témoigne de la lenteur de l’assimilation d’une partie des descendants d’immigrés, conduisant à un désintérêt total pour la vie politique hexagonale. Qu’ils soient français de naissance ou par acquisition, leur identification à la culture française demeure incomplète, ne percevant pas l’objet du vote, voire, parfois, s’inscrivant dans une attitude de défiance vis-à-vis d’une société majoritaire dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. D’un autre côté, comme dans le reste des classes populaires, le faible taux de participation parmi les descendants d’immigrés est lié au sentiment de ne pas être représenté, les candidats n’étant pas issus de leur territoire de résidence ou n’exerçant pas une activité professionnelle manuelle, d’où leur incapacité à comprendre leurs problématiques quotidiennes. En outre, ces électeurs, qui font la grève des urnes, considèrent que voter ne sert pas à grand-chose, les politiques pensant principalement à leur intérêt personnel, quelle que soit leur appartenance partisane, et faisant des promesses qu’ils ne tiennent jamais. C’est le fameux «tous pourris».
À quelle logique répond le vote dans les territoires multiculturels, comme la Seine-Saint-Denis ou les quartiers nord de Marseille ?
En règle générale, dans les territoires multiculturels, chaque communauté, quand elle choisit effectivement d’exprimer son suffrage, a tendance à voter en fonction de ses propres intérêts, ce qui conduit à une mise en concurrence de l’offre politique. En conséquence, les électeurs ne sont, bien souvent, pas dans une logique d’adhésion à l’idéologie d’un parti, conduisant à une fidélité au fur et à mesure des élections, comme ce fut le cas par exemple pour les ouvriers avec le parti communiste pendant les Trente Glorieuses, mais à un vote opportuniste, qui peut évoluer si l’élu ne donne pas satisfaction aux revendications de la communauté pendant son mandat.
Aujourd’hui, lorsqu’un territoire devient multiculturel, les candidats des différents partis s’adaptent au fur et à mesure du temps à la nouvelle démographie électorale, faisant parfois de la surenchère dans leur tentative de séduction du vote de certaines communautés.Laurent Chalard
Ceci explique pourquoi des candidats de droite arrivent à s’emparer de municipalités, voire de circonscriptions législatives, dans des banlieues populaires à la sociologie électorale pourtant extrêmement défavorable. L’exemple-type est constitué par l’UDI de Jean-Christophe Lagarde, qui a réussi son implantation en Seine-Saint-Denis à partir de la ville de Drancy, grâce à un pragmatisme électoral certain, au détriment d’élus de gauche n’ayant pas voulu voir l’émergence du multiculturalisme sur leur territoire, ce qui a fini par leur faire perdre le soutien de certaines communautés étrangères, dont ils pensaient le vote acquis ad vitam aeternam.
Aujourd’hui, lorsqu’un territoire devient multiculturel, les candidats des différents partis s’adaptent au fur et à mesure du temps à la nouvelle démographie électorale, faisant parfois de la surenchère dans leur tentative de séduction du vote de certaines communautés. Dans une logique de clientélisme électoral, dont la ville de Marseille peut être considérée comme le laboratoire en France du fait de sa longue tradition d’immigration, chaque candidat tente de récupérer les votes d’une communauté en échange de services rendus, que ce soit en termes de logements (la réfection de votre immeuble), d’équipements publics (un gymnase ou un nouveau terrain de football pour un quartier si vous votez pour moi) ou religieux (une synagogue pour la communauté juive, une mosquée pour les Maghrébins musulmans, un temple bouddhiste pour les Indochinois), voire de politique étrangère (soutien aux causes arménienne, palestinienne…).
Laurent Chalard est géographe et travaille au European Centre for International Affairs. Retrouvez-le sur son blog personnel
Et est-ce que Macron a bénéficié d’un vote communautaire ? La question mériterait autant d’être posée.
Le Mélenchonisme et le macronisme (y compris la casse sociale et le mépris de classe chez ce dernier) représentent à peu près tout ce qui existe de pire au monde. Tout comme Joe Biden et Black Lives matter aux USA…J’encourage vivement les Français, Anglais, Américains etc…(Juifs ou non Juifs) de fuir l’Occident tant qu’il est encore temps.
A fuir l’Occident
En effet si JLM a bénéficié d’un vote communautaire, cela signifie que Macron en a lui aussi bénéficié et qu’il doit de fait son élection à la partie la plus radicalisée et dangereuse de la population (islamistes et indigénistes) de même qu’il a bénéficié des soutiens de la presse ou des associations les plus radicalisées et dangereuses de la société.
Cette élection est un coup d’Etat contre la République. Qu’elle repose désormais en paix.🙏