Kamel Bencheikh. Le legs de Voltaire

Kamel Bencheikh


Dans l’engagement pour la liberté de conscience et la liberté d’expression, il est un homme qui se place depuis quelques siècles en tête de toutes les audaces. Il s’agit de François-Marie Arouet appelé Voltaire.

Son immense rayonnement ne se limite pas à quelques citations que tout le monde a lues un jour ou l’autre dont l’immortelle « Je ne suis pas d’accord avec vous mais je me battrai pour que vous puissiez le dire. » C’était un homme d’action et surtout un penseur totalement intéressé par les affaires de son époque.
​La guerre contre tous les extrémismes a été l’engagement de sa vie. « Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend ses songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie pour le meurtre, est un fanatique. »

Avec Voltaire, nous sommes mis d’autorité devant un discernement qui nous permet de scruter le monde d’aujourd’hui avec une loupe bien dosée. On peut se raconter des absurdités, on peut vivre dans ses propres rêvasseries, la société sera insensible à ces mirages tant que ces dernières seront limitées à la sphère privée.

Vivez la nuit dans la peau de Johnny Weissmuller si vous rêvez de vous transformer en Tarzan ou métamorphosez-vous en Rahan si ça vous chante mais si vous pensez pouvoir sortir dans la rue en peau de bête et escalader les réverbères, les forces de l’ordre ne manqueront pas de vous interpeler, et ce sera chose normale. Idem pour le fétichisme et les croyances.

Ayez la foi que vous voulez mais ne vous aventurez pas à la propager autour de vous comme si vous étiez mandaté par un être invisible, ne vous transformez pas en représentant commercial d’une instance qui n’intéresse pas tout le monde.

En un mot, abstenez-vous de faire du prosélytisme.
​Le combat contre le fanatisme religieux était la grande affaire de Voltaire. Il était d’ailleurs certain que “Ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme, mais l’homme qui a créé Dieu.”

Il faut se souvenir de l’exécution du Chevalier de la Barre pour avoir profané un crucifix en 1776. Voltaire s’est dressé contre cette condamnation à mort et donc contre la tyrannie de la religion.

Vous êtes libre de croire à n’importe quelle fable mais n’embêtez pas le monde avec votre folklore et vos légendes. Votre idéologie vous appartient, gardez-la pour vous. C’est en cela que les militants universalistes doivent veiller : que la religion demeure à sa place et soit une simple affaire privée. Voltaire, en véritable combattant de la Raison a connu la prison et l’exil.

Voltaire est à l’évidence celui qui a le plus réussi à vaincre l’oppression de la religion. Il n’est pas un philosophe du passé mais celui d’une brûlante actualité. Ce combat contre l’extrémisme et l’intolérance est le combat de sa vie. Par ses prises de position, le philosophe nous demande, à nous femmes et hommes de conviction et de discernement, de ne pas accepter que s’installent autour de nous le prosélytisme et l’oppression des religions. Surtout au moment où le fanatisme religieux revient en force. En se remémorant que cet esprit des Lumières n’a jamais mis genou à terre et qu’il a tout le temps combattu pour que le citoyen puisse vivre librement dans un Etat de droit.
​Son engagement mettait sa vie en danger, tout le temps et en tous lieux. Il ne se cachait pas derrière un pseudo stupide sur des comptes Facebook ou Twitter en crachant son venin woke ou indigéniste sur les tenants de la Raison. N’a-t-il pas dit que « Tant qu’il y aura des fripons et des imbéciles, il y aura des religions ». Les dangers qu’il courût étaient élevés ― à la mesure du chamboulement qu’il distillait dans la société. Il nous a montré que la modération, la logique et la lucidité, quand bien même ces éléments seraient appréciables, doivent se défendre face aux billevesées et aux hallucinations de ceux qui ne sont régis que par des appartenances à des « races », à des clans, à des sectes ou à des meutes comme si les Lumières n’avaient jamais existé, comme si les chemins de la Raison n’avaient jamais été déboisés.
Il nous revient, à nous, citoyens universalistes, de ne pas décevoir Voltaire et d’être dignes de ce qu’il nous a légué.

© Kamel Bencheikh                        


Kamel Bencheikh est poète et écrivain. Né à Sétif en Algérie, il vit à Paris. Il est chroniqueur au Matin d’Algérie. Il a publié plusieurs livres, dont Là où tu me désaltères, recueil de poèmes (éditions Frantz-Fanon 2022), L’Impasse, son dernier roman (éditions Frantz-Fanon, 2020), La Reddition de l’hiver, recueil de Nouvelles (éditions Frantz-Fanon, 2019) ; également des ouvrages de poésie : Préludes à l’espoir (Éditions Naaman, Coll. « Création », Canada, 1984), Jeune poésie algérienne. Anthologie de la poésie algérienne de langue française, introduction et choix par Kamel Bencheikh (Revue Traces), Poètes algériens d’expression française (Magasin Général Éditeur). Il a aussi contribué aux ouvrages collectifs La révolution du sourire (Éditions Frantz Fanon, 2019) qui rassemble dix auteurs et journalistes algériens et Les années Boum (Éditions Chihab, 2016), réalisé sous la direction de Mohamed Kacimi, organisé autour de textes personnels d’auteurs ayant vécu la période Boumediene.

Kamel Bencheikh est à l’initiative d’un appel pour la laïcité en Algérie.

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