Il y a 80 ans, « le marquage » des juifs par l’étoile jaune en zone occupée

« J’ai fait un scandale à ma mère pour ne pas mettre cette étoile. Je lui ai dit : ‘Je ne veux pas que tu couses cela !’ C’était terrible. » Rachel Jedinak a gardé un terrible souvenir de l’étoile jaune. Elle n’a que huit ans en juin 1942, lorsque le port de cette pièce de tissu devient obligatoire pour les juifs de la zone occupée, français ou étrangers, âgés de plus de six ans. « Cela m’était très pénible d’être différenciée de mes petites camarades. Certaines de nos amies ont voulu continuer à jouer avec nous et d’autres pas. C’est très difficile pour un enfant », ajoute cette rescapée  de la Shoah  qui habitait dans le 20e arrondissement de Paris.

Une vingtaine de filles juives réfugiées dans le foyer de Saint-Mandé, à Paris, portant l’étoile jaune. Elles seront déportées par le convoi n°77, en direction du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, le 31 juillet 1944. Une seule est revenue. © Collections de la FNDIRP

Quelques jours plus tôt, le 29 mai 1942, cette mesure avait été mise en place par une ordonnance signée par le Militärbefehlshaber in Frankreich ou MbF, le commandement militaire allemand en France. Elle est également instaurée à la même période aux Pays-Bas et en Belgique. « Adolf Eichmann, chef du service des affaires juives à l’Office central de sécurité du Reich et à ce titre organisateur des déportations, convoque Theodor Dannecker, Judenreferent à Paris, avec ses confrères de La Haye et Bruxelles. Il leur expose les résultats  de la réunion de Wannsee, qui a eu lieu le 20 janvier 1942, et les incite à introduire, de façon coordonnée sur chacun de leurs territoires d’administration, l’obligation de porter l’étoile jaune », explique l’historienne Claire Zalc, directrice de recherche au CNRS.

« Cette mesure discriminatoire est constitutive de l’antisémitisme »

L’idée n’est pas nouvelle. Cette mesure discriminatoire avait déjà été mise en place dès 1939 en Pologne et en 1941 dans le Reich, l’Alsace, la Bohême-Moravie et les territoires annexés de la Pologne de l’Ouest. Elle renoue avec une certaine tradition du marquage imposé aux juifs au cours des siècles dans différents territoires. « Cette mesure discriminatoire est constitutive de l’antisémitisme. Elle est intrinsèquement liée à l’une de ses caractéristiques : le besoin de distinguer, d’assigner, de montrer par un signe ou un insigne une minorité pour la rabaisser ou l’avilir », résume l’historienne.

Depuis septembre 1940, un cortège de mesures avait été pris pour identifier, spolier, isoler, discriminer la population juive. « Aux recensements et spoliation des biens, imposés par la première ordonnance de septembre 1940, succèdent les discriminations professionnelles, les exclusions sociales. Les interdictions se multiplient : la possession de postes TSF, la participation à des cours d’assises. La sixième ordonnance, en février 1942, interdit aux juifs les sorties entre 20 h et 6 h, ainsi que les changements de résidence », détaille notamment Claire Zalc.

Dans les premiers jours de juin 1942, les juifs de zone occupée doivent retirer l’étoile auprès des mairies, sous-préfectures ou encore commissariats. Elle n’est pas gratuite et s’obtient contre des points de carte textile ou de l’argent. Certains bénéficient de dérogations, comme les juifs vivant en mariage mixte si leurs enfants sont reconnus comme non juifs, mais elles ne sont accordées que rarement.

En zone non-occupée, la mesure n’est pas appliquée. Pour cette spécialiste de la Shoah, cela ne démontre pas pour autant une opposition du maréchal Pétain qui l’avait qualifiée de « juste mesure ». « Le marquage ne pose pas de problème à Vichy puisque le tampon ‘juif’ sur la carte d’identité devient obligatoire en zone non-occupée à partir du 11 décembre 1942. Néanmoins, le régime de Vichy entend surtout préserver l’opinion publique de réactions de sympathie qui pourraient être suscitées par l’obligation de porter l’étoile », estime Claire Zalc.

Lire la suite sur : https://www.france24.com/fr/france/20220529-il-y-a-80-ans-le-marquage-des-juifs-par-l-%C3%A9toile-jaune-en-zone-occup%C3%A9e

Texte par : Stéphanie TROUILLARD

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1 Comment

  1. Cette photo est terrible et il n’y a pas de mots pour qualifier cette horreur. Des petites filles comme les autres qui sourient pour la photo, marquées comme du bétail bon pour l’abattoir. Une seule échappera à la mort. De quoi les êtres humains ne sont-ils pas capables ?
    Je pense à la chanson de J.J. Goldman Elle s’appelait Sarah :
    « Elle s’appelait Sarah elle n’avait pas huit ans
    Sa vie, c’était douceur, rêves et nuages blancs
    Mais d’autres gens en avaient décidé autrement
    … Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
    C’était une petite fille sans histoire et très sage
    Mais elle n’est pas née comme toi
    Ici et maintenant »

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