Il y a quelque chose d’un devoir dans la résolution qui me pousse à publier cet article. Assurément tout à fait à contre-courant. Et, par conséquent, d’autant plus nécessaire à mon sens. En ce qu’il vise à suggérer ou, mieux, à susciter un débat. Et certainement pas à heurter les sensibilités, a priori toutes légitimes sur un tel sujet – mais dont chacune peut, comme je le fais ici, interroger sa conviction.
Bien cordialement. Didier Lévy
Il faut relire les réponses que l’expert psychiatre Paul Bensussan, l’un de ceux qui avaient examiné le tueur de Sarah Halimi, a donné aux questions de « Marianne » (MARIANNE.NET – 19/04/2021). Puisque c’est en se fondant notamment sur ses conclusions que la justice a déclaré l’assassin irresponsable et l’a exonéré d’un procès.
Des réponses qui éclairent pleinement les interrogations suscitées par cette déclaration d’irresponsabilité. En ce que, d’abord, elles se situent à un niveau singulièrement plus élevé que celui auquel s’est placé, entre autres, Emmanuel Macron.
Le président avait déjà soulevé l’admiration de son camp en acquérant, en un temps record, la compétence d’un épidémiologiste capable d’en remontrer aux plus éminents. Le voici à présent qualifié, en quelques jours, en tant que psychiatre, de surcroît expert devant les tribunaux.
Dommage qu’il ait, au passage, oublié certains des principes fondamentaux du droit qu’on a dû lui enseigner lors de sa brillante scolarité à feue L’ENA. Et en particulier l’autorité de la chose jugée en dernier ressort – en l’espèce, il s’agit bien en effet d’un arrêt de la Cour de cassation. Et par-dessus tout, cette disposition de la Constitution qui, au nombre des compétences dont elle investit le président de la République, fait de lui le « garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Ce qui aurait dû suffire à le dissuader de critiquer publiquement une décision de justice.
On attend de voir comment le Garde des Sceaux, hier avocat très combattif (nombre de ses confrères utilisant un qualificatif moins ‘’neutre’’) devant les juridictions pénales, se sortira de l’injonction qui lui est faite par le président de la République de changer la loi pour restreindre la portée de l’irresponsabilité pénale.
Une injonction qui s’appuie sur une simplification si extrême des conditions ayant entouré le crime commis par Kobili Traoré, qu’on est porté à la regarder comme procédant uniquement d’un mobile électoraliste. Parmi les ravages que produit l’élection présidentielle aux dépens de ce que devrait être une démocratie moderne, il faut donc ajouter ce constat qu’aujourd’hui, un candidat qui s’y aligne se range fatalement sur le mode de campagne et de discours d’un Nicolas Sarkozy ou d’une Marine Le Pen.
Une simplification dans laquelle Emmanuel Macron n’a pas été le seul à s’engouffrer. Combien d’éditorialistes et de chroniqueurs y sont allés de leur commentaire pour s’affliger ou s’indigner de ce que la Cour de cassation, en reconnaissant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, aurait délivré « un permis de tuer ».
Ont-ils méconnu qu’il est intellectuellement à la fois beaucoup plus exigeant et infiniment plus honnête de se reculer par rapport aux indignations qui nous viennent spontanément pour prendre, en conscience, tout le temps nécessaire à un examen qui en appelle à la raison.
Il ne saurait y avoir, à cet égard, c’est-à-dire en termes de validation, aucune mesure comparable entre le temps, l’attention et le soin que les experts judiciaires, puis la chambre compétente de la Cour d’appel et enfin les magistrats de la Cour de cassation, ont eu le devoir de consacrer à l’examen des circonstances et du déroulement du crime perpétré par Kobili Traoré, inclus bien sûr la composante et le contexte pathologique attaché à ce crime, et les avis sommaires, sinon les jugements à l’emporte pièce, qui ont été formulés sur les plateaux de télévision ou dans les colonnes de tel titre de la presse écrite – au mieux après une mesure hâtive des considérations sur lesquelles la justice et ses auxiliaires se sont fixés.
D’un côté le temps long du travail judiciaire, scrupuleusement raisonné à plusieurs niveaux d’examen successifs, de l’autre l’expression personnelle, manifestement peu balancée, d’une ‘’réaction à chaud’’, au demeurant supposée correspondre à l’état des émotions majoritaires. Une réaction où l’amalgame fait entre tous les crimes antisémites – chacun se tenant évidemment au plus haut degré de l’abomination du seul fait que s’y projette tout l’arrière-plan du génocide nazi – porte le risque de conforter une minorité ancrée dans ses préventions, ou dans sa haine, en sa conviction que seuls les crimes commis à l’encontre des juifs préoccuperaient l’Etat et ses élites.
Le syndrome du PRP (‘’Plateau Réactif Permanent’’) nourrit l’ignorance de l’essentiel : à savoir qu’on ne juge pas les fous, « même pour les crimes les plus atroces ». Qu’il s’agisse de l’assassinat d’un enfant enlevé à ses parents catholiques, d’un inceste commis sur une fillette ou un jeune garçon dans une famille athée, du viol d’une femme musulmane ou juive, ou de violences conjugales infligées à une femme bouddhiste et ayant entrainé sa mort.
Oui, assurément, « Faire comparaître un dément, c’est renier le fondement même de notre civilisation ».
© Didier Lévy
Diplômé de l’institut d’études politiques de l’université de Paris (1969), séminaire de III ème cycle à la Fondation nationale des sciences politiques Didier Lévy a été assistant de direction à l’ORTF (concours 1973) – affecté au département du personnel/affaires réservées, cadre, puis administrateur et enfin chef de service à Radio France (1975-2012).
Il n’était pas fou.
Il a crié au suicide en défenestrant cette pauvre femme. Une preuve qu’il était bien dans le réel et savait très bien ce qu’il faisait.
Catherine Haddad, europe-israel.org : « Le frère de Sarah Halimi témoigne : le meurtrier Kobili Traoré se fait appeler Fofana sur Facebook, comme Youssouf Fofana, le tueur d’Ilan Halimi…
Ceux qui y voient de l’antisémitisme sont-ils paranoïaques ?
Encore une fois vous présentez un aspect seulement de la réalité qui je suppose était aussi à la disposition des experts psychiatres.avait vous fait des études de psychiatrie ou de droit ?êtes vous assermenté avait vous un souci d’impartialité ?permettez moi d’en douter bien que par ailleurs je présume de votre bonne foi et de vos bonnes intentions…
J’ai juste un peu de bon sens je crois.
Voilà un homme qui apparemment n’a jamais eu affaire aux psychiatres et qui tout à coup aux yeux de la “justice” devient assez fou pour tuer une malheureuse qu’il n’a jamais cessé d’invectiver et d’accabler de propos haineux et antisémites. Il est resté assez lucide au moment de son meurtre pour s’innocenter en criant que sa victime se suicidait. Il savait donc très bien ce qu’il faisait. Comme par hasard aussi, sur son compte Facebook il s’est fait appeler Fofana comme le meurtrier du jeune Halimi (même nom que sa victime) !!! A croire qu’il avait plus ou moins prémédité son meurtre.
Il n’est pas plus fou que tous les assassins du monde qui tuent par colère ou par jalousie et qu’on juge, ceux-là. Il est surtout musulman et bénéficie à ce titre d’une justice très spéciale et plus qu’indulgente. Les plateaux de la balance (de la justice) sont truqués.
L’éminent expert D. Zagury a parlé d’une altération partielle du discernement causée par une intoxication chronique volontaire. Et il y a tout lieu de penser que le meurtrier de Mme Halimi n’était pas aussi fou qu’on a bien voulu le faire croire et qu’il pouvait tout à fait comparaître en procès.
Ce qui est au fondement de notre humanité c’est de pouvoir répondre de ses actes. Considérer un individu comme dément irresponsable est aussi, d’un certain point de vue, le sortir du monde. Ce n’est pas forcément le mieux pour lui, ni pour la société.
J’ajoute une chose, concernant le cas d’espèce du meurtrier de S. Halimi, des éléments sont apparus lors des multiples auditions de la Commission parlementaire menée par Meyer Habib laissant entendre une préméditation de l’acte et de nombreuses menaces dont avait déjà fait l’objet la victime qui avait peur de ce voisin. Or cela est incompatible avec un “coup de folie subite”. Ce qui apparaît certain c’est que l’enquête a été mal faite, bâclée et que l’avis nuancé du premier expert, le plus compétent sur la place de Paris, qui aurait permis un procès, a cherché à être contredit.
J’ajoute encore que si tant est que le meurtrier est un fou “véritable”, celui-ci devrait finir ses jours en HP. Or il semble que ce ne soit pas le cas, ce qui vient encore mettre en question la décision de la Cour de Cassation.