L’Édito de FOG dans Le Point cette semaine revient sur le meurtre du conducteur de bus de Bayonne, Philippe Monguillot, âgé de 59 ans, et transformé en rixe à issue malchanceuse par le juge d’instruction.
Et si l’emprise des juges sur la démocratie était la conséquence de l’affaiblissement de l’État ? Jean-Éric Schoettl s’interroge dans son dernier livre.
Alors que la nomination de Pap Ndiaye au gouvernement fait les choux gras de nos chers médias, il s’en passe de belles, dans la douce France où l’on compte quand même beaucoup de métiers bien plus dangereux que ministre. Par exemple, policier, pompier ou conducteur de bus. Mais c’est normal : il y a tant de personnes « humiliées » dans ce pays, il faut comprendre qu’elles décompensent de temps en temps, à coups de poing, de pied, de couteau.
Que pèse, par rapport à leur « souffrance », la vie d’un chauffeur de bus ? Personnage solaire de 59 ans, Philippe Monguillot exerçait cette profession Bayonne quand, le 5 juillet 2020, à l’arrêt de la cité Balichon, il a été victime d’une violente agression, perpétrée par deux jeunes d’une vingtaine d’années après un contrôle de titres de transport, qui a mal tourné. Pour aggraver son cas, il est vrai qu’il avait eu l’outrecuidance de demander à ses futurs assassins de se conformer à la réglementation en vigueur, à l’époque, en portant un masque sanitaire.
Odieuse provocation : mal lui en a pris. Selon les témoins, les deux jeunes se sont acharnés sur Philippe Monguillot, frappant surtout la tête, après l’avoir sorti du bus. Laissé en état de mort cérébrale, le conducteur est décédé cinq jours plus tard à l’hôpital. Mais comme nous vivons dans un monde où les valeurs sont inversées, la victime a tôt fait de devenir l’accusé. Après plusieurs auditions où ils avaient oublié d’en parler, les deux tueurs se sont soudain « souvenus » que le conducteur aurait tenu des propos « racistes ».
Idéologisation et déliquescence générale… Telle est l’injustice à la française dans ses œuvres : la semaine dernière, le juge d’instruction chargé de ce meurtre a osé requalifier les poursuites contre les deux suspects en « violences volontaires en réunion ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». En conséquence, pas question qu’ils soient jugés en cour d’assises, où ils risqueraient la prison à perpétuité, les pauvres chats. Dieu merci, le parquet a fait appel de sa décision. Comment ne pas songer, devant l’« anéantissement » de Véronique, la veuve du chauffeur, qu’il y a quelque chose de pourri dans notre justice ?
L’affaire Monguillot est l’arbre qui cache la forêt : désormais, nous sommes tous à la merci des partis pris d’un juge qui n’a de comptes à rendre à personne. Voilà ce qui, à bas bruit, est en train de miner notre démocratie. Penser qu’elle est avant tout menacée par les populismes de Le Pen ou de Zemmour, c’est confondre les conséquences avec les causes qui devraient pourtant nous crever les yeux : l’affaissement de l’État et de son autorité, consacré par beaucoup de magistrats. Telle est la thèse d’un livre passionnant que l’on attendait depuis longtemps et qui fera date : La Démocratie au péril des prétoires, sous-titré De l’État de droit au gouvernement des juges (1), de Jean-Éric Schoettl.
Énarque et polytechnicien, Jean-Éric Schoettl a l’avantage d’être de la partie, après avoir travaillé dans deux institutions qui ont pris l’ascendant sur le politique, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Le premier s’est arrogé la politique de l’immigration, avec le succès que l’on sait. Le second ne cesse de se pousser du col, à l’image de Laurent Fabius, son président, qui, lors des cérémonies d’investiture, tient des discours de chef d’État, comme s’il avait lui-même été élu ! C’est un coup d’État permanent : du haut en bas de l’échelle, le juge, loin de se comporter en tiers impartial, devient « partie prenante » du jeu social et prétend en « transformer les règles ».
L’instauration de la République des juges passe par la mise au pas de la classe politique. Corseté par un droit, international ou pas, qui s’improvise en dehors de la loi, le représentant du pouvoir politique devient un « suspect perpétuel », soumis au bon vouloir de juges qui, s’ils sont indépendants, ne sont pas impartiaux. Édifiantes et réjouissantes sont les pages du livre traitant les affaires Fillon ou Sarkozy, que Jean-Éric Schoettl démonte sans pitié. Des farces judiciaires indignes d’une démocratie, où des magistrats gonflés à l’hélium de leur hubris s’opiniâtrent à envoyer en prison d’anciennes grandes figures de la Ve. Sans parler du cas d’école de Dupond-Moretti : naguère victime comme avocat des barbouzeries de trois juges du Parquet national financier qui ont épluché ses factures téléphoniques, le voici traité comme un coupable avant d’être traîné devant la Cour de justice de la République. Voilà bien le « monde à l’envers » que dénonce Véronique Monguillot !
Pour sauver la démocratie française, il faut remettre le pouvoir judiciaire à sa place et restaurer l’autorité de l’État. Puisse Macron répondre à ce défi avant d’être rattrapé, à son tour, par la patrouille…
© Franz-Olivier Giesbert
Si vous souhaitez voir le « laboratoire de la catastrophe générale » transformé en industrie il suffit de suivre le système judiciaire « israélien », les prétoires de Sedom à coté ne sont qu’une parodie.