Stéphane Kovacs. Tariq Ramadan: l’expertise qui décrit l’emprise

Le rapport psychiatrique sur les plaignantes note des « pratiques imposées ».

C’est un rapport psychiatrique qui marque un tournant dans la procédure contre Tariq Ramadan. « Bien plus qu’un tournant! » renchérit Me Eric Morain, avocat de « Christelle », l’une des femmes qui accusent le théologien suisse de viol. « C’est une démonstration scientifique magistrale de ce que le dossier établit: mépris, mensonges et manipulations de la part de Tariq Ramadan sur ses victimes. »

Mandaté par les trois juges d’instruction, le Dr Daniel Zagury a rencontré l’ensemble des plaignantes françaises, dont Henda Ayari et « Christelle », afin de déterminer la nature de leurs relations avec l’islamologue. L’expert évoque l’ »idéalisation massive pour une personne connue, respectée et admirée », la « soumission » et développe la notion d’ »emprise », « un ensemble de mécanismes qui permettent à un psychisme d’exercer tout pouvoir sur un autre psychisme, à son seul bénéfice et sans considération du désir de l’autre ».

On retrouve cette dimension « dans la relation instaurée par M. Tariq Ramadan sur Mme Henda Ayari » comme « sur (Christelle) », assure-t-il: « elle éclaire essentiellement la phase postérieure aux faits, rendant compte de l’ambivalence des sentiments et de la persistance du lien dans la durée ». Pour « la phase antérieure », précise le psychiatre, il convient de considérer également « l’intensité des sentiments amoureux » qui ont amené les deux femmes « à consentir à une relation sexuelle ».

Ce à quoi elles n’ont pas consenti, souligne-t-il, c’est aux actes décrits « comme un mélange d’extrême violence ».

Pour les deux victimes présumées, « le processus complexe de dégagement de cette relation a trouvé son aboutissement dans la résolution de porter plainte ».

Conseil de Henda Ayari, Me Jonas Haddad rappelle que « deux conditions devaient être réunies pour pouvoir caractériser le viol ». « La première était l’acte sexuel, déjà reconnu par Tariq Ramadan », note-t-il. « La deuxième, c’était l’absence de consentement de Mme Ayari. La qualification d’emprise vient clairement y répondre. »

Concernant « Christelle », « que M. Ramadan lui porte de l’intérêt est vécu dans un mélange d’incrédulité, de satisfaction intense et de restauration narcissique, sur fond de carence affective de l’enfance », écrit l’expert. « Les faits sont relatés comme un événement traumatique dominé par la surprise, la violence et l’absence de consentement pour des pratiques imposées. La phase postérieure aux faits est marquée par un tableau de névrose traumatique et un mélange de honte, de culpabilité, de regret de ne pas avoir été à la hauteur des attentes sexuelles de M. Ramadan, de dégoût, de ressentiment puis de haine, de crainte de perdre le lien, de reste d’attachement initial, de dépit de femme flouée et humiliée. »

Pour les deux victimes présumées, « le processus complexe de dégagement de cette relation a trouvé son aboutissement dans la résolution de porter plainte ».

Sous le coup de cinq mises en examen pour des viols en France et en Suisse, le théologien évoquait cependant ré‐ cemment dans un tweet « la mémoire du Net »

Les nouveaux avocats de Tariq Ramadan n’étaient pas disponibles, mardi, pour commenter ce rapport.

Sous le coup de cinq mises en examen pour des viols en France et en Suisse, le théologien évoquait cependant récemment dans un tweet « la mémoire du Net »: « blogs, connexions, manipulations, messages, traquenards… Les dernières découvertes rendent risible l’idée de l’emprise », écrivait-il.

L’islamologue semble avoir changé de ligne de défense. Celui qui, dans son livre (Devoir de vérité, Presses du Châtelet) publié le 11 septembre 2019, fustigeait « un racisme d’État » et osait la comparaison avec l’affaire Dreyfus, est désormais assisté par deux spécialistes des discriminations, Mes Nabila Asmane et Ouadie Elhamamouchi.

Fin avril, un « appel international » adressé à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, demandait « l’arrêt immédiat du processus d’inculpation ».

Mettant en cause les magistrats en charge de l’affaire, ainsi que le Dr Zagury, qui serait, selon les signataires, « membre actif d’une association prosioniste ». C’est dans ce climat, désormais politisé, que va se poursuivre l’instruction.

© Stéphane Kovacs

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/tariq-ramadan-l-expertise-qui-decrit-l-emprise-20200519

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4 Comments

  1. Je me souviens avec affection du temps beni ou ce  » grand intellectuel » occupait , dans tous les sens du terme. L espace mediatique televisuel français avec l aplomb qu on lui connait et la complaisance de notre haute bourgeoisie mediatico politique 😜
    Certains de nos  » journalistes  » doivent encore regretter l infinie richesse de la  » science  » de ce tartuffe violeur

  2. « Mépris, mensonges et manipulations »… c’est ce qui caractérise la France et tout le monde américanisé depuis que je suis né. La plupart de nos dirigeants, de nos journalistes vedettes etde nos « artistes engagés » sont des Tariq Ramadan qui s’ignorent…

  3. « … emprise”, “un ensemble de mécanismes qui permettent à un psychisme d’exercer tout pouvoir sur un autre psychisme, à son seul bénéfice et sans considération du désir de l’autre”.  »
    A moins que la personne sous « emprise » soit un(e) mineur(e) face à un adulte ayant autorité sur elle/lui ou une personne ne disposant pas ou plus de toutes ses facultés je ne comprends pas très bien comment on peut reprocher à un adulte d’exercer une « emprise » sur un(e) autre adulte. L’emprise, c’est l’affaire de deux personnes me semble-t-il. Cela ressemble à de la victimisation, comme si les femmes étaient par essence des proies crédules ce qui n’est pas flatteur pour elles et ne fait pas d’elles les égales de l’homme. Je ne dis pas cela pour défendre Ramadan que je n’apprécie pas du tout, c’est la notion d’emprise en tant qu’accusation dont je doute et je suppose e que cela ne va pas plaire aux « féministes ».

    • Non, c’est tout simplement l’exploitation de la vulnérabilité d’une personne causée par des événements antérieurs traumatisants pour celle-ci. Ça s’applique tant aux hommes qu’aux femmes.

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