Ukraine-Russie, une rencontre improbable : Comment garder raison dans une époque où le sens se perd, l’autorité vacille et se fait menaçante subtilement ou pas, où surgissent des peurs et des angoisses multiples: d’appauvrissement, de maladie, de guerre mondiale, de fanatismes idéologiques et religieux.
Quand le débat démocratique devient impossible, remplacé par les invectives et les diabolisations.
Quand le totalitarisme prend plusieurs formes (mondialiste, chinoise, islamiste…) et menace de tous côtés ce qui reste d’une vie démocratique.
Faire se rencontrer des adversaires, des ennemis, séparés par des peurs, des haines, des préjugés, non pas des politiciens mais de simples citoyens en souffrance, des femmes, des hommes, jeunes et moins jeunes, des enfants même.
Faire l’expérience de la rencontre, y compris avec des conflits mais dans un cadre sécurisé par un processus de mise en confiance progressive qui permet une expression libre et sincère.
Il ne s’agit pas de médiation mais de partage de vraies informations délivrées par des personnes qui parlent de ce qu’elles connaissent, de leurs émotions, de leurs expériences. Un partage qui fait naître peu à peu une compréhension mutuelle et une forme de fraternité qui n’empêche pas les désaccords et les disputes.
Ma position dans ce travail quasi thérapeutique n’est pas neutre. Personne ne peut être neutre car nous sommes tous traversés par des jugements, des émotions, des récits. Je suis au service d’un ensemble où chacun doit se sentir reconnu, accepté, encouragé à être lui-même, avec ses informations, ses souffrances, ses espoirs et ses responsabilités. En dehors de ce processus qui permet progressivement la confiance entre tous, rien n’est prévu et préparé. L’inattendu peut surgir car la liberté est totale: chacun existe avec ses ressources et ses faiblesses. L’agression verbale, la mise en cause, le silence, le retrait, rien de tout cela n’est interdit.
Ukraine-Russie: ce qui s’exprime d’abord c’est un grand sentiment d’impuissance partagé. Il n’y pas de haine parce que c’est le processus de thérapie sociale a permis de diminuer et parfois de faire disparaître les peurs. Chacun s’exprime seul, à deux, en petits groupes, en grand groupe, livre des points de vue, reconnaît s’il s’agit de faits ou de suppositions.
« Vers la fin d’une première journée: je ne suis pas d’accord avec toi mais je reconnais la légitimité pour toi de ta vision des choses. » Des premières conclusions communes sont exprimées dans le groupe. Surprenantes parfois et pas toujours politiquement correcte. L’ambiance, tendue au départ, devient amicale et chaleureuse. On échange des numéros de portables, on décide de se revoir pour aller plus loin dans la discussion.
Pourquoi ne pas faire d’actions concrètes ensemble, des petites choses qui soulageraient des souffrances du quotidien? Ecrire des lettres?
Une première journée a permis de constituer un groupe. Le travail véritable ne fait que commencer. Les conflits se durciront peut-être mais la confiance est là. On pourra y aller franchement sans la peur au ventre. On ira plus loin. On parlera du coeur humain, des passions et des ressentiments, des vraies histoires. On parlera du réel.
« Que chacun dise franchement ce qu’il a à dire, la vérité naîtra de ces sincérités convergentes ». Marc Bloch, L’étrange défaite, 1940. Gallimard Education. 1995.
© Charles Rojzman
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