Ondine Debré, fille du journaliste François Debré et petite-fille de l’ancien Premier ministre Michel Debré, reporter indépendante, a tourné Retour à Westhoffen, documentaire sur les traces de ses racines juives à Westhoffen, ses ancêtres juifs étant installés en Alsace depuis la fin du XVIIIe siècle.
Quand une histoire personnelle et familiale fait écho à l’histoire de la communauté juive d’Alsace, cela donne le récit puissant d’Ondine Debré, enfant d’une famille dont les origines auraient disparu à force que d’être tues.
Ce sera au décès de son père en 2020, et alors qu’a eu lieu en 2019 la profanation du cimetière où reposent ses ancêtres, qu’Ondine Debré s’interrogera sur cette ascendance juive cachée et décidera de poursuivre la quête du défunt[1] concernant leur identité familiale : ou comment un simple non-dit finit par devenir secret.
Aidée d’historiens comme Jean-Pierre Lambert et de spécialistes en la matière, elle reconstituera parallèlement l’histoire de sa famille et celle des Juifs de Westhoffen. Ce monde qui fut et n’existe plus. Ce monde duquel attestent des mezouzote, des fours utilisés lors de Pessah, quelques tombes du carré juif, mais surtout, retrouvé aux Archives du Bas-Rhin, le registre et l’acte portant la signature de Anchel Moïse Dabach, son aïeul, devenu, après avoir obtenu la citoyenneté française en 1791 par l’Assemblée constituante, et conformément au décret napoléonien de 1808, Anselme Deprès, lequel deviendra … Debré.
Malgré le massacre de Strasbourg en 1343 et les discriminations lourdes, c’était pire ailleurs, semble-t-il, et les Juifs d’Alsace, peu nombreux, se fondent dans la masse.
Elle raconte comment le rabbin Simon Debré fit tout basculer en quittant l’Alsace pour s’installer à Paris, et comment l’accès de son arrière-grand-père, Robert Debré, à la fonction de pédiatre la fit participer à ce phénomène permettant aux juifs d’accéder à un monde interdit, plus bourgeois, faisant que beaucoup de juifs intégrèrent le milieu de la banque et celui de la médecine.
Ce sera la Seconde Guerre mondiale qui décidera Robert Debré, puis Michel, à effacer leurs origines juives.
A la question de savoir ce que cela lui avait fait de venir tourner sur les terres de ses ancêtres à Westhoffen, Ondine Debré a dit son émotion intense lorsqu’elle vint avec ses enfants en 2018, escortée par le maire qui maitrisait l’histoire juive de Westhoffen et celle de l’Alsace et lui a permis de découvrir, outre ses racines, tout un monde juif qu’elle connaissait mal et qui était encore là sous forme de traces, l’Alsace étant marquée à la fois par une tradition paradoxale d’accueil des Juifs mais aussi par leur rejet[2].
La reporter explique que l’élément déclencheur qui aura nourri l’envie de ce travail documentaire fut sa rencontre avec Roger et Marcelle Cahn, les derniers juifs du village de Westhoffen: elle en tirera d’abord un portrait pour La Revue des deux mondes avant de décider de raconter ce monde juif disparaissant et d’en laisser ainsi une trace.
Elle évoque par ailleurs dans ledit documentaire le vide laissé par cette négation du judaïsme dans l’histoire de sa famille, et si elle admet avoir voulu tisser un lien encore plus fort avec son père à travers leur histoire commune, elle convient que ce qui était de l’ordre de l’intime avait pris un intérêt plus historique. Elle ajoute se sentir juive catholique ou catholique juive, être culturellement un peu des deux, élevée par des parents athées et une mère basque fascinée par les églises.
Pour elle qui voit l’antisémitisme comme une aberration, un contresens total, ce film est une arme dans le combat de l’intelligence contre la bêtise et la méconnaissance.
[1] Dans une archive sonore, François Debré répond à cette question : « On ne vous l’a pas caché ? » « Si, on en n’a jamais parlé. Ma surprise n’a pas été de découvrir ça, mais de constater que ça n’avait jamais été abordé. »
[2] En 2019, 107 tombes ont été profanées dans le cimetière juif de Westhoffen.
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Ondine Debré n’est pas la seule dans ce cas. Un certain nombre de Français, aujourd’hui catholiques, ont dans leurs ascendants un – voire plusieurs – aïeux juifs d’origine alsacienne, occitane, provençale dont la trace a été perdue dans les brumes du passé.
Ondine a la chance d’avoir, pour l’aider dans sa passionnante et émouvante enquête familiale, l’aide d’historiens et de spécialistes en la matière.
Sa démarche m’a rappelé le film « Le premier du nom »
« Au mois de septembre 1987, une petite centaine de personnes, tous cousins, se retrouvent en Alsace, le temps d’un week-end. Ils ne se connaissent pas, sont de toutes conditions et de tous ages. Ils ont en commun un ancêtre, Moise Blin (1768-1820), un colporteur juif. Chronique d’une grande famille, généalogie de ceux de ses membres qui sont allés jusqu’au bout de l’assimilation, de ceux qui ont « presque cesse » d’être juifs, tandis que d’autres continuent à l’être. »
https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=24376.html
Où est il possible de voir ce documentaire ?
Ce film est disponible en V.O.D. Cliquer sur le lien Allociné indiqué dans le précédent commentaire.