Selon le sondage BVA pour RTL et Orange, 64% des Français interrogés ne souhaitent pas qu’Emmanuel Macron obtienne une majorité à l’Assemblée. Ce qui signifie donc qu’ils sont favorables à une cohabitation.
Non! Cette vision est largement faussée. L’idée de cohabitation renvoie aux années 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002, à l’image d’une opposition entre le président de la République et l’Assemblée nationale. Elle a été vécue comme une anomalie au regard du fonctionnement normal des institutions c’est-à-dire la toute puissance d’un président élu au suffrage universel et dirigeant le pays de manière autocratique grâce à une Assemblée nationale soumise ou asservie à son autorité. Ce cas de figure était permis par le septennat et la non coïncidence systématique entre le mandat présidentiel de 7 ans et celui des députés, de 5 ans. La cohabitation était donc vécue comme une situation exceptionnelle à laquelle devait remédier le quinquennat, c’est-à-dire la coïncidence des mandats présidentiel et parlementaires à partir de 2002. La cohabitation a laissé de fâcheux souvenirs de conflits au sommet de l’Etat.
Or, c’est tout autre chose que veulent aujourd’hui les Français. Leur volonté ainsi exprimée procède d’un violent abaissement structurel de la fonction présidentielle. Ils ont probablement conscience des conditions particulièrement délétères du déroulement du dernier scrutin présidentiel: intensité de 5 années de matraquage médiatique et sondagier destiné à permettre un statu quo, climat de peur (covid, Ukraine, « extrémismes »), favorable au réflexe légitimiste, occultation de tout débat de fond sur le bilan et sur le projet, faiblesse de l’offre alternative…
Ce n’est pas une cohabitation (provisoire et conflictuelle) que veulent aujourd’hui les Français, mais bien plus, bien davantage: un retour durable à un fonctionnement plus démocratique des institutions. Ils entendent sortir d’une logique d’autocratie et de fait du prince, qui ne date pas de l’actuel occupant de l’Elysée mais ne cesse de s’accentuer au fil des décennies au point de devenir paroxystique. Le mythe du chef ou du guide national relève largement de la manipulation de masse: le culte de la personnalité sert à couvrir l’impuissance et le déclin d’une société dans tous les domaines. Dans cette logique, la mégalomanie est la contrepartie de la faiblesse et de l’échec.
Les Français dans leur ensemble ne croient pas aux solutions miracles mais ils veulent réinstiller dans le pilotage du pays une dose de dialogue et d’écoute, de respect des gens, de débat d’idée et d’engagement collectif. C’est tout ce qu’ils essayent d’exprimer en ce moment. Ils pensent qu’une Assemblée moins soumise et moins servile que l’actuelle Assemblée et sa prétendue majorité présidentielle peut contribuer à revivifier le débat d’idée et le fonctionnement de la France. Ils ont raison. Reste à savoir si cette modeste espérance suffira à surmonter les forces du mensonge, de la vanité narcissique et de la bêtise. Et là, ce n’est pas gagné.
© Maxime Tandonnet
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