Lorsque mon fils est parti, j’ai quitté cet espace une année.
Lorsque ma mère est partie, j’ai quitté cet espace 6 mois.
Lorsque mon compagnon a été malade, j’ai quitté cet espace le temps des soins, de l’attention, de la tendresse, sans savoir si mon bonjour était un adieu ou l’adieu un bonjour.
J’étais à mes naufrages, là-bas, auprès des fleurs, j’étais à l’oiseau, appeau bien en main. J’étais au printemps que je trouve cruel parce que mon fils n’y est pas. Mais j’étais surtout à vous préserver de mes humeurs.
Le chagrin, l’inquiétude sont forcément loupe déformante. Panne de communication, oui, c’est certain mais aussi peur d’étaler ici les manques au discernement, au jugement. Quand l’émotion est impossible, je réserve à moi seule ce qui me vient de poésie, de rire.
Je me suis réveillée un jour d’un rêve assez exaltant. Je riais, les arbres riaient. Ce matin-là, à glaner dans l’aube le début du nouveau jour, à accoucher d’un nouveau jour encore, j’ai ri. Son éclat avait quelque chose d’incohérent mais il était mon espace libre. Un éclat intiment lié aux fleurs que je touche chaque matin, les fleurs de mon fils passionné de botanique et d’horticulture.
Je voudrais déposer ici des arbres rieurs et des orchidées dont la floraison m’écorche mais m’élève aussi et me rend présente à vous.
La fleur, une manière de parole, une splendeur, vulnérable splendeur. Leurs couleurs, c’est mon pays.
Je me réserve les couleurs des fleurs d’orchidées de la collection de mon fils. Je dépose ici un lieu d’herbes, celui de Bonnefoy.
“Le bonheur ne m’a guère souri sur cette terre.
Où vais-je ? Je cherche dans ces montagnes
Le silence, la paix du cœur. C’est ma patrie,
Je n’errerai plus jamais loin d’elle.
Les cimes de partout redeviennent bleues,
Vais-je te dire adieu ? Non, qu’à jamais,
A jamais bruisse l’eau, refleurisse l’herbe !”
Alors vous comprenez que je n’ai aucun goût pour le malheur et les fausses désespérances, que je mets distance d’herbe entre moi et la surexcitation galopante de cet espace. A bientôt. Douceur sur vous.
© Elham Bussière
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