Ce matin, Maître Robert Schwarz a le réveil bougon.
Il a peu et mal dormi.
L’avocat de renom est préoccupé.
Sa fidèle collaboratrice s’est absentée.
Depuis 6 ans qu’elle travaille avec lui, elle s’est rendue indispensable. Quand Robert demande un dossier ou un simple document, Esmeralda sait où est classée la moindre feuille.
Robert se demande si sa collaboratrice n’est pas enceinte.
Tout cele serait normal, si l’intérimaire qu’on lui a envoyée n’était pas si gourde.
Robert n’est pas rassuré. Il pense à sa plaidoirie de cet après-midi.
Il se dit qu’il a intérêt à vérifier en détail son dossier.
A cet instant, Madeleine, son épouse, lui apporte un plateau: Chéri, voici ton café. Je suis désolée. Il n’y avait plus à la boulangerie les croissants que tu aimes. Je t’ai pris des brioches.
D’un geste rageur, il tente d’écarter la brioche et reverse le café brulant dans son lit.
Il quitte sa couche en tempêtant.
A la salle de bains, une panne d’électricité l’empêche de se raser.
Il tente la douche.
Pas d’eau chaude!
En râlant de plus belle, il enfile son costume et se rend compte qu’il n’en a pas fini avec la panne de courant.
6 étages à pied.
En bas, ça continue.
A la place de sa Lexus flambant neuve, il y a des barrières.
Un type, pas très rassurant, semble être le gardien de cet espace artificiel.
Robert lui demande: Où est ma voiture?
Le type lui répond qu’il n’est pas chargé de surveiller les voitures, mais que si, lui, savait lire, il aurait vu l’avis affiché depuis une semaine : “Arrêté préfectoral…”
A bout de nerfs, Robert marche.
Droit devant!
Trop de contrariétés ont eu raison de son impavidité naturelle.
Naturellement, il traverse le bois de Vincennes, après la Nation, il passe devant l’hôpital Saint-Antoine.
Petit à petit, il aborde le quartier Saint Paul.
Il constate que la plupart des rideaux de fer sont baissés.
Il se demande quelle est la raison de cette fermeture, quand il se retrouve devant une porte qui lui est familière.
Il entre. Au bout du couloir se dresse une grande salle.
Plusieurs dizaines d’hommes en prière.
Il reconnaît la synagogue où il a célébré, voilà bien longtemps, sa Bar-Mitsva.
Devant lui, un vieil homme a pri la place occupée autrefois par son grand-père.
A côté du vieil homme, un homme occupe la place de son père.
Il constate alors que le siège que son père lui avait acheté est vacant.
Le bedeau l’invite à s’asseoir.
Robert est étourdi.
Est-ce que cette suite d’infortunés n’avaient pour seul but que de lui rappeler que c’était la journée la plus sainte de l’année.
YOM KIPPOUR.
A cet instant précis, le silence se fait.
Un homme qu’il reconnaît.
C’est lui qui a célébré sa bar Mitsva, qui a béni son union avec Madeleine et même circoncis Kevin, son aîné.
Le Rabbin prend la parole.
-En ce jour de Grand Pardon, j’aimerais vous rappeler que par la bouche du Prophète Esaie, au premier chapitre, verset 18, l’Eternel dit:
Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige;
S’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine.
En méditant cette citation, Maître Robert Schwarz regarde le revers de sa veste.
Il réalise soudain que cette rosette qui fait sa fierté est si dérisoire en cet instant.
Le Rabbin poursuit:
–Dans le Saint des Saints, au temple de Jérusalem, on tendait un fil rouge qui rosissait au fil de la journée jusqu’à devenir blanc.
Quand le Shoffar retentissait, le fil devenait blanc et le peuple comprenait que D avait pardonné.
Robert ne peut détacher ses yeux de sa boutonnière.
En regardant blanchir la rosette, le grand avocat est transporté au cœur de la ville Sainte.
Il a manqué le rendez-vous avec sa plaidoirie mais la rencontre d’aujourd’hui l’a transformé.
© René Séror
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