Quand vient la nuit.
J’ai senti un président fébrile, réalisant son erreur d’avoir négligé de faire une vraie campagne de premier tour à hauteur de ses concitoyens.
Comme un manque de respect après avoir oublié les colères, les blessures qu’il a ouvertes ces cinq années.
Devant Emmanuel Macron, comme des ombres qui ont du mal à se tenir, des femmes et des hommes en souffrance, dommages collatéraux du déni de ces élites en pleine overdose d’entre-soi. Mc Kinsey a mis du sel.
Je l’ai vu candidat, affronter avec un certain cran des foules hostiles, avides d’un contact qu’il n’a pas pu, pas assez, leur accorder ces derniers mois, ce passage du débat au combat, à l’imprévisible.
Sa jeunesse est une arrogance pour les senior et les déclassés, une promesse trahie pour ces jeunes en colère engagé dans un futur plus que jamais incertain.
Devant le spectacle de ce président à la peine, de cette intelligence bousculée, huée même, j’ai peur pour nous que s’abime trop profond le sacré de sa fonction.
Je me suis senti sale de cette candidate vulgaire d’avoir trop ripoliné sa face sombre, qui berne de sourires calibrés les blessés, les laissés-pour-compte de cette France en deuil de son self esteem et qui depuis longtemps ne s’aime plus. Le déclassement, la peur, l’exclusion, la faim promise, comme partenaires, Marine Le Pen ne flotte plus, elle glisse sur sa camelote comme un messie sur l’eau. Avec dans son sillage, la promesse d’un chaos que certains appellent du fond de leur désespoir, par sentiment d’abandon.
J’ai aussi senti l’angoisse des journalistes monter, conscients du péril qui se présente. Ils n’ont plus besoin de personne pour les renvoyer à leurs responsabilités, presque à plaider coupables pour avoir accompagné le danger en blond au bout de sa dédiabolisation. Ils en font des plateaux, se justifient alors qu’on ne leur demande plus rien, depuis très longtemps, tant il n’y a plus de sujet, tant il est très tard… Leur nervosité fait écho au pressentiment de nos pires cauchemars.
Cette nuit, vous avez compris, je suis inquiet. Mais moins que demain. Reste à nous réveiller et à faire beaucoup de bruit. Anne ma soeur Anne…
© Georges Benayoun
Producteur, Georges Benayoun est auteur et réalisateur de documentaires pour France Télévisions. On lui doit L’assassinat d’Ilan Halimi en 2014, France, terre d’accueil : Profs en territoires perdus de la République ? en 2015, Complotisme: les alibis de la terreur, avec Rudy Reichstadt en 2018, Chronique d’un antisémitisme nouveau, en 2019. 2021: Un documentaire venant appuyer « Prisonnier de mon corps« , livre qui raconte le parcours hors du commun de David Ledun et participe au combat pour faire connaître la maladie de Charcot, est en finition. TJ en reparlera.
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