Dans Marioupol dévastée, le cinéaste Mantas Kvedaravicius a été exécuté par l’armée russe. Valentine Ulgu-Servant et Maxime Jacob

Mantas Kvedaravicius est mort à 45 ans, caméra au poing

Le réalisateur lituanien de 45 ans a été exécuté par l’armée russe le 2 avril 2022 alors qu’il documentait le siège de Marioupol. Connu pour ses documentaires de guerre, sensibles et humains, c’est la seconde fois qu’il posait sa caméra sur le port du Donbass. 

Dans Marioupol dvaste le cinaste Mantas Kvedaravicius a t excut par l'arme russe

« Pourquoi les idiots n’ont-ils pas tous été tués à la guerre ? -Parce qu’ils ne sont pas tous allés à la guerre ». La scène empreinte d’une tragique ironie est extraite du documentaire Mariupolis, du réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, sorti en 2016. C’est dans cette ville portuaire du Sud-Est de l’Ukraine qui l’obsédait depuis huit ans que le cinéaste a trouvé la mort le 2 avril dernier. Le reste du monde, coupé de la cité assiégée, l’a d’abord appris par un tweet posté par le ministère de la Défense ukrainien. « Les occupants russes ont tué Mantas Kvedaravicius (…) alors qu’il tentait de quitter Marioupol. »

Le 9 avril, la Défenseur des droits ukrainienne, Lyudmyla Denisov, précisait les circonstances sordides de la mort du cinéaste. « Il a été retenu prisonnier par les Russes, qui l’ont abattu d’une balle dans la tête et d’une autre dans la poitrine. Les occupants ont jeté sa dépouille dans la rue. »

Mantas Kvedaravicius est mort à 45 ans, caméra au poing.

En 2014, quand le regard de Mantas Kvedaravicius se posait pour la première fois sur Marioupol, c’était pour y filmer ses habitants qui, déjà, étaient exposés au conflit armé. La proximité de la cité avec les régions pro-russes et séparatistes de l’Ukraine leur fait subir un quotidien où les coups de feu et les explosions sont monnaie courante. Mais dans le film Mariupolis « il est question de comment la vie continue, avec différentes tonalités en fonction des évènements », expliquait le réalisateur à la présentation de son film au festival de Berlin, en 2016. Aux scènes d’affrontements – totalement absentes du film – le réalisateur préfère l’intime et l’ordinaire : le cours de danse suivi par une petite fille, des artisans qui travaillent au son du récit de la guerre dicté par la radio, un quai de gare où l’on diffuse un message à la gloire des armées russes victorieuses du nazisme. « J’aime les endroits qui sont fascinants pour des raisons inconnues. Des endroits où tout va mal, et où soudain des gens commencent à surgir, à se révéler sur cette toile de fond », détaillait Mantas Kvedaravicius au média ukrainien Odessa Review en 2016.

Monde perdu

Son film Mariupolis garde le souvenir d’une ville résiliente qui, depuis l’invasion russe, n’existe plus. Elle a disparu sous les bombes et les atrocités. Le réalisateur lituanien était alors retourné sur place pour y documenter le siège de l’armée russe. Depuis le 2 mars, les forces du Kremlin bombardent et asphyxient le port stratégique et ses 430 000 habitants. La situation humanitaire y est extrêmement critique, la Russie ayant empêché la mise en place de tout corridor humanitaire pendant plusieurs semaines. Le 14 et le 15 mars dernier, 20 000 habitants sur les 300 000 encore retenus dans la ville ont été autorisés à fuir. Le lendemain, la Russie bombardait le théâtre municipal, laissant 300 civils sous les décombres. Ceux qui sont toujours en vie n’ont plus accès à l’eau potable et manquent de nourriture. La 36e brigade de la marine des forces armées ukrainiennes qui lutte dans le port a indiqué ce mardi 12 avril qu’elle ne tiendrait plus longtemps face à l’envahisseur, faute de munitions.

Marioupol.
Marioupol. SOPA IMAGES

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