La Chronique de Nidra Poller. L’invasion de l’Ukraine

L’Ukraine doit vaincre !

Anne Appelbaum / The Atlantic / mars 2022

La guerre en Ukraine est arrivée à un tournant : les troupes russes, qui n’ont même pas la maîtrise des territoires qu’ils occupent, ne trouvent pas de collaborateurs dans la population ukrainienne, persuadée qu’elle remportera la victoire. L’opération, planifiée sur six semaines, s’enlise à mi-chemin. Le temps est venu d’envisager la fin du conflit. Les Ukrainiens et leurs alliés doivent poursuivre un objectif. Ce ne sera pas une trêve, pas la pagaille, pas une décennie de résistance, pas le vœu de saigner la Russie à blanc, rien qui ne puisse prolonger l’instabilité. Le but devrait être la victoire ukrainienne.

On ne peut pas réussir un objectif sans se l’imaginer. En l’occurrence, il n’est guère difficile de s’imaginer la victoire ukrainienne : une démocratie souveraine, libre de choisir son gouvernement et de lier des alliances. Pas de régime fantoche à Kyiv, pas de combat sans fin. L’armée russe se retirera de l’autre côté de la frontière. L’Ukraine prendra éventuellement des décisions concernant la frontière, la neutralité, mais, avec la certitude que les troupes russes ne reviendront pas de sitôt.

Le consensus longtemps entretenu à Washington, qu’il s’agit d’un conflit régional, est battu en brèche. Les Ukrainiens et surtout leur président Volodymyr Zelensky en font une cause internationale : la lutte pour la démocratie, pour un nationalisme civique basé sur le patriotisme et la règle du droit, pour une Europe en paix où les désaccords sont traités par les institutions et pas par la guerre et, enfin, pour la résistance contre la dictature. C’est l’expression des principes partagés par la majorité des Européens, des Américains et par bien d’autres. La parole de Zelensky résonne parce qu’elle est vraie. Une victoire ukrainienne sera une victoire pour tous ceux qui croient en la démocratie. Un ami vénézuélien m’a dit, « Leur lutte et la nôtre. » Les institutions qui protègent—l’UE et l’Otan—seront, elles aussi, renforcées.

La parole de Zelensky résonne parce que les Russes, par la bouche de leur ministre des affaires étrangères, ont déclaré l’intention d’instaurer un nouvel ordre mondial. Le Président Vladimir Poutine avait prévu d’imposer par la force le système politique russe, autocratique et kleptocratique. Déjà l’occupation des bourgades dans le nord-est nous rappelle l’occupation soviétique après la deuxième guerre mondiale : la population civile terrorisée, les disparitions, les déportations forcées vers la Russie. Une victoire russe apportera la terreur, la violence et de longues années d’instabilité. L’accepter transmettra aux autocrates de Minsk à Caracas à Pékin le message que le génocide est dorénavant permis. 

Les semaines qui viennent seront très dangereuses. Poutine, reprenant le lexique stalinien, a annoncé une « purge ». Il a jeté par-dessus bord trente années de progrès économique, d’investissement et d’intégration dans le concert des nations pour entrainer la Russie dans le monde de sa jeunesse. Il brandit des menaces d’armes chimiques et nucléaires pour nous faire peur, alors que Dimitri Medvedev menace les Polonais, accusés de manque de reconnaissance envers leurs libérateurs russes. Mise en garde soulignée par une attaque contre une base militaire près de la frontière polonaise.

Que doit faire l’Occident ? Ne pas céder à la peur. Laisser faire la Russie en Ukraine ne réduira pas le danger pour les autres, il l’augmentera. On doit se concentrer sur la victoire ukrainienne. Il faut tout faire : des boycotts, des exercices militaires dans d’autres régions pour faire diversion aux troupes russes, un pont aérien humanitaire à l’échelle de Berlin en 1948, la fourniture d’encore plus d’armes encore plus performantes. Un seul objectif : aider l’Ukraine à vaincre.

On aurait pu dire il y a trois semaines « Ce n’est pas notre guerre ». Ce n’est plus possible.

https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/03/how-democracy-can-win-ukraine/627125/

Anne Applebaum est membre de la rédaction de The Atlantic, chercheur à l’SNF Agora Institute du Johns Hopkins University et auteur de Twilight of Democracy: The Seductive Lure of Authoritarianism.

VOIR AUSSI (deux textes d’Eliot Cohen, réservés aux abonnés) :

https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/03/ukraine-is-winning-war-russia/627121/

https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2022/03/west-strategy-against-russia-ukraine-war/629387/

Les « Poutine est méchant, mais » Republicans

Ben Jacobs / Atlantic Magazine / 2 avril

Quelques 150 conservateurs traumatisés par l’invasion russe de l’Ukraine se sont réunis jeudi dans les entrailles d’un hôtel à Washington, D.C, troublés, non pas par l’agression menée par Vladimir Poutine, mais par la réaction belliqueuse de la plupart des élus Republican. La conférence, Up From Chaos, a été organisée conjointement par The American Conservative de Pat Buchanan et l’American Moment. Saurabh Sharma, l’un des organisateurs, m’a dit qu’ils redoutent que les progrès en politique étrangère réalisés par Donald Trump disparaissent. Le mot d’ordre était « Il est méchant, Poutine, mais… » Mais, on ne veut pas de guerre nucléaire. Mais, on ne peut pas faire confiance à la politique étrangère de l’establishment américain.  Mais, on rejette cet engouement pour les services de renseignement. Enfin, il est méchant, Poutine, mais ce n’est pas notre problème.  Sharma précise : leur mouvement n’est pas basé sur un « isme ». C’est qu’ils ne veulent pas de guerre. Ted Cruz, qui n’était pas invité, a été la cible du libertaire patenté Rand Paul, suggérant que l’enthousiasme de son collègue, sénateur Republican du Texas, pour les sanctions contre la Russie est motivé par les intérêts de l’industrie de l’énergie de son Etat. Saagar Enjeti, commentateur conservateur, estime que tout ce qui  se dresse entre nous et la troisième guerre mondiale c’est un cœur flageolant, vieux de 79 ans. L’ennemi, ce n’est pas les Democrats mais les néocons, ceux qui avaient soutenu la guerre en Irak. Il y avait, parmi les illustres inconnus, J. D. Vance, candidat au Sénat d’Ohio, qui s’est moqué du « never Trumper’ » Bill Kristol. L’aile isolationniste de la droite a du mal à trouver des alliés. Avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky parmi les hommes politiques les plus populaires aux USA et l’armée russe en retraite des faubourgs de Kyiv, il semblerait que les faucons font recette. La guerre en Europe, tout comme le combat sur l’avenir de la politique étrangère du parti Republican, sera longue. A présent, les isolationnistes de droite sont plutôt isolés.

Les opposants au soutien de l’Ukraine tourneront le dos à Israël

Seth J. Frantzman /The Jerusalem Post/ 3 avril

Les critiques du soutien occidental de l’Ukraine ne sont guère émus par les preuves des crimes de guerre russes. Une alliance entre un courant de l’extrême-droite et une aile de l’extrême-gauche se dessine dans les milieux intellectuels autour de l’opposition au soutien de l’Ukraine, mobilisé par des médias de masse « mondialistes » et des fauteurs de guerre américains et européens solidaires avec la résistance du pays assiégé contre l’invasion russe non provoquée. On se demande ce qui relie ces deux courants. On y trouve des « anti-impérialistes » systématiquement du côté des ennemis de l’Occident ainsi que des défenseurs d’Assad qui rejettent les « fausses » accusations d’utilisation d’armes chimiques.  Il y a les « réalistes » anti-néocon qui considèrent que les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à soutenir l’Ukraine, que la Russie a des « soucis » légitimes et qu’on  devrait permettre à Moscou de s’imposer sur Kyiv. De l’avis de certains d’entre eux, l’Ukraine est « corrompue » et le bataillon Azov est la preuve qu’elle est « fasciste ».

Face à la révélation aujourd’hui des crimes de guerre dans la région de Kyiv– avec son lot d’agressions sexuelles et de civils abattus par des soldats qui, confiants en leur impunité, n’ont pas pris la peine de cacher les cadavres–les amis occidentaux de Moscou relaient des théories du complot sur ces incidents. Et des Américains se disant « conservateurs » diffusent des articles sur la « fausse allégation » du bombardement du théâtre de Marioupol.  Cette nouvelle alliance entre l’extrême droite et l’extrême gauche accouche de drôles de liaisons. Des défenseurs du droit des Iraniens à obtenir l’arme nucléaire se promènent avec d’anciens pourfendeurs de la République islamique. Les pro et les anti-Pékin font cause commune.

Un chœur s’est organisé pour dénoncer l’implication de l’Occident en Ukraine, faisant des comparaisons avec la guerre d’Irak en 2003, accusant Washington de chercher du « regime change » alors que c’est la Russie qui tentait de l’imposer militairement sur Kyiv. Il n’est pas sûr que la révélation des atrocités change l’avis des critiques de la réaction sous le coup de  «l’ émotion » là où il faudrait du « réalisme » et de la retenue. Réalisme, tel qu’ils le conçoivent, veut dire qu’on peut s’entendre avec des régimes autoritaires et hostiles aux Etats-Unis pourvu qu’on protège leurs « intérêts » et cède à toutes leurs exigences. Nous ne devrions pas agir par idéologie—le soutien de la démocratie, par exemple– ni avoir des alliés, mais uniquement des intérêts. Les implications sont évidentes. Ces critiques de notre soutien à l’Ukraine ne tarderont pas à insister sur la rupture de notre soutien d’Israël. Dans le souci d’éviter l’escalade au Moyen-Orient  ils se retourneront contre l’Etat juif pour embrasser l’Iran et ses intérêts. Cette alliance entre les nouveaux réalistes d’extrême-droite et d’extrême-gauche est inédite en Occident. On en verra les tenants et aboutissants en suivant l’évidence de ce que la guerre de Moscou contre l’Ukraine a forgé. 

https://www.meforum.org/63155/western-ukraine-critics-will-turn-on-israel?goal=0_086cfd423c-a7b5cf87da-33636053&mc_cid=a7b5cf87da&mc_eid=6283895e57

Iran : accord nucléaire  à l’arrêt

Pourparlers avec l’Iran dans l’impasse

Laura Rozen /Diplomatic / 31 mars

Les pourparlers sur la restauration du JCPOA sont bloqués sur la question de la désignation du Corps des gardiens de la révolution iranienne  (CGRI) comme organisation terroriste. Selon Ned Price, porte-parole du Département d’Etat, c’est sur l’Iran que pèse la charge  de prendre des décisions. Price observe que depuis le retrait américain de l’accord en 2018, la situation empire et la stratégie qui en découle n’a pas permis de calmer les proxies. On garde l’espoir que la stratégie de retour au JCPOA marchera. Jean-Yves Le Drian annonce que les bases d’un accord  sont acquises mais les rapports entre les Etats-Unis et l’Iran sont toujours dans l’impasse.

L’Iran exige la levée de la désignation terroriste sur la liste du Département d’Etat tout en acceptant de rester inscrit sur la liste du Département du Trésor, mais cela pose problème à l’administration Biden, surtout en vue des renseignements sur un projet iranien de venger l’assassinat de Qassem Soleimani, visant des anciens de l’administration Trump, dont  Mike Pompeo et Brian Hook.

La question, selon Sahil Shah, de l’European Leadership Network, n’aurait pas vraiment d’effet concret car la désignation n’apporte aucun bénéfice pratique à la sécurité américaine.

Un responsable iranien m’a dit par email aujourd’hui qu’on s’efforce de trouver un accord, mais il est difficile de dire quand on aboutira. Un négociateur européen dit qu’on fait de notre mieux. Henry Rome, spécialiste de l’Iran au sein de l’Eurasia Group, pense qu’ils sont en mode wait & see et laisseront passer le nouvel an iranien (le 20 mars). Se référant à un tweet du journaliste israélien  Amichai Stein, sans confirmation, la levée de la désignation pourrait être compensée par l’inscription de quelques sous-composantes. Un reportage de Radio Farda suggère que l’Iran  pourrait annuler les plans de vengeance. Rome pense qu’un accord est plus probable que l’inverse. Les deux parties ont intérêt à dépasser le dernier obstacle et, pour les  Américains, la guerre en Ukraine est une motivation supplémentaire à ne pas renoncer. A la question de l’impact de l’accord avec l’Iran sur le prix du pétrole, il répond, « Peut-être pas au niveau des négociateurs, mais pour l’administration Biden–concentrée sur l’effort d’unifier le monde pour mettre la pression sur la Russie et soutenir l’Ukraine, tout en agissant contre l’inflation et le prix élevé du carburant, à six mois du scrutin de mi-mandat–il devrait y en avoir un ». 

https://diplomatic.substack.com/p/iran-talks-limbo?s=w

Israël suggère que Washington renforce les sanctions contre l’Iran au niveau imposé contre la Russie

Tel Aviv – Asharq Al-Awsat / 1 avril

Lors d’une conférence de presse avec le premier ministre Naftali Bennett, le Secrétaire d’Etat Antony Blinken a posé la question de savoir comment Tel Aviv empêcherait l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, vu que le délai est estimé actuellement à quelques semaines. Bennet a répondu que l’Iran serait persuadé d’arrêter l’enrichissement de l’uranium au niveau militaire de 90% s’il savait que les Etats-Unis et l’Europe imposeraient des sanctions au niveau visant la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine.  Le JCPOA ne serait, à l’avis de Bennett, qu’une solution « sparadrap » de courte durée, tout en remettant à l’Iran des milliards de dollars qui seront utilisés pour poursuivre ses activités nuisibles. Ce sera à nous, dans la région, de gérer ensuite. Bennet s’est opposé également à la levée de la désignation du Corps des gardiens de la révolution iranienne  (CGRI) comme organisation terroriste.

Blinken, de son côté, a affirmé qu’il n’y a pas l’épaisseur d’un papier à cigarette entre les positions israéliennes et américaines, unis dans la détermination d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire ainsi que de confronter les menaces qu’il pose dans la région. Il a ajouté que les Américains resteront fermes sur cette position, même si l’accord est conclu.

https://english.aawsat.com/home/article/3566461/israel-suggests-washington-ramp-sanctions-iran-level-imposed-russia

VOIR AUSSI :

https://www.nationalreview.com/magazine/2022/04/18/saving-the-ayatollahs/

Reuel Marc Gerecht & Ray Takeyh

  MISE A JOUR Nous n’y sommes pas: Blinken sceptique sur les chances d’un accord nucléaire Ben Cohen / Algemeiner / 6 avril Interviewé par Andrea Mictchell de la chaine MSNBC en marge du sommet de l’Otan à Bruxelles, le Secrétaire d’Etat Anthony Blinken a avoué que, malgré les efforts déployés et la conviction qu’un accord serait dans l’intérêt de la sécurité, les chances de restaurer le JCPOA sont maigres et le délai très court. Le Secrétaire d’Etat a répondu sans ambiguïté à la question sur le CGRI : « Oui, le CGRI est une organisation terroriste ».

© Nidra Poller


Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972,  est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par  l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans  Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , CauseurTribune Juive, Pardès

Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.

Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)

J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.

Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah  et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).

Elle a fondé les Éditions Ouskokata.

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4 Comments

  1. Non seulement l’Ukraine va vaincre mais la Russie ne se remettra pas de cette invasion injustifiée et catastrophique pour son économie et son image. Après cette guerre, l’Ukraine se relèvera, plus unie que jamais et aidée par le monde occidentale.
    La Russie quant à elle apparaîtra comme ce qu’elle est : une confédération de populations faites de bric et de broc, sans lien les unes avec les autres, miséreuses, que rien ne rassemble, si ce n’est l’amnésie et la terreur idéologique que fait régner le régime de Poutine. Cette fausse unité éclatera sous le poids de la faute. Comme dans l’histoire de la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf …

  2. En 1941 aussi,on croyait que l Allemagne-aidee par toute l Europe,sauf l Angleterre-allait ecraser les Russes qui etaient refoules sur les faubourgs de Moscou.Le regime de Staline semblait perdu.Sur 2 millions de prisonniers,800 000 Ukrainiens, Bielorusses et sovietiques de minorites s engagerent pour la « nouvelle Europe ».On connait la suite….Si Poutine ne peut pas avaler l Ukraine,cette derniere ne peut pas reconquerir les terres perdues,notamment la Crimee,sauf si l OTAN intervient massivement.Les Europeens et les Americains tenant trop a leur peau,il n y aura pas de batailles nucleaires.L avenir est donc a la diplomatie.Macron a eu raison de repondre a la Pologne,car contrairement a ce qu elle dit,elle avait negocie avec Hitler en 1938 pour depecer la Tchecoslovaquie..

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