Pierre Saba. Les Juifs de Cour

En France, l’expression “Juifs de Cour” est suffisamment évoquée dans les débats communautaires juifs pour être ici évoquée.

En général, l’expression, qui est loin d’être positive, se source dans la position de Juifs sous l’ancien régime qui gravitaient autour du roi par soumission, utilité et volonté de s’extraire de la population juive qui souffrait de sa condition de sujet de dernier choix.

L’histoire

Aujourd’hui, une dissemblance et deux analogie dessinent les “Juifs de Cour”.

La dissemblance est que la république et son président ont remplacé le roi.

La première analogie réside en la nature semi-présidentielle du régime de la Vème république en vigueur en France depuis 1958. Elle confère à son président et pour cinq ans une latitude de prérogatives institutionnelles qui compte parmi les plus importantes au monde. On évoque souvent en France un régime de monarchie élective.

La seconde analogie est la conséquence de la première. Elle conduit le même intérêt -juif et non juif- à approcher le président à des fins honorifiques et de supposées influences.

L’actualité

En 2022,  l’expression “Juifs de cour” s’applique dans les media juifs aux organisations communautaires des Français juifs et à leurs dirigeants confessionnels, culturels, sociaux et parfois politiques.  L’expression cible leurs gestions communautaires et leurs représentations auprès des pouvoirs publics. Ceux qui l’emploient estiment les comportements de l’encadrement communautaire face à la “cour”, entendez le Pouvoir, comme servile, veule, éloignée de la défense et des obligations qui leurs sont imparties.

L’explication

Le problème provient de la duplicité de l’Exécutif français. Depuis des années, il est écartelé entre la nécessité de considérer la proximité affective, familiale, sociale et religieuse des Français juifs avec Israël et l’option diplomatique de la France qui la place parmi les premiers Etats à exprimer l’hostilité diplomatique à l’Etat juif notamment dans les organisations internationales.

L’exemple des récentes déclarations présidentielles condamnant l’antisionisme et ses manifestations en léger différé de solidarité avec des ennemis patentés d’Israël est à cet égard particulièrement probant.

La diminution constante de la présence juive en France depuis que les djihadistes les tuent réduit progressivement l’écartèlement institutionnel au détriment des Juifs et à l’avantage de ceux qui les visent en France et en Israël.

Cette diminution démographique juive en France conduit ainsi à rendre encore plus aisée l’approche hostile à Israël de la présidence et de la diplomatie françaises. Il suffit d’écouter, de voir, de lire les media publics, les commentaires diplomatiques et exécutifs français pour percevoir l’inimitié obsessionnelle anti-israélienne qui règne en France.

Les réactions des Français juifs

C’est dans ce cadre difficile à vivre qu’évoluent les Français juifs. Pour ceux qui ne pratiquent pas la cécité communautaire, ils se sentent gênés, humiliés et mal représentés. Leurs reproches formulés à l’endroit des responsables communautaires sont de plus en plus vifs. Leur distance face à l’encadrement est de plus en plus élargie.


Responsabilités communautaires

Eléments à décharge

Nul n’est infaillible, ni ceux qui exercent, ni ceux qui critiquent !

Il est difficile à des civils non-formés de procéder aux questions de sécurité communautaire ou personnelle. 

Cette sécurité appelle des compétences de police générale et de forces armées. Contrairement au discours officiel, les liaisons de police avec les institutions juives ne sont pas toujours parfaites, alors qu’elles devraient l’être.

La pratique de sécurité est la plus chronophage, la plus difficile et la plus étendue dans les agenda communautaires.

Eléments à charge

Le niveau réactif de l’encadrement juif (diplomatie et boycott anti-israéliens, djihadisme, sécurité des groupes et des personnes, etc.) n’assure manifestement pas l’amélioration des situations particulières et générales des Français juifs.

En dépit des souffrances et des craintes légitimes subies par les citoyens juifs et des humiliations vécues par leurs encadrements dans leurs relations avec les pouvoirs publics, les institutions juives et souvent leurs media insistent sur l’ “excellence” des relations entre la France et Israël d’une part et les Juifs et leur pays d’autre part.

Or, cette “excellence” est factice. Elle est le résultat immatériel du niveau inefficace de réaction communautaire aux outrages et aux offenses subies par les publics juifs. Elle révèle la volonté des instances de gommer ce qui ne va pas (maximum) pour insister sur ce qui va (minimum).

C’est probablement cette inversion des réalités qui poussent de nombreux Juifs à identifier leurs encadrements comme “Juifs de cour”, chargés de déférence à l’égard de ceux qui les rudoient. C’est un comportement de ghetti européens et de mellah  orientaux et nord africains. Ce comportement ressemble progressivement à ceux connus en Europe et dans le monde arabe jusqu’à la Shoa et la création de l’Etat hébreu en 1948.

Difficile équation 

Ni les souffrances, ni les responsabilités ne doivent être gommées.

Il est à cet effet difficile de ne pas examiner que les “Juifs de cour” sont des deux côtés de la cour ! Les uns répètent ou se rapprochent du logo peu glorieux des décideurs de l’Etat. Ils passent régulièrement sur les risques encourus en France par les citoyens juifs, en public et à domicile, sur la déscolarisation de leurs enfants de l’école publique, bref sur leur révoltante situation désormais de citoyens de seconde zone.

Les autres, de bonne ou mauvaise foi, soutiennent des responsables politiques et autres idéologues qui font la réclame de la littérature antijuive, qui s’entourent d’irresponsables condamnés pour antisémitisme par les tribunaux,  qui défendent et répètent sans conscience, sans vergogne, parfois mot pour mot, les plaidoiries prononcées par les avocats de Pétain lors de son procès en 1945 et les réquisitions antisémites contre le capitaine Dreyfus pourtant innocenté en 1899 sont également des “Juifs de Cour”. 

Ils répètent un discours et une stratégie politique qui mixe de façon aberrante philosémitisme, antisémitisme, dénonciations salutaires de l’insécurité actuelles vécues par les Juifs en France et des coupables, interprétations réfutées de faits historiques dont le but est d’excuser au nom d’une prétendue historicité les crimes et délits de masse commis contre les Juifs!

Il n’est aucune raison d’exonérer ces autres “Juifs de cour” de leurs responsabilités dans la dégradation de la situation. Le fait que ces idéologues mixent anti et philosémitisme n’y change rien. Si l’antisémitisme est une arme criminelle, le philosémitisme est une aumône jetée en pitance à ces “Juifs de cour” qui s’en prévalent pour effacer la gêne et justifier l’inexcusable.

Leurs affiliations politiques effacent l’honneur et la dignité des personnes injustement opprimées par l’antisémitisme et constituent une offense supplémentaire et inutile aux  mémoires des victimes de la Shoa. 

C’est imparable…

L’analyse est imparable. Les deux “cours” sont constituées de personnes plus ou moins informées et (partiellement) convaincues que l’effacement de la dignité et de la réalité sauveront les légitimes intérêts communautaires et personnels des Français juifs. 

Le défaut et la faute des “Juifs de cour” est double. Pour les uns, de confier le sort des Juifs à des responsables politiques qui exercent une pression anti-israélienne injuste et nocive à la vie des Juifs en France. Pour les autres, confier leur avenir à ceux qui  piétinent leurs Histoire tout en  défendant leurs Présent. Dans les deux cas, la confiance est imméritée.

Ces deux catégories de “Juifs de Cour” font le sale boulot à la place de leurs oppresseurs, mais n’est-ce pas là justement le rôle des “Juifs de cour”?

Les deux cas sont inefficaces. Ils constituent un bond en arrière dans l’Histoire juive. Ils représentent la difficulté d’être Français juif et d’être Juif en France. Ils représentent les deux tristes faces des “Juifs de cour”.

Pour autant, et c’est sans doute le plus important, l’honnêteté, la justesse mais aussi la justice exigent de juger les actes sans juger les personnes. Le seul responsable de l’existence piteuse en France des “Juifs de cour” est l’Etat qui divise au lieu de rassembler, qui attise au lieu d’apaiser et qui place une fois de plus les Juifs n’appartenant à aucune cour comme d’ailleurs les autres au premier rang des périls à subir.

Les Français vont voter pour l’élection présidentielle

Le vote est la double conjonction entre la conscience personnelle et la conscience collective, d’une part, et l’intérêt personnel et l’intérêt collectif d’autre part.

La propagande politicienne, juive et non-juive n’a que faire de la souffrance et des intérêts des personnes. Celle des Juifs est proéminente dans l’Hexagone. Les bisbilles intra-communautaires devraient laisser la place à l’offensive à l’endroit des antisémites. C’est plus efficace, plus actuel et plus courageux.

© Pierre Saba

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3 Comments

  1. La lâcheté des “Juifs de cour” est à l’image de celle des journalistes, des associations du style LICRA, des “artistes engagés” et du monde politique ainsi que d’une large partie de la société. Ce qui bien entendu n’excuse rien.

  2. Le microcosme parisien , juif ou non juif est physiquement a 10 km du tiers monde islamisé , mais ces grands bourgeois repus et meprisant vivent sur une planete differente …..on peut se demander jusqu a quand car les hordes de racailles qui essaiment aujourdhui partout en France ne devraient pas tarder a aller ” chatouiller le bourgeois ” .
    Mmes Hidalgo et Pecresse leur offrant bientot une nouveau reseau de metro performant qui mettra les zones dirigées par les caïds a quelques stations des beaux quartiers bien blancos 🤣

  3. Retenons néanmoins les deux dernières phrases de l’aticle de Pierre Saba :
    “Les bisbilles intra-communautaitres devraient laisser la place à l’offensive à l’endroit des antisémites. C’est plus efficace, plus actuel et plus courageux”.

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