Julien Solonel. Le vivre-ensemble vu de Sarcelles : un lien social à renouer

Le modèle de «ville-monde» de cette commune du Val-d’Oise a fait long feu. Entre montée des communautarismes et appauvrissement de la population, les relations entre ses habitants se sont (dis)tendues. Au grand dam de certains, rencontrés sur le marché des Lochères, dans la cité du Grand-Ensemble.

À Sarcelles, les murs de la cité du Grand-Ensemble et sa devise républicaine associée au principe de laïcité rappellent que, il y a peu, des habitants d'une centaine de nationalités différentes vivaient encore en harmonie. LP/Philippe Lavieille
À Sarcelles, les murs de la cité du Grand-Ensemble et sa devise républicaine associée au principe de laïcité rappellent que, il y a peu, des habitants d’une centaine de nationalités différentes vivaient encore en harmonie. LP/Philippe Lavieille 

À deux semaines du premier tour, nous sommes partis en reportage pour raconter la France d’aujourd’hui. Du pouvoir d’achat au vivre-ensemble, en passant par l’insécurité et la santé, plongée dans un pays où les cartes ont été redistribuées.

« Hé, le Juif ! » interpelle le vendeur en face, qui a disposé bien droit, sur des tables pliantes, pro­duits ménagers, paires de chaussettes, liquide vaisselle ou cadenas, tous affichés à 2 euros. « Salut », lui répond avec un geste de la main Lev (le prénom a été changé), bonnet gris et masque chirurgical sous le menton, tandis qu’il déballe des joggings et des sweats à capuche de son utilitaire blanc. Il est un peu plus de 8 heures, ce dimanche d’hiver, au marché des Lochères de Sarcelles (Val-d’Oise), en région parisienne. La halle plantée au pied de la cité du Grand-Ensemble et les dizaines de stands forains qui l’entourent s’éveillent doucement.

Les premiers clients, cheveux gris à la démarche lente, jettent un coup d’œil à l’incroyable méli-mélo de batteries de cuisine, de draps, de produits de beauté, d’accessoires de téléphone mobile… D’un étal à l’autre, les blagues fusent, lancées avec des accents d’Afrique noire, du Moyen-Orient ou du Maghreb. Gérald, le Séfarade originaire de Casablanca (Maroc), discute avec Amar, né à Montfermeil (Seine-Saint-Denis) de parents algériens. Le premier tient un stand de cosmétiques, le second vend « des dessous », glisse-t-il, en baissant la voix, comme si c’était un peu honteux.

Dans la cité du Grand-Ensemble, à Sarcelles, une foule hétéroclite se croise chaque semaine sur le marché des Lochères.
Dans la cité du Grand-Ensemble, à Sarcelles, une foule hétéroclite se croise chaque semaine sur le marché des Lochères. LP/Phillippe Lavieille

Les deux ont en commun Sarcelles, où ils habitent depuis trente ans. « C’est une ville cosmopolite, il y a des Camerounais, des Italiens, des Sri-lankais… Pas besoin de passeport pour voyager, il suffit de venir ici. Musulmans, juifs, chrétiens, hindous… Tout le monde se parle, c’est ça, le vivre-ensemble », apprécie Amar, en tirant sur sa cigarette.

La ville s’est construite au fil des vagues d’immigration

Non loin, Lev approuve, mais relativise : « Ce n’est quand même plus comme avant. Les jeunes de communautés différentes se parlent moins, c’est davantage chacun chez soi« , regrette-t-il. Au point que le vendeur de sweats a quitté Sarcelles il y a quelques années pour s’installer dans un petit village « plus tranquille », dans le nord du Val-d’Oise.

Même si, depuis, certains sont partis — on y reviendra —, Sarcelles compte toujours l’une des plus importantes communautés juives de France, avec 12 000 membres. À tel point que le quartier autour de la synagogue a été rebaptisé « La Petite Jérusalem ». Puis les gens sont arrivés d’Afrique de l’Ouest, du Maghreb, d’Asie… À partir des années 1990, la diaspora assyro-chaldéenne, ces chrétiens persécutés de Turquie ou d’Irak, s’implante dans le vieux Sarcelles. Ils sont désormais 8 000. Derniers installés : les Syriens et les Afghans chassés par la guerre dans leurs pays.

« Zemmour ne me fait pas peur »

Alors, autant dire que, pour Amar, comme pour une grande majorité de Sarcellois croisés ce matin-là, « tous les débats actuels sur l’islam, l’immigration, l’identité, c’est de la poudre aux yeux. Ça ne sert à rien de mettre de l’huile sur le feu. » Dans son collimateur : Eric Zemmour. Le candidat de Reconquête « n’a pas la carrure pour être président, tranche le quinquagénaire sous sa veste et sa casquette de camouflage. C’est un bon historien, et encore… Quand on voit qu’il adresse un doigt d’honneur à une femme à Marseille, c’est lui, le voyou. Les Français ne sont pas fous, jamais de la vie on va l’élire ».

Le discours anti-immigration de l’ancien journaliste ne fait pas non plus recette sous la charpente en bois de la halle, où se concentrent les commer­ces alimentaires. Sofiane, 30 ans, a passé toute sa vie au Grand-Ensemble, ce qu’il considère comme une chance. « Zemmour ne me fait pas peur. Ici, il y a trop de mélanges de populations, avance-t-il avec optimisme. Dans le bâtiment où j’ai grandi, 80 % des ha­bitants étaient juifs. Le jour de mon mariage, nos voisines séfarades ont pleuré. J’ai des copains de toutes na­tionalités, on vit bien ensemble. Tout ce que Zemmour déteste », développe ce papa de deux jeunes garçons, qui patiente devant le primeur, engoncé dans sa doudoune noire.

Au marché des Lochères, Micheline, 76 ans, avoue ne plus faire confiance aux politiques.
Au marché des Lochères, Micheline, 76 ans, avoue ne plus faire confiance aux politiques. LP/Philippe Lavieille

Le 10 avril, au premier tour, il votera, comme il y a cinq ans,  » Jean-Luc Mélenchon », car lui, il n’établit pas de différences entre les gens selon leur origine ». Le 23 avril 2017, le can­didat de La France insoumise était arrivé en tête à Sarcelles, récoltant 29,92 % des voix. Deux semaines après, Emmanuel Macron (LREM) l’avait emporté avec 78,81 % des suffrages exprimés. Cette année, le président sortant « va être réélu, c’est sûr, pronostique Sofiane. Et moi, ça me va, je vais voter pour lui s’il est au second tour. Je l’aime bien comme chef d’État. Il est jeune, il n’est pas raciste, il a des bons résultats en économie. On a beau critiquer, il a sauvé plein d’entreprises pendant la crise du Covid. »

À ses côtés, Micheline, cheveux gris coupés court et parka verte, remplit son sac Lidl de clémentines, de poireaux, de kakis, de pommes et de fraises. À 76 ans, dont cinquante-deux passés dans la forêt de tours et de barres du Grand-Ensemble, « Mich Mich », comme l’appelle affectueusement Kader, l’un des primeurs, ne place plus aucun espoir dans les politiques. « Pécresse, Macron, Hidalgo… Ce sont tous les mêmes. Ils promettent, mais ne font rien. Je ne crois pas à ce qu’ils disent. Zemmour, pourquoi pas, au moins ça change de tête. De toute façon, les élections, je n’en ai rien à faire », assène-t-elle, en colère. Micheline est loin d’être la seule : aux dernières régionales, le taux d’abstention à Sarcelles était de 80,55 % !

Une mosquée, des églises catholique et évangélique…

Il est maintenant 11 heures. Sur le trottoir, à l’entrée du marché, deux militantes distribuent sans entrain des tracts du candidat PCF, Fabien Roussel. En descendant l’avenue Maurice-Ravel, on aperçoit le minaret surmonté d’un croissant doré de la mosquée Foi et unicité, l’une des cinq que compte la ville. Cinquante mètres plus bas, une grande fresque peinte en bleu-blanc-rouge sur une barre d’immeubles apparaît comme un cri du cœur en faveur du vivre-ensemble. « Quand j’étais petit, il y avait des musulmans, des juifs, des chrétiens, des Noirs et des Blancs… C’était juste des copains », a graffé Combo, un street-artiste du cru.

Sur le flanc de cette barre HLM, l’artiste Combo rappelle à la population que la force de la ville repose  sur la solidarité entre ses communautés.
Sur le flanc de cette barre HLM, l’artiste Combo rappelle à la population que la force de la ville repose sur la solidarité entre ses communautés. Philippe Lavieille

En face, l’église Jean-XXIII, au toit de bois, jouxte le bâtiment sans âme de l’église évangélique Source de vie. « Que Jésus soit loué, dans sa vé­rité », chante un groupe sur une petite scène aux rideaux bleus, tandis que la quarantaine de fidèles, quasiment tous originaires d’Afrique ou des Antilles, tapent dans leurs mains ou prient assis sur des chaises en plastique.

À la tête de la paroisse de Sarcelles depuis 1985, le pasteur Jean-Claude Boutinon, 77 ans, explique qu’il « n’existe pas de vote évangélique. Moi-même, je ne sais pas pour qui je vais voter. Je vais essayer de trouver le moins mauvais. » Il se dit en accord avec le discours prononcé en 2020 par Emmanuel Macron « contre le séparatisme », aux Mureaux ( Yvelines ). 

Cette notion, apparue à partir de 2018, renvoie à l’idée qu’une communauté fait passer ses valeurs religieuses — l’islam, en l’occurrence — avant celles de la République. Mais le protestant en cravate rouge estime que la loi « confortant les principes républicains », qui est issue du discours présidentiel, peut porter at­teinte à la liberté de son Église, no­tamment car elle veut davantage encadrer le financement des lieux de culte. « Et pour lutter contre le communautarisme, il faut donner la possibilité aux fidèles de se réunir dans des endroits décents », juge-t-il.

Désormais, on se croise plus qu’on ne se mélange

Le président sortant n’a pas non plus marqué de points auprès du pasteur en proposant d’inscrire le droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Fustigeant l’extrême droite et « le racisme, contraire à la Bible », le protestant rejette tout autant « les pensées gauchisantes issues de Mai-68 ».

Jean-Claude, pasteur évangélique de 77 ans que nous avons rencontré sur le marché des Lochères, à Sarcelles, veut un président capable de redonner de l’éthique à notre époque.
Jean-Claude, pasteur évangélique de 77 ans que nous avons rencontré sur le marché des Lochères, à Sarcelles, veut un président capable de redonner de l’éthique à notre époque. LP/Phillippe Lavieille

« Les conséquences de cette liberté à tout-va, c’est que tout le monde aujourd’hui peut coucher dans tous les sens, avec des effets désastreux auprès de nos jeunes. Quels sont les candidats qui ont des propositions qui redonneraient de l’éthique à notre époque ? » interroge celui qui se reconnaissait dans les idées de Jean-Frédéric Poisson, président du parti chrétien-démocrate (devenu Via), jusqu’à ce qu’il rejoigne Éric Zemmour, en décembre. Finalement, « Valérie Pécresse me paraît avoir une vie assez morale », estime le pasteur, avant de monter sur scène pour un prêche sur la fraternité.

Retour au marché. Les allées sont maintenant bondées. « Allez, on achète », scandent des camelots annonçant des prix imbattables, « deux pour 5 euros ». Des parasols s’échappent des morceaux de rap, de reggae ou des chants arabes lancinants. Des mamies voilées déambulent parmi de jeunes Hindoues, et de rares hommes portant la kippa. Mais ils se croisent, plus qu’ils ne se mélangent. Car, à « Sarcelles la Métisse », le vivre-ensemble a du plomb dans l’aile.

« Le vrai sujet, c’est le pouvoir d’achat »

L’harmonie entre les différentes communautés a vacillé le 20 juillet 2014. Ce jour-là, une manifestation contre l’intervention militaire israélienne à Gaza, interdite par la préfecture, dégénère. Une violente émeute antisémite embrase les rues de la cité. Des magasins juifs (et chaldéens) sont pillés et détruits, la synagogue, protégée par un cordon de CRS et les gros bras de la Ligue de défense juive, reçoit des cocktails Molotov. En janvier 2015, les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher  créent une nouvelle onde de choc. Yohan Cohen, tué lors de la prise d’otages porte de Vincennes, venait de Sarcelles. Depuis, des Juifs ont déménagé. La Petite Jérusalem se vide progressivement et vit de plus en plus en vase clos.

Parallèlement, l’islam intégriste progresse : des écoles coraniques ouvrent sans autorisation, tandis que des associations proches du salafisme gagnent du terrain. En 2016, la mosquée Dar At-Tawhid est fermée par la mairie, officiellement pour non-respect des règles d’urbanisme d’accueil du public. Elle est, en réalité, suspectée d’être un point de radicalisation. Mais selon Lev, qui attend le client derrière son stand, « le vrai sujet, celui sur lequel les candidats à la présidentielle devraient se pencher plutôt que de stigmatiser les habitants des banlieues, c’est le pouvoir d’achat. Le problème dans les quartiers, c’est que les gens n’ont plus de quoi remplir leur gamelle ».

L’an­cien eldorado des Trente Glorieuses a commencé à s’étioler à la fin des années 1970. Le chômage a augmenté, les ouvriers et les classes moyennes ont laissé la place à des familles d’immigrés sans autres ressources que les aides de l’État. Les immeubles et les équipements ur­bains se sont dégradés, attirant des populations encore plus démunies. Un cercle vicieux s’est mis en place. « Les riches sont de plus en plus riches, et les pauvres de plus en plus pauvres, et les politiques ne font rien qui change ça », peste Lev, abstentionniste depuis 2012. « J’en avais marre de voter contre un candidat et jamais pour », précise-t-il en assurant quand même que, d’après lui, « Macron va gagner » en mai.

Sur le marché des Lochères, à Sarcelles, Gaby, quinquagénaire vendeuse de fripes à un euro, qui voit la population s’appauvrir, rêve d’une femme au pouvoir.
Sur le marché des Lochères, à Sarcelles, Gaby, quinquagénaire vendeuse de fripes à un euro, qui voit la population s’appauvrir, rêve d’une femme au pouvoir. LP/Phillippe Lavieille

Depuis son stand de vêtements à un euro, Gaby, en blouson d’aviateur et chapka, voit défiler cette France qui tire le diable par la queue. « Même un euro, pour beaucoup, c’est trop cher », souligne-t-elle, en désignant les bacs remplis de robes, pantalons et t-shirts. Il y a cinq ans, la quinquagénaire au verbe haut avait voté pour le candidat En marche dès le premier tour. « Il était jeune, charismatique, on voyait qu’on n’avait pas affaire à un sot. Aujourd’hui, je ne peux plus l’encadrer, lui et son ego surdimensionné. Jamais, je ne lui donnerai ma voix », prévient-elle, rageuse.

En cause : « La gestion de la crise sanitaire. Un coup, les masques ne servent à rien, un autre, ils sont obligatoires… Le vaccin, il ne devait y avoir que deux doses, et maintenant ils nous annoncent déjà la 4e. Et après, quoi, la 5e, la 6e dose ? Et le quoi qu’il en coûte, c’est bien joli, mais ce sont nos enfants qui vont régler la dette. »

Chirac, le dernier à avoir lutté contre la fracture sociale

Alors, quel bulletin mettre dans l’urne ? Cette fille d’Algériens juge « Éric Zemmour un peu trop radical, même s’il dit certaines vérités. Il y a beaucoup trop d’entrées d’immigrés. Avec les guerres en Irak ou en Syrie, les gens viennent se réfugier ici, c’est trop. Il faut mieux réguler l’arrivée des étrangers ».

Même si elle affirme que « ceux qui croient à la politique sont toujours déçus », Gaby a tout de même un désir : celui de « voir une femme gouverner le pays, comme en Allemagne. Elles sont pragmatiques, moins intéressées par le pouvoir que les hommes. Et ce serait un signe d’innovation pour un pays comme le nôtre, non ? » interroge-t-elle en encaissant un habitué qui paye trois articles avec un Ticket-Restaurant.

Sur le marché des Lochères, à Sarcelles, Mahmey, 48 ans, employé au centre d’action sociale de la mairie, appelle le futur président à rassembler.
Sur le marché des Lochères, à Sarcelles, Mahmey, 48 ans, employé au centre d’action sociale de la mairie, appelle le futur président à rassembler. LP/Phillippe Lavieille

13h30. L’effervescence retombe. Les retraités sont rentrés chez eux, les vendeurs commencent à casser les prix. Devant son étalage de livres, cahiers et stylos, Mahmey, 48 ans, espère gagner encore quelques euros. Ce Sarcellois pur jus, qui travaille au centre d’action sociale de la mairie, vient ici tous les dimanches afin de compléter son petit salaire. « Non encarté », comme il tient à le préciser, ce fils d’un ancien diplomate s’intéresse à la politique et à l’évolution de sa ville.

« La bonne entente s’est dégradée, regrette-t-il. Quand j’étais jeune, on jouait tous au foot, on se retrouvait avec le quartier juif, le village, le Grand-Ensemble. À présent, les communautés restent plus entre elles, il y a un repli. » Si, d’après lui, Emmanuel Macron sera réélu le 24 avril « car il n’y a personne d’autre », Mahmey aimerait que le prochain chef de l’État « essaie de rassembler les gens et qu’il crée une cohésion parmi les citoyens plutôt que de les monter les uns contre les autres. Le dernier à l’avoir fait, c’est Chirac, en 1995, avec la lutte contre la fracture so­ciale ». Mais, attention : « Le président ne peut pas tout faire. Si on veut que le vivre-ensemble redevienne une réalité en France, on est tous responsables », alerte-t-il.

© Julien Solonel

https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/le-vivre-ensemble-vu-de-sarcelles-un-lien-social-a-renouer-27-03-2022-QRIFE3LIEVBCTAQJIBDRC7RVUM.php

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1 Comment

  1. Il faudrait que l’auteur de l’article, soit-disant journaliste, puisse méditer la phrase de Péguy, Il faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit.
    La journaliste Noémie Halioua, Rédactrice en chef au bureau parisien d’i24news, a fait état vendredi de menaces reçues à son encontre de la part d’un important responsable de la communauté juive de Sarcelles suite à la parution de son livre dénonçant le « mythe du vivre-ensemble » à Sarcelles, « Les uns contre les autres – Sarcelles, du vivre-ensemble au vivre-séparé » (Éditions du Cerf). Voir https://citron.co.il/39629/

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