ENTRETIEN. Wokisme, patriarcat, antiracisme… Le linguiste Jean Szlamowicz alerte sur l’imposture intellectuelle et les dérives mortifères des nouveaux conformismes idéologiques.
Les termes « décolonialisme », « blanchité » et « appropriation culturelle » vous font saigner des yeux ? Les mots « invisibilisation », « inclusivisme » et « intersectionnalité » vous percent les tympans ? Alors vous devriez lire Les Moutons de la pensée, du linguiste Jean Szlamowicz. Un brillant essai, paru aux Éditions du Cerf, dans lequel ce professeur des universités dissèque avec une précision chirurgicale les incantations magiques des militants de la bien-pensance. Derrière ce charabia, une profonde imposture intellectuelle… et un véritable système de pensée idéologique. Entretien sans langue de bois.
Le Point : Dans votre livre, vous tirez au bazooka sur les « nouveaux conformismes idéologiques ». Quels sont-ils ?
Jean Szlamowicz : On observe aujourd’hui l’irruption de discours qui prennent appui sur un vocabulaire nouveau, du type « patriarcat », « appropriation culturelle », « micro-agression »… Tous ces mots-là s’infiltrent dans le langage politique et médiatique. Ce vocabulaire, souvent adopté par des personnes qui n’en maîtrisent pas la portée, se présente sous des apparences vaguement scientifiques. Le grégarisme, en l’occurrence, consiste à s’y conformer, les reprendre, les diffuser, adopter les arguments et les réflexes moraux qu’ils véhiculent. Bref, c’est se transformer en petit soldat aveugle.
La notion d’idéologie a plusieurs sens historiques, théoriques, polémiques, et, en l’occurrence, l’idéologie doit s’entendre comme un ensemble de préceptes, d’explications du monde, de valeurs et d’opinions. Tout cela forme un système qui est susceptible de se substituer à l’histoire, aux faits scientifiques. C’est un système qui est plaqué sur le réel.
Ces discours sont-ils dangereux ?
Raisonner « idéologiquement », c’est raisonner en fonction d’un dogme et donc vouloir l’appliquer, voire l’imposer à autrui. Sans cette dimension prosélyte, qui fait montre d’une certaine intolérance, on aurait alors affaire à un simple débat d’idées. Et il n’y aurait aucun problème à ce que se manifestent de nouveaux courants de pensée ! Hélas, le conformisme verse dans un militantisme exclusiviste, et là on sombre dans une conception qui exclut le dialogue. Quand on voit des jeunes qui n’ont pas lu un livre de leur vie répéter les mots « intersectionnel » et « patriarcat », on est clairement dans l’endoctrinement…
Vous écrivez que, derrière l’antiracisme, l’égalitarisme et la tolérance se cachent rancœur et radicalité. Vraiment ?
C’est une règle absolue de la propagande et, en vérité, de tout discours argumentatif : pour arriver à ses fins, il faut partir des principes qui sont acceptés par son auditoire. « L’orateur ne peut choisir comme point de départ de son raisonnement que des thèses admises par ceux auxquels il s’adresse », disait le philosophe Chaïm Perelman.
Prenons les exemples de l’antiracisme et de l’égalitarisme. Il existe un consensus sur ces deux principes. Ils sont fondateurs de notre société, c’est indéniable ! Le sectarisme identitaire ne peut donc s’appuyer que sur les valeurs admises par la société. C’est ainsi que derrière le discours antiraciste se cache l’ambition de promouvoir le séparatisme racial, l’obtention de faveurs – discrimination positive -, la condamnation de l’homme blanc, bref, d’aboutir à l’établissement d’un racisme qui serait « acceptable ». De même, derrière l’égalitarisme entre les sexes se déclare aujourd’hui une radicalité inédite : « Il faudra bien sortir les couteaux »; « Moi, les hommes, je les hais »; « L’hétérosexualité est dangereuse »… On aboutit donc à un discours d’hostilité alors qu’on partait d’une revendication consensuelle.
Si on schématise, comment se construit, étape par étape, un discours idéologique ?
C’est un peu comme une recette de cuisine. Vous prenez d’abord une valeur consensuelle : l’antiracisme, l’égalitarisme, la justice ou peu importe. Puis vous ajoutez une grosse pincée de victimisation. Être victime, c’est l’argument suprême ! Tout cela, vous l’assaisonnez de quelques métaphores. Pourquoi pas l’« inclusivisme », métaphore spatiale dont on ne sait pas vraiment ce qu’elle recouvre socialement. Vous pouvez agrémenter cela de quelques concepts obscurs comme la notion d’intersectionnalité. L’effet d’autorité est garanti : ce mot fait intelligent. C’est très difficile de réfuter des concepts comme l’inclusivisme et l’intersectionnalité tellement ils sont faiblards !
Vous ajoutez un peu d’histoire conjecturale : un peu intuitive, un peu fausse. Par exemple, la supposée « masculinisation » de la langue française brandie par les tenants de l’écriture inclusive. Leur petite théorie imagine qu’il y aurait eu une langue, dans un lointain passé, qui n’aurait pas été masculine. Cela ne veut rien dire en linguistique : la langue n’est ni masculine ni féminine. Tout cela, vous l’inscrivez dans un cadre très manichéen – le bien contre le mal -, dans lequel se met en jeu la culpabilisation. Voilà tous les ingrédients pour une doctrine qui pourra recruter des adeptes !
Certains idéologues appellent à « déconstruire » les idéologies qu’ils combattent. En quoi cela consiste-t-il ?
Encore un terme à la mode ! Après la déconstruction chez Heidegger ou Derrida, le verbe « déconstruire » peut signifier aujourd’hui, très banalement, « critiquer », « remettre en question ». Il s’adapte à toutes les situations : déconstruire les mathématiques, déconstruire les stéréotypes de genre, déconstruire le mythe de la Parisienne, déconstruire le mythe de la virilité… Ce terme s’anoblit de sa filiation philosophique, mais, en réalité, il est devenu une forme de slogan et un signe d’appartenance idéologique. Ceux qui « déconstruisent » veulent démonter la culture commune. Il est le plus souvent l’illustration du dogmatisme conformiste.
La déconstruction, c’est un faux dévoilement et une fausse révélation. Il y a toujours un petit peu de complotisme dans la déconstruction, comme s’il y avait quelque chose de caché par « le système » et que celle-ci allait enfin dévoiler.
Les déconstructeurs se déconstruisent-ils ?
Les déconstructeurs remettent tout en question, sauf leur propre narratif ! Ils n’acceptent pas la critique et refusent de se déconstruire car ils ont l’impression d’être du côté du bien. C’est le sens de woke : cela promet un éveil politique, une initiation quasiment mystique qui vous place en position de déconstructeur justicier ! Si vous êtes le représentant de la morale, vous ne pouvez qu’avoir raison.
La cancel culture est une forme d’anachronisme permanent puisqu’elle prétend réformer le passé à partir des normes d’aujourd’hui.
Vous assurez que la bourgeoisie rejoint « la meute » des conformistes pour survivre. Un exemple vous a-t-il frappé ?
Bien sûr. Le plus évident est l’alignement du monde universitaire sur ces conformismes. Les universitaires sont typiquement la base sociale qui se soumet et, dans le même temps, véhicule l’ordre moral. On le voit dans l’adoption de l’écriture inclusive, un marqueur social caractéristique. Pour les universitaires, c’est une façon d’exhiber leur vertu. Ces gens ont écrit toute leur vie d’une façon normale, et, depuis que c’est à la mode, adoptent cette écriture inclusive. C’est comme s’ils avaient été sexistes toute leur vie et que, d’un coup, ils s’étaient transformés !
On entend souvent dans les débats des phrases toutes faites, du type « l’école est le creuset des inégalités ». N’y a-t-il pas une sorte d’imposture intellectuelle derrière les slogans tout faits ?
C’est le principe même du conformisme idéologique : fabriquer du prêt-à-penser qui imite la philosophie et les sciences humaines, sans recherche sérieuse derrière. L’école est le creuset des inégalités, disent-ils. Cela suppose alors qu’avant l’école, il existerait une forme de neutralité, une situation dans laquelle tous les enfants sont égaux. Ce n’est évidemment pas le cas. Les inégalités de capital culturel, économique et social préexistent à l’entrée à l’école et même à la naissance. La naissance est-elle le creuset des inégalités ? Employer un mot métaphorique comme « creuset » dispense de décrire de véritables phénomènes et laisse planer l’idée d’une causalité sans vraiment l’affirmer.
Vous dénoncez le révisionnisme culturel. C’est quoi et pourquoi c’est dangereux ?
La cancel culture est une forme d’anachronisme permanent puisqu’elle prétend réformer le passé à partir des normes d’aujourd’hui. On considère, avec nos lunettes de 2022, que l’histoire est raciste et cela amène à déboulonner des statues. Cette interprétation, partiale et symbolique, participe à la transmission d’une forme de culpabilisation destructrice du lien social. Si on estime que notre histoire est toxique, on finit par vouloir tout remettre en question. Or nous avons besoin d’un socle commun pour faire société.
Quelles sont vos solutions face à ces conformismes idéologiques ?
Je leur oppose la continuité des savoirs et la réfutation des faux raisonnements. C’est à chacun de refuser de se laisser emprisonner par ces discours. Ces militants ne sont pas nos bergers. Nous ne sommes pas leurs moutons. Mais je reconnais que l’exercice est parfois difficile. Car si vous n’êtes pas d’accord, vous serez taxé de salaud historique et de salaud moral. Il faut, tout simplement, parvenir à penser en dehors des cadres imposés par le militantisme et surtout refuser le chantage moral : ce discours ne doit pas devenir une emprise et ces militants ne doivent pas devenir nos directeurs de conscience.
Propos recueillis par Kévin Badeau pour Le Point
Cessons de tourner autour du pot. Qu’est-ce que l »antiracisme »? C’est la forme moderne du racisme. Pour les « antiracistes » autoproclamés c’est Sarah Halimi qui est coupable et c’est Kobili Traoré qui est une victime. Robert Mugabe est un héros et Victor Hugo est un méchant colonialiste . Aux yeux des générations et des historiens futurs les wokistes, les décoloniaux et les intersectionnels seront vus exactement de la même façon que nous voyons le KKK ou le national socialisme.
Sur le compte YouTube de SOS machin on a droit à Taubira parlant de l’esclavage et de l’indépendance de Haïti : évidemment pas un mot sur la traite arabo-musulmane ni sur l’extermination des Blancs de Haiti par Dessalines. (Un micro genocide). Donc le but de SOS racisme est parfaitement clair : réécrire l’Histoire a la manière des indigénistes afin de véhiculer la haine des Blancs. Association raciste et révisionniste extrêmement dangereuse à dissoudre d’office.