Le 19 mars 2012 un homme casqué assassine devant l’école Ozar Hatora à Toulouse Jonathan Sandler et ses deux fils Arieh, 5 ans et Gabriel, 3 ans, il saisit les cheveux de Myriam Monsonego, 7 ans, et la tue à bout portant. Il blesse gravement un adolescent, Bryan Bijaoui, et remonte sur son scooter.
Le lien est vite fait avec l’assassinat du sergent chef Imad Ibn Ziaten le 11 mars à Toulouse et celui des soldats Mohamed Legouad et Abel Chennouf le 15 mars à Montauban ( un troisième soldat, Loïc Liber, est resté tétraplégique).
Plus tard, l’enquête révèlera que, après les assassinats de Ozar Hatorah, Mohamed Merah avait passé la matinée à jouer au football et la soirée en boite de nuit.
Président du Crif à l’époque, j’ai vu l’énergie déployée pour trouver le coupable, l’empathie pour les victimes et l’unanimité de la classe politique. Jean Louis Melenchon lui-même était loin de ses allusions immondes de l’an dernier, où il insinuait qu’un événement tragique et spectaculaire est concocté avant les élections pour favoriser le candidat de l’establishment.
Mais j’ai ressenti aussi le poids des préjugés et des dénis.
Alors que la radio venait d’annoncer les assassinats de Ozar Hatorah, j’ai reçu un appel de l’Élysée pour une réunion de débriefing. J’y ai rencontré Mohamed Moussaoui, président du CFCM, probablement convoqué parce qu’on pensait que les victimes étaient des musulmans (Abel Chennouf et Loic Liber ne l’étaient pas) et des Juifs.
Les suspects étaient des racistes anti-juifs et anti-musulmans d’autant plus que certains soldats du régiment de Montauban avaient été renvoyés dans le passé pour des saluts nazis…
Je revois Mohamed Moussaoui protester contre ceux qui suggéraient de chercher du côté de l’Islam radical: “C’est impossible, Monsieur le Président de la République, l’Islam est une religion de paix”.
Pour moi, cela me rappelait ce groupuscule nationaliste qui avait été accusé de l’attentat de la synagogue Copernic, pour ne pas soulever la plus déplaisante hypothèse palestinienne….
On dit que 20 000 dossiers de soldats ont été épluchés pour détecter des accointances nazies, alors que le jour de l’attentat de Ozar Hatorah la DCRI envoyait un appel téléphonique de routine à Mohamed Merah. Ce jeune homme avait en effet été interrogé par les services après des voyages prolongés au Moyen Orient, au Pakistan et en Afghanistan. Il mettait en avant des motifs purement touristiques mais, comme il était tout de même un peu radicalisé, la DCRI gardait le contact à tout hasard. Il avait dix huit faits de violence dans son casier judiciaire sans compter la plainte d’une voisine, classée sans suite, parce qu’il avait montré à son fils des videos de décapitation. Tout cela ne faisait de Merah qu’un petit délinquant inoffensif.
Mohamed Merah était la victime du racisme de la société française. C’était l’opinion de Tariq Ramadan et il n’était pas le seul. Certains le plaignaient de n’avoir pas reçu assez d’amour parental. On n’écouta guère Abdel Ghani Merah, le frère aîné, qui soulignait l’antisémitisme virulent de la famille, dont plusieurs membres fréquentaient l’imam blanc de la filière d’Artigat, Olivier Corel, plaque tournante du djihadisme français.
L’hypothèse couramment exprimée de Merah , loup solitaire, autoradicalisé et donc indétectable était totalement fausse.
Mais le tabou essentiel était la crainte de l’islamophobie.
Le président de la Licra m’avait proposé un rassemblement à Paris au nom de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Je lui ai répondu que je ne savais pas si Merah était raciste, mais que j’étais sûr qu’il était antisémite. “Si on fait une marche contre l’antisémitisme, les musulmans ne viendront pas”.
J’ai préféré annuler la manifestation et je suis allé à Toulouse en compagnie de l’imam Chalghoumi, dont je veux ici saluer l’amitié et le courage.
Finalement, une invitation au journal de TF1 avec Dalil Boubakeur, recteur de la Grande Mosquée de Paris. Il fallait montrer que les musulmans et les Juifs donnaient l’exemple du “Vivre ensemble”. J’ai dû brusquer un peu Laurence Ferrari pour dire que mon amitié avec Dalil Boubakeur n’était pas en cause, mais qu’on évoquait trop peu la radicalisation croissante de jeunes musulmans de certaines zones de notre pays, les territoires perdus de la République…
Le lendemain, j’ai reçu une lettre du syndicat de journalistes de TF1, protestant contre le fait que je m’étais conduit de façon inappropriée…
Je m’abstiendrai de commentaires…
© Richard Prasquier
Richard Prasquier chronique tous les jeudis sur Radio J
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