L’écrivain Emmanuel Carrère était l’invité de 7h50 sur France Inter.
Emmanuel Carrère a vécu les évènements comme un équivalent du 11 septembre. Il signe un reportage -que TJ a partagé hier- sur la société russe face au vertige de la guerre. Il était à Moscou le 24 février dernier quand Vladimir Poutine a lancé son invasion de l’Ukraine et a décidé de rester pour observer les dix jours qui ont fait basculer la Russie. Aucun Russe n’oubliera cette journée. Tout le monde en Russie se rappellera où il s’est réveillé le matin du jeudi 24 février. « Il n’est pas exclu que, rétrospectivement, on y pense tous comme ça en Europe et même dans le monde. Mais pour les Russes, oui, c’est certain. »
Leur monde en train de se refermer
« C’est d’abord se retrouver en guerre et pour beaucoup une guerre qui n’est pas la leur. Il y a des Russes qui évidemment, soutiennent cette guerre, qui soutiennent leur président. Mais il y a aussi beaucoup de gens à qui, pour ma part, je m’identifie volontiers. » Emmanuel Carrère raconte la bascule, le changement de monde après une seule décision prise par Vladimir Poutine : « tout à coup, leur pays rentre dans une guerre qu’ils ne souhaitent pas, et leur change radicalement en quelques jours de manière spectaculaire, et dont ils sont à peu près tous convaincus que c’est irréversible, pas seulement sur des années, mais peut être des décennies. Ils ont connu au fond le passage, il y a 30 ans, du monde du communisme, d’un monde enfin enfermé à un monde ouvert, un monde où on voyageait, un monde de relative liberté. Et là, c’est en train de se refermer. On est en train de revenir à l’Union soviétique dans ce qu’elle a de plus enfermé.«
« C’est devenu très très dangereux »
Par précaution, signe du profond changement qui a eu lieu dans le pays, l’écrivain a pris soin d’anonymiser toutes les personnes de son reportage : « je ne même pas raconter les raisons pour lesquelles je me trouvais à Moscou à ce moment là, qui sont absolument anodines, avouables. Et là, les gens avec qui je me trouvais m’ont dit ‘il n’est pas question que tu racontes quoi que ce soit, que tu dises nos noms.’ C’est devenu très très dangereux. »
Ce que se disent les gens, c’est que dans le meilleur des cas, ‘pour le monde, il n’y aura pas de guerre nucléaire, mais pour nous, Russes qui veulent mener une vie qui ne soit pas soviétique, c’est cuit’. »
Emmanuel Carrère est Ecrivain, scénariste, réalisateur
La censure et la désinformation de masse…Donc la Russie de Poutine ressemble de plus en plus…à la France et à l’Occident contemporains. (Les indigénistes et les wokistes en moins toutefois.)