Alexandre Devecchio. Les souverainistes, les conservateurs et Poutine

Il faut parfois savoir faire preuve d’autocritique. Les souverainistes, les conservateurs et Poutine : mon édito sur France Inter mercredi dernier.

« L’invasion de l’Ukraine par la Russie contraint de nombreux responsables politiques en France à faire leur autocritique…
Mélenchon, Zemmour et Le Pen ont manifesté une forme de soutien à Vladimir Poutine par le passé.  Plus largement, la droite et la gauche souverainiste ainsi que la droite conservatrice ont fait preuve d’indulgence à son égard.
Un choix parfois lié à la recherche cynique de soutien financier.
Souvent guidé par une vision stratégique qui n’avait jusqu’ici rien de déshonorante : la volonté de ne pas jeter l’ours russe dans les bras de la chine, de continuer à dialoguer avec une grande puissance dont le destin est, qu’on le veuille ou non, lié au continent européen,  l’idée gaullienne d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural capable de rivaliser avec les Etats-Unis.
Mais les raisons de ce rapprochement étaient aussi idéologiques.
Les souverainistes voyaient en Poutine l’antithèse des technocrates européens : le gardien des frontières et l’incarnation d’un Etat fort.
Aux yeux de la droite conservatrice, il était le défenseur de l’Occident chrétien et de ses traditions ainsi que le rempart face à l’islamisme.
L’heure est à l’examen de conscience car fascinés par la verticale du pouvoir poutinien, ils ont sous-estimé la menace qu’il représentait et se sont aveuglés sur sa dérive dictatoriale.

Poutine n’est pas seulement un dirigeant fort ou « un démocrate autoritaire », comme l’affirme Eric Zemmour, c’est un autocrate ivre de lui-même qui est en train d’entraîner la Russie à sa perte. S’il était encore possible de l’ignorer hier, c’est une faute de le nier aujourd’hui.

Si conservateurs et souverainistes ont, certes, condamné sans tarder l’intervention de Poutine, ils gagneraient à prendre encore plus clairement leurs distances avec ce dernier, comme l’a fait François Fillon dans le JDD.
Ils se grandiraient à rappeler que la souveraineté populaire et l’autorité de l’Etat sont des conditions même de la démocratie, mais qu’elles ne sauraient se confondre avec la tyrannie et l’écrasement de tous contre-pouvoirs…Cela ne signifierait pas pour autant renier leur vision.

Car la guerre en Ukraine leur a aussi donné raison sur bien des points. La résistance Ukrainienne montre la puissance des idéaux nationaux. C’est au nom de la démocratie, mais aussi de leur indépendance et de leur drapeau, que les Ukrainiens sont prêts à mourir. L’invasion russe bat en brèche l’illusion de la fin de l’Histoire, le rêve d’un monde globalisé pacifié par le doux commerce, l’utopie d’une Europe sans frontières régit uniquement par le droit et le marché. C’est d’ailleurs pourquoi, la plupart des pays européens, y compris l’Allemagne, ont choisi d’augmenter leur budget militaire.

La sécurité et la liberté des peuples en Europe passent par une politique de puissance et d’indépendance. Sans des Etats forts, pas d’Europe forte.
Et, nous le savons aujourd’hui, peut-être même plus d’Europe du tout… »

© Alexandre Devecchio

https://www.franceinter.fr/emissions/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-mercredi-02-mars-2022

Rédacteur en chef adjoint des pages Débats du Figaro, en charge du FigaroVox et des pages Esprits Libres du Figaro Magazine, Alexandre Devecchio, Essayiste, a publié Les Nouveaux enfants du siècle, enquête sur une génération fracturée (éd. du Cerf, 2016) et est coauteur de Bienvenue dans le pire des mondes (éd. Plon, 2016).

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1 Comment

  1. Article magnifique 🙂 qui m’a ouvert les yeux. Il faut impérativement soutenir Poutine. Ce sont nos dirigeants qui sont fous et dangereux !

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