La librairie indépendante est en deuil. Elle vient de perdre celle qui restera une des personnalités les plus marquantes des cinquante dernières années du monde du livre en Belgique. Le Syndicat des Libraires francophones de Belgique (ASBL), par la voix de Gaëlle Charon, sa déléguée générale, rend un hommage ému à Brigitte de Meeûs, « grande dame de la librairie ».
Brigitte de Meeûs était arrivée jeune en librairie, se formant d’abord au sein de Libris, mythique librairie de Bruxelles, créant ensuite en 1976, avec un associé, la librairie Calligrammes à Wavre. En 1984, en association avec Jacques Bauduin, les Éditions de Minuit et les Éditions du Seuil, elle avait fondé la librairie «Tropismes », dont Jérôme Lindon disait qu’elle était une des plus belles librairies d’Europe.
Elle a fait partie de cette génération qui s’est engagée dans tous les débats et tous les combats de la librairie indépendante, contribuant à lui donner la place essentielle qu’elle occupe aujourd’hui dans le paysage de la culture. Consciente que ses engagements concernaient tout un métier, elle les a toujours menés avec le sens du collectif, en participant dans les années 1980 à la création des Librairies présentes, devenues par la suite le Syndicat des librairies indépendantes de Belgique, dont elle était encore administratrice.
Personnalité discrète et bienveillante, libraire exceptionnelle et grande lectrice, c’est aussi sa passion pour la littérature qu’il faut retenir, une passion qui fut au cœur de sa vie de libraire, et lui fit partager les quelques années que dura l’aventure du groupement de libraires L’œil de la lettre, avec la publication de remarquables catalogues thématiques sur les littératures européennes. Et dans la droite ligne de cet engagement, elle fit de Tropismes, avec exigence, et avec l’aide de son équipe, cette librairie d’exception au cœur historique de Bruxelles.
La librairie était sa vie. Elle y aura vécu jusqu’au dernier moment. Elle y laissera sa trace, et son parcours continuera à nous impressionner.
Brigitte au pays des merveilles… Il y avait quelque chose d’absolument magique chez Brigitte : toute personne qui la rencontrait gardait inscrite dans sa mémoire sa première rencontre avec elle . Pour chacun de nous qui avons eu la chance de partager son quotidien, il en sera ainsi. Tous les jours, nous la voyions parler, courir, décider, ranger, faire des choix, des choix, des choix (et en cela, elle avait l’instinct sûr et la culture subtile), nous la voyions aller au devant d’inconnus, accueillir les représentants, les éditeurs, les écrivains, les jeunes étudiants aussi, pleins d’espoir parfois d’intégrer la si belle librairie qu’elle avait créée … Comment a-t-elle gardé, au fil de tant d’années, sa force et sa lumière ? Et comment pourrons-nous sans elle en perpétuer les traces ? Dans « Tropismes Libraires », elle insistait toujours sur le pluriel de « Libraires », nous étions les siens, elle était la nôtre, pour chacun différente, et nous lui devons tout. Elle a traversé le miroir inconnu. Sans doute a-t-elle déjà installé des rayons et des tables…
L’équipe de Tropismes
Poster un Commentaire