Le féminisme selon Golda Meir : « Être une femme n’a jamais été un obstacle pour moi«
Pournotre amie la linguiste Yana Grinshpun, la conception du féminisme de celle qui fut la troisième Première ministre de l’Histoire mérite d’être prise au sérieux.
Une polémique bien actuelle est née au Royaume-Uni, autour du choix de l’actrice Helen Mirren pour incarner le personnage de Golda Meir dans un film annoncé pour 2022. Signe des temps, les médias outre-Manche préfèrent parler de ce débat plutôt que du sujet véritable : à savoir le film lui-même, et l’intérêt que la figure de Golda Meir continue de susciter, plus de quarante ans après sa disparition. La parution d’une autobiographie inédite en français est l’occasion de nous interroger sur les raisons pour lesquelles « Golda » demeure toujours digne d’intérêt aujourd’hui.
Les fragments d’autobiographie de Golda Meir, La maison de mon père, qui viennent d’être traduits de l’hébreu par Pierre Lurçat et publiés aux éditions l’Éléphant Paris-Jérusalem, retracent la jeunesse et les débuts de l’engagement politique de Golda Meir, aux États-Unis puis dans la Palestine mandataire des années 1920. Cet ouvrage est intéressant à plusieurs titres. On y trouve la description d’une génération – celle de la Troisième Alyah – qui a vu édifier plusieurs institutions essentielles du Yishouv (ensemble de population juive qui se trouvait en Palestine avant la création de l’État d’Israël), comme la Haganah (ancêtre de Tsahal) ou la Histadrout, puissante centrale syndicale qui tenait lieu « d’Etat dans l’Etat » avant 1948 – et celle des valeurs fondatrices du sionisme travailliste, aujourd’hui moribond.
On y voit également l’émergence d’une femme politique de premier plan, dont le rôle dans l’édification de l’Etat est incontesté, même si son aura a pâli après la Guerre de Kippour, qui a mis fin à sa carrière. Mais on y trouve aussi une conception du féminisme qui mérite sans doute d’être prise au sérieux, malgré la distance temporelle et culturelle qui nous en sépare. « Le fait est que j’ai vécu et travaillé toute ma vie avec des hommes, mais que d’être une femme n’a jamais représenté pour moi un obstacle, en aucune façon. Non, je n’en ai jamais ressenti ni malaise ni infériorité, ni pensé pour autant que l’homme est mieux loti que la femme – ou que c’est un désastre que de donner le jour à des enfants… » écrit-elle.
« Autodafés de soutien-gorge »
Comme l’explique Pnina Lahav, auteur d’une biographie de Golda Meir à paraître au titre significatif, « La seule femme dans la pièce« , Golda Meir se différenciait d’autres femmes de sa génération, membres comme elle du « Conseil des femmes pionnières » , par une attitude plus réservée envers la cause féministe. Sa conception du « féminisme constructif » – qui revendique l’égalité des droits et des devoirs sans pour autant renoncer à rien de l’identité féminine – est moins radicale que celle d’autres militantes sionistes socialistes, aux yeux desquelles le combat des femmes avait préséance sur l’édification d’une patrie juive.
Ainsi, écrivait Golda dans un article publié au début des années 1930, « Il est difficile de considérer de manière positive le courant féministe dans lequel la ségrégation basée sur le sexe est considérée comme une grande réussite. L’hostilité envers les hommes chez certaines féministes peut prendre des formes odieuses, comme lorsqu’elles interdisent aux hommes de prendre part à leurs délibérations » . Ou encore, dans son autobiographie plus tardive : « Je ne suis pas une grande admiratrice de cette forme particulière de féminisme qui se manifeste par les autodafés de soutien-gorge, la haine de l’homme ou les campagnes contre la maternité« .
Le paradoxe de l’attitude de Golda Meir envers la cause féministe peut être résumé ainsi : elle a d’une part joué un rôle important dans le « women’s empowerment » au sein du mouvement sioniste, lequel était tout autant imprégné du modèle patriarcal que la société juive traditionnelle dont il prétendait s’émanciper. Mais elle a aussi accepté dans une certaine mesure la place prépondérante des hommes, et notamment celle de David Ben Gourion – son mentor – tout en lui reprochant implicitement son machisme, qui ressort à travers sa fameuse déclaration (« Golda est le seul homme de mon gouvernement« ).
Ou, pour dire les choses autrement, son « féminisme constructif » ne lui a pas fait jeter le bébé du sionisme travailliste avec l’eau du bain du pouvoir masculin. Le féminisme revendiqué par Golda Meir est, comme on le voit, bien éloigné des mouvances féministes plus radicales qui ont connu depuis le succès que l’on sait. La lecture de ses souvenirs de jeunesse n’en est que plus instructive pour découvrir le parcours de la troisième femme devenue Premier ministre – et la seule à ce jour en Israël.
© Yana Grinhpun
Linguiste, analyste du discours, Maître de Conférences en Sciences du Langage à l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle UFR Littérature Linguistique Didactique, Yana Grinshpun est particulièrement intéressée par le fonctionnement des discours médiatiques et par la manière dont se présentent les procédés argumentatifs dans les discours de propagande. Elle co-dirige l’axe « Nouvelles radicalités » au sein du Réseau de Recherche sur le Racisme et l’Antisémitisme (RRA)
Le féminisme tel qu’il se présente actuellement, autrement dit le néo-féminisme, n’a plus grand-chose à voir avec le féminisme d’origine. Ce n’est plus qu’une imposture. Il s’est égaré. Ce féminisme-là avait pour mission de défendre les droits des femmes, de leur assurer une égalité de droits avec les hommes. Cette mission a été abandonnée au profit d’une autre : la haine des hommes et le rejet de la féminité. Comme il est écrit dans cet article, l’hostilité envers les hommes chez certaines féministes peut prendre des formes odieuses. Bien vu, aussi les autodafés de soutien-gorge, la haine de l’homme ou les campagnes contre la maternité“. Beau programme, en vérité !
Pire, dans certains cas, comme par exemple quand elles ne veulent pas entendre parler de certaines catégories de violeurs, il est évident que ces soi-disant féministes ne défendent plus du tout les femmes, c’est encore vérifié lorsqu’elles encouragent certaines coutumes qui rabaissent les femmes au stade de créatures inférieures à l’homme.
Le néo-féminisme consistant à présent à semer la haine des hommes blancs à tous vents tout en rejetant avec horreur le fait d’être une femme et une mère , il est évident qu’il ne peut déboucher sur rien de positif.
Golda Meir avait raison : le rôle du féminisme est de revendiquer l’égalité des droits et des devoirs sans pour autant renoncer à rien de l’identité féminine
Merci à Yana Grinhpun pour ses articles pleins de sagesses, que j’apprécie toujours beaucoup.