L’expression du candidat des Verts à la présidence, Yannik Jadot, qualifiant sur Radio J son concurrent Eric Zemmour, de “Juif de service”, est scandaleuse en soi. Cibler un individu dans ce qu’il n’a pas choisi d’être mais qu’il est tout simplement et le cibler en lui prêtant une pensée qu’il n’a pas de par son origine (juive), n’est pas très respectacle pour quelqu’un que sa famille politique, les Verts, aurait dû pourtant rendre sensible au “politiquement correct”. C’est comme si on critiquait Valérie Pécresse pour une conception qu’elle aurait parce qu’elle est une femme, de la même façon que Zemmour est un Juif …
Hier, quand on évoquait “le Juif” , c’était en référence à un pouvoir occulte tout puissant. Zemmour, ici, est accusé de libérer l’extrême droite de son bannissement moral, non pas au nom du judaïsme mais parce qu’il est juif. Sur la même longueur d’onde, il y a quelques jours, Anne Hidalgo comparait les musulmans français aux Juifs poursuivis par Vichy…
Ces deux occurences à gauche de l’échiquier politique nous ramènent il y a plus de 30 ans en arrière à la politique mitterandienne et au Parti socialiste, qui avaient inventé la machine infernale de l'”anti-Le Pen”, soit: “Choisissez entre moi ou le fascisme!” . Cette stratégie a paralysé la politique française jusqu’à ce jour. Les institutions juives et les Juifs en général furent embrigadés, comme “Juifs de service”, positifs cette fois-ci aux dires des socialistes, pour confirmer la véracité du danger (on se rappelle à ce propos le slogan: “Juifs=immigrés”).
Ce que Anne Hidalgo et Yannick Jadot expérimentent aujourd’hui, c’est que justement cette manœuvre est éventée et ne marche plus. Ils rappellent alors à l’ordre ” les Juifs de service” pour rejouer la même scène. Et il s’en trouve pour la re-jouer!
Au delà de cette configuration circonstancielle, il y a une autre dimension bien plus profonde qui élargit ce concept de “Juif de service”. Les Juifs effectivement, ou plutôt le symbole qu’ils représentent (et dont ils n’ont pas la maitrise), se voient, depuis plus de 20 siècles, mis à contribution pour servir, par le biais de ce qu’ils symbolisent, d’autres finalités que les leurs. Comment l’expliquer sinon par l’héritage symbolique de toute une histoire qui a servi à forger toutes sortes d’identités qui se sont pensées en concurrence avec l’identité juive, depuis la naissance du chritianisme, qui se fonde comme “nouvel Israël”, jusqu’au Prolétariat élu du marxisme. A partir de cet investissement sur une compréhension (fantasmée) de l’élection d’Israël, un dédoublement s’est produit entre le Juif et ce que l’on peut appeler son spectre, sa dimension de signe, recyclable dans d’autres circonstances, à d’autres fins, en un mot sa figure idéologifiée, indépendante du Juif réél.
Il y a ainsi deux registres du signe juif: celui dans lequel le Juif s’exprime et parle et celui dans lequel il est parlé malgré lui, entendu avant qu’il n’ouvre la bouche. La logique de ce qui lui est prêté relève alors d’une autre responsabilité que la sienne, mais il arrive le plus souvent qu’il en soit tenu pour responsable et paie “les pots cassés”.
J’ai un jour entendu une opinion intéressante qui remarquait qu’il y avait une fatalité à ce que les taches ministérielles délicates et difficiles soient dévolues en France à des hommes politiques Juifs: par exemple Lionel Stoléru fut sous Giscard Responsable du Regroupement des familles des immigrés, Badinter de l’abolition de la peine de mort, Simone Veil de l’accès à l’IVG. On pourrait ajouter aujourd’hui l’auteur du “Rapport sur les questions mémorielles portant sur la décolonisation et la guerre d’Algérie”, Benjamin Stora…
Pourquoi les Juifs pour jouer ce rôle? Ceux qui à travers l’histoire furent des bannis ont-ils pour capacité de gérer ce qui ne relève d’aucun ordre? Remplissent-ils une fonction quasi anthropologique qui a à voir avec le sacré, le tabou, que les Juifs ont fréquenté à travers l’histoire dans toutes les sociétés où ils ont vécu et avec tous les dangers que ce contact porte en lui? De ce point de vue, le phénomène Zemmour en tant que fait public (plus que sa doctrine ) pourrait bien relever de queque chose de semblable au niveau de toute la société française.
Espérons toutefois que la logique des symboles ne l’emporte pas sur la logique de la responsabilité des individus…
© Shmuel Trigano
Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités
Fondateur de l’Université Populaire du Judaïsme
http://www.unipopu.org ; universitedujudaisme.akadem.org
Fondateur de la Revue européenne d’études juives, Pardès
http://www.inpress.fr/pardes-2/ ; http://www.cairn.info/revue-pardes.htm
Le site internet de Shmuel Trigano:
Shmuel Trigano chronique sur Radio J le jeudi
Article publié en hébreu sur le site d’information israélien “Mida” sous le titre “Le plan par étapes de Mansour Abbas“
À retrouver en français sur le site menora.info
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Je ne pense pas qu’on puisse mettre sur le même plan Lionel Stoleru ou le sinistre Benjamin stora et l’admirable Simone Veil !
Comment dire je trouve que ces explications sont claires impératives à savoir. Mais est-ce que Zemmour rentre vraiment dans cette démonstration où bien pourrait t’il à sa manière à lui aider à rendre l’image que les français ont des juifs plus légitimes en étant discret ont peu de ce fait faire briller des pans des pans de notre peuple ignorer délibérément. Chaque personne apporte sa pierre à l’edifice.
Permettez-moi, Monsieur ou Madame Zibi, d’ajouter un mot significatif à la fin de votre dernière petite phrase. Ce mot est : SOCIAL.
Cela donne : chaque personne apporte sa pierre à l’édifice social. Ce qu’ont donc fait respectivement Lionel Stoléru, Robert Badinter, Simone Veil et Benjamin Stora.
Quant à Eric Zemmour, aucun(e) politique ne l’a chargé de la mission qu’il s’est lui-même imposée.
Je continue a regretter qu un petit juif algerien , ait , seul , le courage de defendre la France qui coule a pic .
Des millions de citoyens et de responsables partagent cette triste lecture de la realité , mais seul un petit meteque juif a le courage et l energie de mener ce combat .
Triste et desolant pour ce peuple doté de si peu de ressource
Sans oublier la contribution (involontaire) du capitaine Dreyfus et de Sarah Halimi aux progrès de la justice française
Nul autre qu’un Juif – juif aux yeux des autres, car lui préfère se présenter en Français de confession israélite- n’oserait revisiter le procès de Dreyfus la déportation par Vichy des Juifs de France non encore naturalisés et n’oserait remettre lEglise catholique au fondement de la France contemporaine
Sa judéité le met à l’abri de l’accusation méritée de fils de Maurras et Petain