La dessinatrice israélienne Rutu Modan est une adepte de la « ligne claire » à la Hergé. Mais il ne s’agit pas des aventures de Tintin et du capitaine Haddock.
Cette BD ״הנכס״ ( traduite en français par l’excellente Rosie Pinhas-Delpuech), « La Propriété », nous parle du difficile retour de rescapés de la Shoah sur leur terre natale. La Pologne.
Là où leurs parents périrent après avoir été spoliés. Là où la population locale voit ce retour avec méfiance voire avec hostilité. Là où certains voudraient réécrire ou empêcher d’écrire l’histoire pour s’exonérer de toute responsabilité.
On ne sait jamais, cette vieille dame juive au passeport israélien pourrait, au hasard d’une rue à Varsovie, reconnaître l’immeuble de son enfance, et demander à récupérer ce qui lui appartient.
Cette vieille dame juive qui passe brusquement de l’hébreu au yiddish et au polonais pourrait reconnaître d’anciens voisins, maintenant installés parmi les meubles de ses parents.
Cette vieille dame juive n’est pas la bienvenue à Varsovie.
Mais ce livre est également une BD pleine d’humour et au graphisme élégant.
Très drôle avec des personnages grotesques et attachants. Dans une des dernières vignettes, le chantre, ( par ailleurs assez antipathique), se met à entonner, en plein cimetière de Varsovie, la version du אל מלה רחמים ( Dieu plein de miséricorde) adaptée aux victimes de la Shoah.
La vieille dame juive ne cherchait pas à faire valoir un titre de propriété. Elle voulait juste honorer des morts qui n’ont de sépulture ni à Varsovie et ni à Jérusalem. L’acte de propriété qu’elle possédait s’envolera avec le vent et les feuilles des arbres du cimetière.
© Daniel Sarfati
L’auteur israélienne de bandes dessinées Rutu Modan a fait connaître cet art dans son pays. Elle a reçu plusieurs prix, dontle Prix Urhunden du meilleur album étranger pour La Propriété. Sa dernière BD, « Tunnels« , parle de la difficile coexistence entre juifs et arabes dans les Territoires. Avec beaucoup d’humour et sans manichéisme. D.S.
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