L’institution (Le Mossad) dirigée par David (Dudi) Barnéa subit un changement audacieux, mais évident, déduit de la compréhension que le monde du renseignement du 20e siècle n’est plus pertinent face à la technologie du 21e siècle.
Basé sur un article d’Alon Ben David 22:31 04/02/2022
David Barnea, chef du Mossad (Photo : sans crédit)
L’événement qui a marqué la fin d’une ère dans le monde de l’espionnage a été élimination de l’agent de liaison du Hamas Mahmoud al-Mabhouh à Dubaï il y a 12 ans. Bien qu’aucun des Kidonim (Baïonnettes en hébreu, les agents chargés d’éliminer les éléments particulièrement dangereux) n’ait été appréhendé, la facilité avec laquelle la police de Dubaï a décrypté l’incident était un signal que ce qui était encore réalisé n’est plus ce qu’il sera à l’avenir. Maintenant, après plus d’une décennie, le nouveau chef du Mossad, Dudi Barnea, traduit cette idée en un changement organisationnel audacieux, mais souhaitable.
Dubaï a été un premier et douloureux bras-de-fer entre le monde du renseignement du XXe siècle et la technologie du XXIe siècle. Une grande escouade de membres de l’unité-action (27 signalés), le tout sous une couverture avec de faux papiers d’identité, portant du maquillage et des perruques, entoure la cible jusqu’à ce qu’il la capture seule puis lui injecte du poison dans sa chambre d’hôtel. Quelques heures plus tard, les tueurs ont quitté le pays pour diverses destinations à travers le monde.
Ce modèle d’action s’est avéré efficace et réussi dans des centaines d’opérations précédentes, qui se sont soldées par la mort non identifiée de la cible et ont laissé la police locale sans piste à établir.
L’un des suspects de l’élimination ciblée de Mabhouh (Photo : AFP)
Mais même alors, en 2010, Dubaï était un pays qui avait déjà acquis des technologies de sécurité avancées, selon certains auprès d’entreprises israéliennes. Quelques jours après l’assassinat, la police a présenté un décryptage presque parfait : les papiers utilisés par les responsables de l’opération d’élimination, leurs photographies sur les caméras de surveillance, les localisations des téléphones portables et la récupération des messages qu’ils ont envoyés. La police de Dubaï n’a pas été en mesure de les capturer, mais a montré au monde que l’univers secret devra également s’adapter à la nouvelle technologie.
Depuis lors, seules les technologies de suivi et les capacités d’identification biométrique ont été perfectionnées à un niveau tel qu’aucun maquillage ou perruque ne puisse être trompeur. Il est aujourd’hui possible de découvrir l’identité d’une personne même sur la base d’une image partielle de son visage, et il existe d’autres technologies qui savent reconnaître même la démarche d’une personne : il s’avère que chacun de nous a une certaine démarche qui est unique et seulement propre à lui.
La possibilité d’envoyer un combattant secret sous la couverture d’une autre personne est plus restreinte, certainement lorsqu’il s’agit d’un État ennemi, où un combattant arrêté ne pourra plus rentrer chez lui. En plus de cela, le coronavirus est arrivé et tout à coup, nous sommes tous tenus de faire des tests PCR dans les pays où nous atterrissons. Nous laissons également notre signature génétique sur le marqueur, de sorte que si quelqu’un séquence notre ADN laissé sur le marqueur – il aura à partir de ce moment la capacité de nous identifier sans équivoque.
La possibilité que des Israéliens qui opèrent sous une fausse identité dans des « opérations blanches », dans lesquelles nos excellents jeunes hommes parcourent le monde, munis d’un passeport canadien, d’un sourire captivant et d’un anglais avec un accent de kibboutz, s’est érodée.
La compréhension de cette profonde évolution a également pris racine dans l’institution (Mossad) au cours de la décennie qui a suivi et des publications du monde entier ont affirmé que ce sont, de plus en plus de combattants étrangers qui ont mené des opérations attribuées à Israël. Des combattants non-israéliens auraient commis le vol des archives nucléaires, les opérations d’éliminations en Iran (comme celle de Mohsen Fakrizadeh) et ailleurs -a-t-on prétendu.
Evénement de la transmission de pouvoir entre l’ancien chef du Mossad Yossi Cohen, en présence de David Barnea et de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu (Photo : Kobi Gideon, GPO)
Lorsque le chef du Mossad, Barnea, a pris ses fonctions l’année dernière, il a apporté avec lui un concept stratégique ordonné concernant l’apparence et le fonctionnement de l’organisation au cours de la décennie actuelle et a décidé d’institutionnaliser cette réinterprétation dans un changement organisationnel profond. Parallèlement aux processus qu’il a dirigés dans la division renseignement des opérations d’espionnage à l’étranger pour les agents opérationnels et dans la division technologique (sur laquelle j’ai déjà écrit ici), Barnea a également décidé de changer le visage de la division Césarée (service-action des « Kidonim »)- la division opérationnelle qui emploie des combattants israéliens.
L’aile Césarée est le fleuron de l’institution, et c’est aussi celle qui a également créé sa philosophie. C’est l’aile qui a su implanter des espions israéliens dans les capitales des pays ennemis, mener des exécutions ciblées audacieuses et des opérations dans les pays amis et de destination. Il faut beaucoup de courage pour aller à contre-courant de ce glorieux héritage historique et ne plus décider d’opérer selon des schémas qui ont mérité tant d’éloges.
Barnea a décidé de le faire et, dès sa prise de fonction, a chargé le chef de la division, B., de commencer à travailler avec ses hommes pour changer le visage de l’unité opérationnelle. Avec le temps, il est devenu clair que B., un vétéran et combattant à l’expérience privilégiée, n’avait pas décelé la détermination de Barnea, et à la fin d’une réunion chargée entre eux, le chef du Mossad a montré la direction de la porte au chef de Césarée.
Dans le sillage de B., son adjoint, S., et un certain nombre d’autres combattants de l’unité ont également pris leur retraite. À sa place, un autre B., également un combattant vétéran, a été amené à commander l’unité, et il a été mis au défi de réinventer Césarée et de la rendre pertinente à cette ère technologique qu’il doit surpasser.
Barnea veut préserver certaines des capacités de base de Césarée : il y a des missions dans lesquelles il n’y a pas de substitut au guerrier israélien, et celles-ci doivent être préservées et adaptées au nouveau monde. Dans le même temps, certaines capacités de l’unité seront assimilées à d’autres divisions opérant dans une discipline différente. Le défi pour le nouveau chef de Césarée sera de prendre l’unité qui a toujours été unique dans son excellente capacité à porter, à dépouiller et remaquiller les identités – et de trouver une nouvelle identité qui lui soit propre. [CQFD : Mais si l’on escomptait retirer des détails techniques nous mettant sur la piste de la marque de ce bouleversement en cours, c’est raté, et il faudra repasser…]
L’auteur de l’article est le commentateur militaire de News 13
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