La stratégie turque de nettoyage ethnique en Syrie utilise une ONG israélo-arabe.
DERRIÈRE LES LIGNES :
de quel droit une organisation caritative basée en Israël, apparemment dévouée à la cause palestinienne, vient construire des mosquées dans le nord de la Syrie et participer à un Apartheid anti-Yezidi ? Le Nettoyage ethnique turc s’appuie sur des sympathisants du Hamas.
Par JONATHAN SPYER Publié: 3 FÉVRIER 2022 19:50
Mis à jour: 4 FÉVRIER 2022 13:27
Des réfugiés DÉPLACÉS INTERNES passent près de véhicules militaires turcs à Afrin en février 2020.(crédit photo : Khalil Ashawi/Reuters)
Le 21 juin 2021, une mosquée nouvellement construite a été inaugurée dans le village de Sheikh Khurez, au nord-ouest de la Syrie , près de la frontière turque.
Sheikh Khurez est situé dans la partie de la Syrie sous l’administration nominale du gouvernement intérimaire syrien lié à l’opposition. En pratique, depuis que l’opération Rameau d’olivier des forces armées turques de 2018 a détruit le canton kurde d’Afrin, la région est sous le contrôle de facto d’Ankara et de ses milices associées. Ces dernières sont organisées dans le cadre de l’Armée nationale syrienne formée et financée par la Turquie.
L’ouverture d’une petite mosquée dans un coin reculé du nord-ouest de la Syrie il y a six mois pourrait généralement être considérée comme un événement banal. La nouvelle maison de prière de Sheikh Khurez, cependant, était remarquable en raison d’un détail particulier, à savoir l’identité de l’organisation qui a parrainé la construction de la mosquée et dont le logo est affiché à son entrée.
L’organisation en question s’appelle Jamia’at al aish bi’Karama, ou Living with Dignity Association. Cet organisme n’est pas basé en Syrie, mais dans la ville de Tira, au centre d’Israël. Il a acquis une certaine notoriété l’année dernière en raison du soutien qu’il a apporté aux résidents arabes de Jérusalem qui protestaient, avec le Hamas, contre les expulsions légales prévues à Sheikh Jarrah. Il est lié à d’autres organisations soutenant une vision islamiste sunnite, du type représenté par les Frères musulmans et le gouvernement turc.
Alors qu’est-ce qu’une organisation caritative de Tira, apparemment dévouée à la cause palestinienne, fait construire des mosquées dans le nord de la Syrie ?
LA FUMÉE MONTE à cause des frappes d’artillerie près d’Afrin. (crédit : Reuters)
POUR COMPRENDRE, il faut d’abord rappeler les événements de début 2018. A cette époque, des milices islamistes sunnites syriennes soutenues par la Turquie sont entrées dans la zone d’Afrin. Environ 300 000 personnes, principalement des Kurdes, sont devenues des réfugiés suite à la destruction du canton d’Afrin. La plupart de ces individus se sont ensuite dirigés vers le nord-est de la Syrie sous contrôle kurde. Beaucoup d’entre eux restent dans des camps de réfugiés dans cette zone.
Depuis lors, la Turquie s’est engagée dans la réinstallation à grande échelle à Afrin de réfugiés arabes sunnites syriens qui résidaient auparavant en Turquie. La Turquie affirme que 330 000 Syriens ont été déplacés vers les régions d’Afrin et d’autres parties du nord de la Syrie conquises par la Turquie lors d’opérations antérieures, depuis 2018.
La plupart de ces familles sont originaires de régions à majorité arabe sunnite de Syrie qui sont passées sous le contrôle des rebelles pendant la guerre civile et ont ensuite été reconquises par le régime d’Assad, comme la campagne de Damas, les gouvernorats de Homs et de Hama et le sud d’Idlib.
Un nombre considérable de familles palestiniennes rattrapées par la guerre ont également été réinstallées à Afrin. Selon un rapport du 28 janvier sur le site Internet Rohani (un média associé à l’autorité kurde dans le nord-est de la Syrie), 1 535 familles palestiniennes ont été réinstallées dans la région d’Afrin. Ces familles sont originaires du camp de réfugiés de Yarmouk, de Khan al-Sheikh et d’autres régions au sud de Damas.
La page Facebook de Living with Dignity indique que l’organisation ne semble pas donner la priorité aux intérêts de ces déplacés palestiniens qui ont été réinstallés à Afrin.
Au contraire, l’organisation participe à l’effort mené par la Turquie pour insérer une nouvelle population arabe sunnite le long de la frontière entre la Syrie et la Turquie. La mosquée de Sheikh Khurez n’est qu’un petit détail dans une stratégie de transformation plus large, soutenue par Ankara, et menée sous les auspices de l’Armée nationale syrienne islamiste. L’intention est de transformer durablement l’identité démographique et culturelle d’Afrin traditionnellement laïque et multiethnique.
Les populations non sunnites/non arabes restantes à Afrin, dont les communautés sont la cible de cet effort, comprennent certaines des plus opprimées et des plus pauvres de Syrie. Living with Dignity a, par exemple, également financé la construction d’un complexe de logements pour réfugiés arabes connu sous le nom de Basma, qui est situé juste au sud du village yézidi de Shadira, à 15 km de la frontière syro-turque. Le complexe de logements maintenant terminé se compose de huit unités, totalisant 96 appartements. Chaque appartement est de 50 mètres carrés. Une mosquée, une école et un centre de santé ont pareillement été construits pour le nouveau village. Environ 500 réfugiés arabes syriens y ont depuis été relogés. Le complexe a été construit sur le terrain d’un certain Ziad Habib, un habitant de Shadira qui prétend avoir été contraint de vendre la zone.
Selon des sources kurdes, les autorités de cette région obligent actuellement les résidents yézidis restants du village à suivre un enseignement islamique obligatoire et les résidents yézidis sont également tenus de réciter la Shahadah (une déclaration de foi islamique). Six villages similaires sont en construction le long de la frontière syro-turque. L’objectif spécifique semble être l’ensemencement d’une population arabe sunnite loyale le long de la frontière, dans le cadre de la transformation démographique plus large en cours.
Les Yézidis, une population kurde et non musulmane du nord de la Syrie et du nord de l’Irak, ont fait l’objet d’une tentative de génocide de la part de l’organisation État islamique au cours de la période 2014-2019. Largement vilipendés par les musulmans de la région comme des « adorateurs du diable », ils restent victimes de préjugés répandus.
Living with Dignity a également, selon les médias régionaux, participé à des confiscations de terres à un citoyen kurde syrien dans la région de Tal Tawil, et a financé la construction de mosquées à Tal Tawil et dans le village d’Ikidam, le tout dans le cadre du plus grand projet de transformation décrit ci-dessus.
Living with Dignity, sur sa page Facebook, sollicite des dons pour ses projets de logement en Syrie, qu’elle désigne sous le titre de plan « Noble Housing ». L’annonce de ce projet comprend les détails d’un compte bancaire Hapoalim sur lequel des dons peuvent être faits et l’information que le coût de construction d’un seul logement est de 16 000 NIS (shekels).
La page Facebook de l’organisation note qu’elle collecte des fonds pour ces efforts dans un certain nombre de communautés israélo-arabes (ou palestiniennes de 1948, comme ils s’appellent d’eux-mêmes), notamment Kalansuwa, Umm el-Fahm, Jaljulya et Tira.
Cette organisation caritative israélo-arabe/palestinienne est une composante unique d’un plus grand archipel d’organisations islamiques impliquées dans le projet de réinstallation des réfugiés arabes à Afrin. Il s’agit notamment de l’organisation Ayad al-Bayda (White Hands), avec laquelle Living with Dignity coopère étroitement. Ce groupe, créé en 2013, selon son site Internet, coopère à son tour avec des organisations caritatives associées aux Frères musulmans et des ONG du Golfe, notamment Rahma International et Zakat House, basés au Koweït, et au Qatar al-Khairiya, basé au Qatar.
Le régime pro-syrien et d’autres médias anti-Erdogan ont publié un certain nombre d’articles sur ce processus de déplacement ethnique et de transformation démographique.
Ils ont, sans surprise, trouvé un moyen de blâmer Israël pour cela. Le commentateur syrien Khayyam al-Zoubi, écrivant sur le site Internet en langue arabe Rai al-Youm en juin 2021, a affirmé que la réinstallation des réfugiés arabes à Afrin fait partie d’un « complot sioniste turc visant à expulser les Palestiniens en les déracinant du territoire occupé de 1948 », pour les parachuter au nord de la Syrie, et les installer aux dépens des Syriens yézidis et non yézidis, afin de mettre en œuvre son programme de destruction de la Syrie. Un compte Twitter pro-PKK en langue kurde a également laissé entendre que le gouvernement israélien devait sûrement avoir « approuvé » les contributions financières des organisations caritatives israélo-arabes à ce projet. Un article en arabe sur le site Web de Ronahi déplore que l’engagement palestinien avec Erdogan et les Frères musulmans « contredise l’essence de leur juste cause ».
Souligner les contradictions n’est pas tout à fait hors de propos. Les mêmes organismes qui plaident contre le déplacement ethnique allégué dans un contexte le défendent et l’aident dans un autre.
Il y a néanmoins une cohérence plus profonde apparente ici. Les activités islamistes en Syrie et plus au sud partagent une composante essentielle – à savoir l’opinion selon laquelle seules les communautés arabes et musulmanes sont présentes dans la zone de droit concernée et avec une légitimité morale. Eux et eux seuls sont considérés comme ayant droit à une vie digne. Les tactiques peuvent différer selon le rapport de force local pertinent. Ce point de vue fondamental semble cependant commun aux deux contextes géographiques.
Un génocide anti kurde et anti yezidi est en cours grâce à la complicité des occidentaux. Autre sujet d’inquiétude : je me suis rendue compte en allant sur un site « féministe » kurde que les nazillons BLM sont de plus en plus influents chez les activistes kurdes : soutien à BLM, allusion à un prétendu « colonialisme français » et soutien à jean luc Mélenchon j’en passe et des meilleures. Moi qui soutiens la cause kurde depuis longtemps je vais finir par m’en détourner…