Tribune Juive

Pierre Saba – L’accoutumance à l’inacceptable

En France, RCJ est une radio du Fonds social juif unifié (FSJU), l’un des organes communautaires du judaïsme national.

Lors de l’« Analyse politique de Katy Bisraor », du 10 janvier 2022, la journaliste commente depuis Israël avec son interlocuteur parisien en studio un entretien téléphonique diplomatique franco-israélien entre le président français Macron et le ministre israélien des Affaires étrangères Lapid.

Cet entretien téléphonique y est présenté comme « chaleureux », relevant d’un « contact » pouvant être qualifié d’ « amical » entre les deux hommes, initié lors de leur rencontre à Paris en novembre 2021 et suivi d’une série de communications téléphoniques dont celles de « samedi » dernier constitue la confirmation de signes « bons pour la diplomatie israélienne et la diplomatie française ».

Cette intervention radio suscite quelques remarques de forme et de fond.

SUR LA FORME

Il convient de se féliciter avec les journalistes de RCJ de la fréquence et de la qualité des relations personnelles entre le ministre israélien des affaires étrangères et le président de la république française.

SUR LE FOND

La situation de fond, celle de la diplomatie franco-israélienne, est fort différente de celle diffusée par RCJ lors de cette émission.

En premier lieu, sur les faits évoqués

L’excellence des relations entre les deux hommes lors de la visite de Lapid à Paris en novembre dernier avait déjà été soulignée par les media communautaires juifs de France. Cette excellente relation n’avait pas empêché le même jour la France de voter et de faire voter de nombreux Etats en faveur d’une nouvelle résolution à l’ONU déniant notamment toute autorité culturelle, historique, nationale et confessionnelle d’Israël sur sa propre capitale !

En second lieu, sur la diplomatie évoquée

Si la diplomatie israélienne du président français revêt un aspect lisse et poli avec ses interlocuteurs israéliens, ses décisions, ses marques, ses initiatives diplomatiques sont autant de coups portés à la légitimité, à la souveraineté de l’Etat d’Israël comme à la dignité, au droit de vivre et à l’autodétermination du peuple israélien, toutes confessions confondues.

Si l’on ajoute l’influence qu’attribue encore et malgré tout à la France sa qualité de membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU et l’agressivité et l’inimitié sempiternelle du Quai d’Orsay (affaires étrangères français) face à Israël, le moins que l’on puisse réagir est l’incompréhension de l’analyse politique et diplomatique de l’émission de RCJ.

Certes, le mode opératoire à la Janus de la diplomatie française (double face) ne semble pas perturber outre mesure la diplomatie israélienne en général. Elle ignore l’hostilité diplomatique française ou feint de l’ignorer en pensant ainsi servir les intérêts vitaux de Jérusalem. Si tel est son cas, les votes internationaux successifs hostiles à Israël la démentent et invalident son mode opératoire.

En troisième lieu, les commentaires des deux intervenants de RCJ

Ce qui est encore plus étonnant est l’appréciation positive et optimiste de RCJ lors de l’émission (« bon pour la diplomatie israélienne et la diplomatie française »)

Il est possible que les intervenants de RCJ méconnaissent les initiatives, les mobilisations et les participations de la diplomatie française à l’encontre d’Israël lors des votes internationaux prétendant fragiliser l’Etat hébreu.

Il est possible qu’ils ignorent que les bonnes relations entre Macron et Lapid ne se traduisent nullement par de bonnes relations entre Paris et Jérusalem.

Il est possible qu’ils limitent la « bonne diplomatie « aux échanges commerciaux, d’affaires, de sécurité, militaires etc. qui sont certainement meilleurs avec Israël que les relations diplomatiques. Cette hypothèse reste cependant soumise à l’incontournabilité acquise par Israël sur ces plans !

Bref, et à la lueur de l’actualité, ces commentaires audibles en podcast-RCJ ont de quoi surprendre.

Sans surtout porter de jugement sur les personnes, ces commentaires ressemblent un peu au degré réactif des indignations des représentants communautaires juifs de France et à la nullité de leurs effets face aux ravages de l’antisémitisme sur le territoire national.

L’accoutumance à l’inacceptable…

Pierre Saba

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