Tribune Juive

France Culture. Yiddish, l’éternel retour

Deuxième épisode de la série de France Culture « L’éternel retour », consacré aujourd’hui à la musique yiddish. Si comme la langue yiddish elle-même, une partie de son répertoire est perdue, il nous arrive parfois de le fredonner sans qu’on le sache, parce qu’il a nourri le jazz, la chanson française et même le rap.

The Andrews Sisters, 1944• Crédits : Getty

La musique yiddish est la musique des Juifs d’Europe de l’Est. Elle est née quelque part entre le nord de l’Italie et les confins de la Russie, et n’a cessé de se déployer et de se métisser de la fin du Moyen Âge à l’aube du XX ème siècle. Elle a quasiment disparu avec tous ceux qui en étaient les héritiers (interprètes ou réinventeurs) et qui ont été décimés par la Shoah.

Beir mir bist do shein : Le succès de The Andrews Sisters

Beir mir bist do shein est l’un des tubes yiddish qui a connu le destin le plus étonnant. Lorsqu’il sort en 1937, la Seconde guerre mondiale n’a pas encore commencé, le monde entier de New York à Berlin est en train de succomber au charme du swing, cette musique syncopée venue des Etats-Unis et combattue par l’Allemagne déjà nazie car produit de la culture noire américaine. En Allemagne, le succès de ce titre est étonnement presque aussi florissant qu’ailleurs. Il est chanté par les Andrews Sisters, trois soeurs américaines d’origine norvégienne. Mais cette chanson qui sonne presque allemand est pourtant tout à fait juive. Son composteur s’appelle Sholem Secunda, Il est le fils d’un chanteur de synagogue itinérant et sa famille a dû fuir la Russie pour émigrer au début du siècle aux États-Unis.
Un mois après l’enregistrement de la chanson par les Andrews Sisters, près de 250 000 disques et 200 000 copies de la partition ont été vendus. De façon comique, les fans américains comprennent mal le titre de la chanson, le confondant avec « Buy a beer, Mr. Shane » ou « My mere bits of shame ». Mais ils comprennent bien qu’elle célèbre l’amour, qu’importe l’identité, ou la langue de l’être aimé. Elle devient un hymne de cette jeune nation d’immigrants. Neir mir bist do shein va dépasser les  frontières et être reprise sans cesse, Ella Fitzgerald, Belle Baker, Kate Smith… mais aussi en japonais, et même en 2020 en azerbajdianais.

Donna Donna : Les reprises de Claude François 

La version française de Donna Donna de Claude François a bercé de nombreuses oreilles dans les années 60. Elle est pourtant assez différente de l’originale et c’est d’ailleurs l’une des constantes de ces mélodies yiddish quand elles sont reprises : On conserve évidemment  leurs airs mais on change leurs paroles et on édulcore voire on supprime toutes les allusions directes à la tradition juive. Ici, le veau est devenu un petit garçon et il ne reste plus que le thème de la nostalgie de la tonalité yiddish initiale. Cette chanson est reliée à la vie de Claude François, en Égypte, où il côtoya de nombreux juifs orientaux bercés par différentes versions de cette mélodie.
Fort de son succès en France, il enregistrera la même année une version en japonais.

Programmation musicale 

https://www.franceculture.fr/emissions/la-serie-musicale/un-air-de-yiddish-sans-le-savoir

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