Anti-vaccins : un parfum d’immortalité ? Par Jean-Marc Alcalay

Les opposants aux vaccins

Ils sont cinq millions d’opposants aux vaccins dit-on, et regroupent plusieurs catégories d’individus :

• il y a ceux qui quels que soient les vaccins, s’y opposent toujours,
• ceux qui ne font pas confiance à l’ARN messager,
• ceux qui pratiquent en marge des religions officielles, mais aussi ceux qui pensent que seul Dieu peut les sauver et qui remettent leur destin entier dans les mains du Créateur,
• ceux qui sont influencés par leur gourou sectaire
• et ceux enfin que nous connaissons mieux : les écolo-bobos, adeptes des médecines naturelles, les végétariens, les intellos arc-boutés sur leurs exigences de liberté, les libertaires évidemment hostiles à toutes les décisions de l’état,
• ceux qui s’opposent au gouvernement actuel, certains gauchistes donc, d’autres de gauche
• mais aussi certains campés à droite, les populistes refoulés dans ce que l’on appelle encore l’extrême droite,
• les marginaux désocialisés,
• les personnes âgées qui n’ont plus rien à perdre que la vie.
• Ceux enfin qui sont aux prises avec leurs débordements pulsionnels, bousculés dans leur structure de personnalité par l’irruption virale :
• les phobiques pathologiques qui ont une peur bleue de la seringue, qui craignent une intrusion étrange et « étrangère » dans leur corps, que l’on retrouverait aussi chez certains psychotiques,
• les pervers aux traits paranoïaques ou les paranoïaques aux traits de perversité que l’on retrouve chez les complotistes qui préfèrent être persécutés que d’être seuls face à leur vide abyssal d’existence,
• les maniaques au moi triomphant, qui dénient la mort,
• les mélancoliques déjà presque morts, alors un vaccin à quoi bon, ils sont déjà foutus pensent-ils,
• certains dépressifs qui n’ont pas assez de force pour aller se faire vacciner,
• les hystériques encore, que l’on voit hurler contre les politiques ou les journalistes.

J’en oublie sans doute… Et puis, parmi toutes ces catégories, il y a ceux dont je voudrais parler ici, les plus poétiques d’entre eux, les plus rêveurs : les immortels. Alors, conscients ou inconscients ?  

La mort dans l’inconscient

     L’inconscient ignore la mort. Pour preuve, chacun peut témoigner de cette dimension-là du fonctionnement psychique et prendre pour témoin ses propres rêves.

Le dormeur peut évidemment rêver de ses chers disparus qui parfois viennent le visiter. Mais quand le rêveur tombe dans un trou, quand il heurte une autre voiture…, il se réveille juste avant l’impact…

Certains  parmi les anti-pass et les anti-vaccins ignoreraient-ils la mort ?,  se sentiraient-ils immortels au point de refuser le vaccin, auquel cas, seraient-ils inconscients ?

Inconscients, je ne le pense pas au sens d’une irresponsabilité, car chacun est responsable, mais inconscients du fait d’un sentiment illusoire d’immortalité qui semblerait les habiter.

Immortels comme ces soldats des débuts de la guerre de 14 qui étaient partis au front la fleur au fusil et dont Freud espérait enfin qu’ils s’aperçoivent qu’ils étaient mortels pour qu’ensuite les nations puissent être vaccinées contre la guerre et ses millions de morts.

Freud espérait que le monde changerait, mais en même temps, il écrivait n’être pas très confiant dans l’humanité, soumise à ses pulsions destructrices et de répétitions qu’il appela alors la pulsion de mort.

Il y aura une seconde guerre, plus meurtrière encore avec plus de 60 millions de morts, plus barbare, plus atroce et plus novatrice aussi avec six millions de Juifs exterminés de façon industrielle…. Une première après la der des ders qui avait inauguré la possibilité de destructions de masse…

Dès 1920, Freud élabore ce qui conduit l’homme à s’autodétruire mais aussi à détruire l’autre. La pulsion de mort s’imbrique alors avec la pulsion de vie, dans une dialectique pulsionnelle terriblement humaine, à la vie à la mort !

     La crise sanitaire qui rencontre son impasse entre pro-vaccins et anti-vaccins relève-t-elle de cette dialectique-là, alors que chacun revendique que c’est sa position qui défend la vie.

La vie pour les pro-vaccins mais la vie aussi pour les anti-vaccins qui argumentent leur refus par leur exigence de liberté de conscience. Alors, conscience ou inconscience ?

On retombe toujours sur cette question. Les chiffres sont aussi là pour nous renseigner. Principe de réalité. Il y a des morts, 125 463 en  France au 4 janvier 2022 et 5 460 000 dans le monde à cette même date.

Le virus pulse la mort, il la transpire, il la projette même, il préfère les espaces clos, plutôt que l’air libre, il adore les réunions entre amis ou en famille, les serrages de mains, les embrassades, la vie sexuelle.

Paradoxalement, il aime la vie sociale, mais pour mieux infecter, voire tuer !  

La mort, il la fait bien sûr circuler entre les non-vaccinés et les opposants frontaux aux vaccins. Même les vaccinées peuvent l’attraper mais en sont mieux protégés. Et puis il y a ses mutants, enfants terribles, Delta et Omicron. Celui-ci est plus contagieux mais moins mortel…

Au passage, on a presque oublié l’origine de la souche initiale pour le plus grand bonheur des Chinois : la Covid 19 s’appelle en fait le coronavirus chinois !

Mais touche pas aux Chinois, tapis rouge toujours et commerce oblige ! Eh oui, le virus est chinois mais aujourd’hui, Delta et Omicron, sont des appellations grecques! Pauvres Grecs que l’on accusera peut être un jour d’avoir inoculé au monde entier ce virus pourtant dictatorialement chinois ! Les autorités du pays se sont d’ailleurs opposées à toutes les enquêtes étrangères sur l’origine du virus. Circulez, y’a rien à voir ! L’affaire chinoise est pliée…  

L’immortalité comme déni de la mort, déni de la vie aussi !

       Ce n’est pas un paradoxe, car la mort fait partie de la vie. Si l’immortalité relève du déni de la mort, elle relève aussi du déni de la vie qui qu’on le veuille ou non suppose la mort.

Accepter la vie, c’est aussi pouvoir la conjuguer avec sa disparition… Avec ce virus, la mort rode. Le sentiment d’immortalité habite sans doute certains anti-vaccins jusqu’à ce qu’ils attrapent la Covid 19 (ou quand leurs proches l’attrapent) et là, quand ils risquent vraiment de mourir, ils demandent de façon intensive des soins encore plus intensifs…, alors sans doute, « immortels » avant de l’attraper et devenus conscients d’être mortels une fois en être touchés au risque de mourir…

Comme les soldats de 14 confrontés à la vraie guerre, aux vrais massacres, à la vraie boucherie, ils s’aperçoivent enfin que la mort existe, mais pour certains, les plus fragiles d’entre eux, il est déjà trop tard, ils vont mourir ! Après le déni de la mort, « l’inconscience » de pouvoir attraper ce virus, ils se confrontent enfin au principe de réalité, autre concept introduit par Freud.

     Ces cinq millions d’opposants aux vaccins, s’ils se sentent immortels, alors cette immortalité passe sous le masque (c’est le cas de le dire) de la liberté de conscience alors qu’elle relève souvent, sinon de « l’inconscience », du moins de l’inconscient à la façon du rêve dans lequel le dormeur ne rencontre jamais sa propre  mort. La liberté qu’ils revendiquent s’habille donc d’une exigence d’indépendance qui n’est là qu’une tromperie d’eux-mêmes. Certains d’entre eux vont argumenter leur « non aux vaccins » chez d’autres « dieux » trompeurs, les complotistes, les négationnistes, les  paranos…

     Sans doute que les deux frères Bogdanov décédés il y a peu, Grichka le 28 décembre 2021 et Igor le 3 janvier 2022, pourtant scientifiques tous les deux (mais ce n’est plus une garantie), se sentaient-ils aussi immortels ?  

La tête dans les nuages, dans l’infiniment grand, le cosmos, les étoiles, mais aussi dans l’infiniment petit, les atomes, les molécules…, ils pensaient faire partie du grand tout de l’univers, d’une cosmologie.

Ainsi, non vaccinés, ils ne se sentaient pas soumis à la mort mais à une après-vie. Ils étaient aussi poètes.

Hier, ils ont rejoint les étoiles, la voie lactée dont ils avaient fait en partie l’objet de leurs recherches…

Moins poètes, ces cinq millions d’anti-vaccins se sentent-ils aussi immortels que les frères Bogdanov ? Peut-être, peut-être pas ?

Mais à coup sûr, la dialectique pulsion de vie, pulsion de mort est au centre de cet enjeu. Ceux qui au nom du déni et de leur sentiment de  toute puissance qui touche à l’immortalité vont parfois, sinon droit dans le mur, du moins droit en soins intensifs, bien que ce soit au nom de la vie qu’ils s’opposent au vaccin. Mais l’homme n’est pas à un paradoxe près, une contradiction. C’est même un aspect important de son humaine condition.

     Alors pro-vaccins contre anti-vaccins ? Pulsion de vie contre pulsion de mort, sentiment d’immortalité contre conscience aigüe qu’ils sont mortels ? L’affaire est sérieuse mais somme toute, terriblement humaine. Elle déchaîne les passions et les pulsions.      

     Aussi dans cette cacophonie de klaxons gouvernementaux, médicaux (au sens large) et médiatiques, il n’est pas facile d’y voir clair.

Auxquels concerts aux instruments mal accordés, la communication gouvernementale veut enfumer tout le monde en mélangeant maladroitement ses impératifs politiques et les conseils sanitaires.

Elle ne donne donc pas la pleine mesure de cette pandémie et alimente de ce fait les opposants au pass-sanitaire et aux vaccins. Pendant ce temps,   grâce aux assauts répétés de la seringue et de certaines mesures sanitaires efficaces, le virus vacille peu à peu. Vivement, sa dernière grimace !

©️Jean-Marc Alcalay