Chantal Bosse-Vidal présente: « Venir après – Nos parents ont été déportés », de Danièle Laufer

Le 15 décembre, la Licra Neuilly-la-Défense a reçu Danièle Laufer pour une Conférence publique au Théâtre des Sablons de Neuilly au cours de laquelle elle a présenté son livre :

« Venir après – Nos parents ont été déportés »

https://editionsdufaubourg.fr/livre/venir-apres

Plusieurs des enfants de déportés qui ont participé au livre de Danièle nous ont offert spontanément leur témoignage.

Pour ne rien dévoiler du livre que je vous encourage simplement à lire d’urgence, je vais me contenter de vous livrer modestement mon introduction à cette soirée :

Pourquoi ne nous ont-ils rien dit ?

« Pourquoi ne nous ont-ils rien dit ?

C’est la question que moi, née en 1952 dans une famille catholique, je me suis posée au sujet de mes parents quand j’ai vu Nuits et Brouillard au lycée et quand j’ai visité le camp du Struthof, quand j’avais 15 ans.

Pourquoi ? parce que la culpabilité, même minime, fait se prolonger le silence que l’on avait choisi, l’absence de parole fait se prolonger l’indifférence, dans l’espoir que le temps effacera l’horreur qu’on n’a pas voulu voir, dans l’espoir que l’horreur sera oubliée.

Pourquoi ne vous ont-ils rien dit ?

Ou si peu, ou pas assez ou trop, ou trop tard, à vous enfants de déportés ?

Pourquoi ? parce que l’horreur tétanise, coupe la parole, réduit au silence, réduit au néant. C’était bien l’objectif.

Vous enfants, miraculés, ils vous l’ont donnée cette vie, sans croire que cela pouvait encore être possible, ça n’était pas pour vous parler de mort !

« Je ne voulais pas faire ce livre. Je ne voulais pas replonger dans les camps, je ne voulais pas d’insomnies traversées par des cadavres décharnés. J’ai passé ma vie à me battre pour être drôle, chaleureuse, généreuse, aimante. Mais je ne pourrai jamais me défaire de cette histoire. Je ne laisserai pas Hitler gagner post mortem », écrit Danièle Laufer.

Ils sont là, bien présents, les tueurs de mémoire, les tueurs de morts sans sépulture, pour les anéantir encore et encore. Ce ne sont pas seulement les négationnistes, il y aussi les relativistes, ceux qui banalisent le mal et encouragent la concurrence victimaire, en lissant : génocides, crimes de guerre, tout se vaut et si dans la comparaison on peut glisser les indiens d’Amérique, les victimes de l’esclavage occidental, la guerre d’Algérie, ce sera plus facile de basculer sur le fantasmé « génocide des palestiniens ».

Dans cette France dans laquelle j’ai grandi, dans laquelle vos parents, ou vous-mêmes êtes arrivés avec tellement de confiance, moi banlieusarde fille d’instit, je n’ai jamais vu l’antisémitisme disparaître, malgré les périodes d’espoir où l’on croyait encore que le monde allait changer en mieux, malgré « Holocauste », « Le choix de Sophie », « La liste de Schindler », « Le pianiste », « La rafle », « Elle s’appelait Sarah ». Au fait, quel film depuis « Elle s’appelait Sarah » en 2010 ?

Cet antisémitisme franchouillard d’origine chrétienne qui reprend du poil de la bête aux côtés de la version décomplexée qui se fait aussi appeler antisionisme, et dont la plus sale version a tué en France depuis 2005, 13 personnes parce qu’elles étaient juives (en comptant Elsa Cayat que les Kouachi ont tuée parce que juive).

En lisant le livre de Danièle, j’ai souvent pensé à ma fille, pas petite-fille de déporté mais peut-être arrière-petite fille de collabo, et aux peurs et angoisses d’un tout autre ordre, que je lui ai léguées, plus anciennes sans doute que les miennes : les souffrances se transmettent et iraient jusqu’à s’inscrire dans les gênes.

Vos petits-enfants vont avoir besoin d’être forts, vont avoir besoin de la force de vos mots pour pouvoir se dire juifs ou israéliens.

Dans cette société dans laquelle certains tentent d’exterminer la mémoire, de supprimer tout ce qui appartient au passé (cancel culture) y compris la langue, pour nos enfants et petits-enfants la parole de Danièle est essentielle et arrive à temps.

Et j’avais envie de citer Yannick Haenel, qui a relaté chaque jour du procès des massacres de janvier 2015, et a dit que l’ensemble de ces crimes, y compris ceux de Charlie Hebdo, étaient des crimes antisémites :

« Le mal agit toujours en faveur de l’incompréhensible : il veut qu’on ne comprenne rien, car l’obscurité le fait fructifier. »

« Le monde entier est convoqué chaque fois que quelqu’un relate sa rencontre avec la mort. (…) A notre manière, nous formons autour de chaque témoignage un cercle de barques flottantes : nous témoignons pour les témoins.

J’insiste, c’est très important : il y a toujours quelqu’un qui témoigne pour le témoin. Cela s’appelle la littérature ».

https://lesechappes.com/ouvrages/notre-solitude/

© Chantal Bosse-Vidal

Chantal Bosse-Vidal est Présidente de la section Licra Neuilly-la-Défense

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