« J’ai tué le sheitan du quartier, Allah akbar ! » hurle Kobili Traoré dans la nuit alors qu’il vient de défenestrer le corps inanimé de sa voisine du troisième étage. Puis il enjambe de nouveau le balcon et retourne chez les habitants de l’appartement mitoyen, amis de ses parents, où il tombe en prières et divagations.
Il est 4h du matin ce 4 avril 2017, et si les hurlements de l’assassin tiennent le voisinage en éveil depuis 40 minutes, ceux de la victime ont cessé.
Un sentiment de solitude
Au réveil, chez les Juifs parisiens, c’est la consternation. Chez les Juifs seulement ? En effet, dans les semaines qui suivent, c’est un peu silence radio. Le Parisien titre sobrement : « Une femme meurt défenestrée, un voisin interpellé. » Dans Slate, Claude Askolovitch, qui semble ignorer les hurlements de l’assassin, souligne le silence de la presse et parle de ce qui apparaît comme un « fait divers de plus, que l’opinion publique ignore largement », évoquant au passage le sentiment de solitude des Juifs dans une France de plus en plus communautarisée.
Ce sentiment de solitude, il s’amplifie, se creuse, s’intensifie, dans cette population qui s’amenuise, inquiète pour ses enfants, lasse d’additionner les coups et de compter ses morts. Un silence flagrant lors de la manifestation qui a suivi la découverte du corps calciné d’Ilan Halimi, en février 2006, une poignée de personnes frigorifiées, dispersées sur le boulevard entre les voitures, sous l’œil sombre des automobilistes. Flagrant aussi dans les massacres qui ont suivi, où les mots qui fâchent sont soigneusement étouffés.
La lutte contre l’antisémitisme islamiste apparaît ici comme une guerre perdue d’avance.
De la marche blanche au rassemblement people
Innovation, l’année suivante, après l’assassinat de Muriel Knoll. Les manifestations se transforment alors en « marche blanche », sorte de marche funèbre bâillonnée au nom d’une survivante des rafles de Vichy. Puis cela deviendra un rassemblement politique très people contre l’antisémitisme avec dialogue inter-religieux, place de la République.
Celui-ci réunissait beaucoup de nos meilleurs ténors, de ces « personnalités aimées des Français », à l’instar du 25 avril dernier, lors de la manifestation du Trocadéro, après l’avis définitif rendu par la Cour de Cassation.
Dans le public, on avait l’impression que, chapeau, « ces gens-là » savaient organiser un spectacle ! Mais connaissant le jeu des groupes de pression, dans la France d’aujourd’hui, on pourrait s’étonner du silence dans les medias et ailleurs qui a précédé cette décision, laquelle enfonçait le dernier clou dans ce terrible dossier.
Et pourtant, il n’y avait pas de suspense. La décision de la cassation était logique et inéluctable, a tranché immédiatement le ministre Me Dupond-Moretti avec beaucoup de compassion.
Pas à sa place à Belleville ?
En cette veille de Pessah 2017, une manifestation avait été organisée à la hâte à Belleville, sous l’œil méfiant des habitants. Comme les élections présidentielles avaient lieu 3 semaines plus tard, le Procureur de Paris François Mollins crut bon de recevoir diplomatiquement lesdits représentants de la Communauté juive pour leur assurer que « ce drame, en l’état de l’enquête, n’était pas un meurtre antisémite ».
Bien entendu, tout le monde convint qu’il ne fallait pas alimenter la peur pour ne pas favoriser le Front National.
Mais entre amis, la question était sur toutes les lèvres : Que faisait donc Madame Halimi, médecin et directrice de crèche retraitée, dans « ce » quartier ? Pourquoi n’avait-elle pas déménagé puisque ses voisins l’abreuvaient d’insultes ? Si le fils du voisin était antisémite, pourquoi n’était-elle pas partie ? Que faisait-elle encore dans cet appartement, dans cet immeuble, dans « ce » quartier ?
« Ce » quartier signifiait en somme qu’elle n’était pas à sa place dans cette résidence.
Au lieu de considérer qu’elle pouvait légitimement habiter où elle voulait tant qu’elle honorait son bail, certains semblaient lui donner tort de s’être obstinée. Tort d’avoir voulu rester dans son appartement, à Belleville, chez elle.
Et le bailleur parisien, qui voulait peut-être croire en une cohabitation heureuse entre populations immigrées d’Afrique et des Français de la deuxième génération, avait-il fait preuve de naïveté ?
Si la réponse passe par l’appartenance religieuse des uns et des autres, une sérieuse réflexion de fond s’impose. A moins que ce ne soit un cours qui mette les points sur les « i » de la laïcité avant d’accorder un droit à… l’habitat social.
C’était son quartier
Sarah Halimi vivait dans cet immeuble HLM de la rue de Vaucouleurs du XIe arrondissement depuis près de 40 ans, sans problème, semble-t-il — jusqu’à l’arrivée de la famille Traoré, il y a 10 ans.
Il semble qu’elle avait fait une demande auprès du bailleur social parisien, qui gérait la bâtisse, pour être relogée. Mais comme on sait, ces choses-là, ça traîne. Avait-elle signalé qu’elle était en butte à des insultes antisémites ? Pas certain que ce soit un argument prioritaire, ni même qu’il soit facile à exprimer, expliquer, prouver… tant qu’il n’y a pas eu de violences, de « voies de fait ».
Il se peut aussi qu’elle n’ait pas eu envie de quitter son quartier, ce quartier où elle devait être connue, voire appréciée. Belleville était autrefois un quartier populaire vivant et sympathique, auquel Madame Halimi était peut-être attachée. Une aide-soignante (discrètement juive) croisée à une manifestation fantôme place de la République, m’a assuré que la vieille dame dont elle s’occupait dans la Résidence « pleurait Mme Halimi ».
« En bon père de famille »
Mais pourquoi diable était-elle restée alors que ses voisins à l’étage inférieur voulaient qu’elle s’en aille ? S’ils voulaient qu’elle parte, elle devait s’en aller.
Ce raisonnement qui semble une évidence pour la majorité n’a pas suffi à convaincre le bailleur social.
A l’école, quand un enfant est harcelé, on le change d’école — lui, pas son tourmenteur.
Dans la « vraie vie », quand un locataire est harcelé, menacé, preuves à l’appui, on peut s’étonner que le bailleur social reste impuissant malgré le bail que doit signer le locataire. Il y a quelques décennies, l’occupation d’un logement social était soumise à la signature d’un bail où le chef de famille s’engageait à occuper les lieux en « bon père de famille ». A quoi s’engage-t-on aujourd’hui ?
« Il y avait un malaise à parler de l’affaire Sarah Halimi », explique la journaliste Naomie Halioua, auteur de L’Affaire Sarah Halimi (éd. Cerf, 2018). Car elle remet en cause la police, les journalistes, et même la communauté juive. Comme le dit Sammy Ghozlan du BNVCA, « toutes les synagogues auraient dû se lever pour Sarah Halimi (…).»
Mais finalement, nul ne s’est levé pour elle, et ce qu’il en reste à ce jour, c’est l’injure qui nous est faite.
© Edith Ochs
Edith est journaliste et se consacre plus particulièrement, depuis quelques années, aux questions touchant à l’antisémitisme. Blogueuse au Huffington Post et collaboratrice à Causeur, Edith est également auteur, ayant écrit notamment (avec Bernard Nantet) « Les Falasha, la tribu retrouvée » ( Payot, et en Poche) et « Les Fils de la sagesse – les Ismaéliens et l’Aga Khan » (Lattès, épuisé), traductrice (près de 200 romans traduits de l’anglais) et a contribué, entre autres, au Dictionnaire des Femmes et au Dictionnaire des intellectuels juifs depuis 1945.
L affaire Halimi Sarah , apres l affaire Halimi Ilan marque notre naufrage en tant que communauté juive , partie integrante de la communauté des citoyens français .
Les marqueurs de notre vie juive anterieure ont sauté :
Respect des autorités françaises , vigilance et action des institutions juives , prise en compte des actions antijuives au plus haut niveau , comme ce fut le cas lors de la profanation de Carpentras .
Sammy Ghozlan a bien raison de souligner l absence de reaction au sein de nos institutions , j etais a la premiere manifestation organisée pour Ilan Halimi , on y trouvait que ses amis , voisins , ou proches dans une solitude insupportable .
Le statut de notre communauté et la vitalité de ses forces vives se sont volatilisés avant meme que l ensemble des français ne comprennent , ces dernieres années , que le pays tout entier coule lentement , c est peut etre sur ce point aussi que nous sommes » le canari de la mine «
Cessons de rêver…!
Nous le faisons depuis 2000 ans et depuis 2000 ans le bilan de l Europe Chretienne puis musulmane est glaçant. Les Juifs sont tolérés s ils sont utiles, et soumis aux pires persécutions, aux pires crimes que leur ont infligés leurs croyants protecteurs….Le malheur de l Humanité a été, est et sera toujours ces deux croyances qui ne sont que de mauvais ersatz de notre Velle religion.
Supprimez leur l ANTISEMITISME et le masque de leur « retard » tombe.
Chretiens et Musulmans ne seront toujours que les retardataires du Monotheisme. Et ça il ne le supporteront jamais…Le combat ne cessera jamais….