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En une trentaine d’années, il a fait d’Optical Center l’enseigne leader du marché français. Un succès construit sur un modèle économique constant, mais aussi sur des valeurs spirituelles et culturelles très affirmées.
Par Françis Lecompte Publié le 15/12/2021 à 16h38Cet article est issu du magazine Management
Dès l’ouverture de sa boutique d’optique, en 1991, à Boulogne-Billancourt (92), Laurent Lévy, jeune titulaire du brevet professionnel d’opticien lunetier, avait planifié sa réussite. Et il n’en a jamais douté. Sur un marché à la fois très convoité et dépendant des réglementations sanitaires et de leurs variations, il a, de fait, développé un réseau de franchisés de premier plan. Voilà cinq ans, il avait fixé à 2020 la date à laquelle Optical Center deviendrait leader tout court – le Covid n’a reculé cette échéance que d’une année.
Une success story singulière, dans la mesure où elle ne s’appuie pas que sur des recettes commerciales. Le président fondateur n’a jamais caché, bien au contraire, l’inspiration spirituelle qui guide son management, puisée principalement dans les textes sacrés du judaïsme. Depuis 2005, il est d’ailleurs installé à Jérusalem – et ce pilotage à distance profite, constate-t-il, à l’ensemble de ses collaborateurs et de ses partenaires.
Optical Center est désormais numéro 1 du marché français de l’optique…
Laurent Lévy : Oui, au début de cette année, nous sommes devenus la première enseigne française de l’optique et de l’audition, en creusant un réel écart avec nos concurrents. Je dis toujours que j’ai eu une bonne bénédiction pour réussir à atteindre cet objectif, mais ce résultat traduit surtout la qualité de nos engagements, celle de nos 4.000 collaborateurs, de toutes nos équipes, que cette réussite rend évidemment hyperenthousiastes.À LIRE AUSSIPourquoi les Français paient leurs lunettes plus cher, malgré le reste à charge zéro
Votre modèle économique compte-t-il aussi pour beaucoup dans cette réussite?
Depuis la création de mon premier magasin, à Boulogne-Billancourt en 1991, ma stratégie n’a pas changé : proposer la qualité et le luxe au plus grand nombre, c’est-à-dire à des prix de 30 à 40% inférieurs à ceux des autres enseignes. Ce qui est possible notamment par notre structure centrale très légère : nous ne sommes qu’une soixantaine de collaborateurs au siège, quand nos concurrents sont cinq à six fois plus nombreux.
Notre positionnement, mais aussi les valeurs que j’ai toujours mises en avant, comme la lutte contre les abus de la profession vis-à-vis des mutuelles ou notre relation avec les clients, qui dépasse le seul cadre économique, font aussi d’Optical Center un réseau très attirant pour les franchisés.
En quoi la relation client vous distingue-t-elle de vos concurrents ?
Dans notre activité d’opticiens, nous ne parlons pas de relation client, mais de relation humaine. Tous nos collaborateurs le savent, il s’agit avant tout de tisser des liens, pas seulement de vendre un produit ou un service. Cela commence dès le moment où l’on accueille une personne qui pousse la porte et cela se poursuit tout au long de sa visite. Nous avons établi 20 standards de comportement, que nous testons en permanence, pour les remettre en question et les améliorer encore et toujours. Parce que je suis profondément convaincu que nous pouvons toujours nous perfectionner – et c’est d’ailleurs l’autre clé de notre succès.
Ces convictions fortes que vous défendez, comment faites-vous pour les transmettre à vos équipes ?
Ces valeurs, avant tout comportementales, sont formalisées, écrites et bien expliquées. Elles sont transmises à tous les nouveaux collaborateurs à l’occasion d’un séminaire d’intégration. Ensuite, il revient aux dirigeants et aux managers de les relayer au quotidien sur le terrain, toujours dans le but de garantir une vraie relation humaine et du bien-être à nos clients.
Les valeurs spirituelles et religieuses entrent également pour beaucoup dans votre action…
Ce sont les grands textes sacrés qui m’intéressent, pas les religions en tant que telles. Pour moi, les religions sont des inventions de l’homme, alors que Dieu, lui, est le même pour toute l’humanité. C’est Dieu qui m’inspire mes valeurs : je vois la manière dont il a créé le monde, en laissant à l’homme la liberté d’en faire usage.
La Bible, c’est un texte commun pour les 7 milliards d’êtres humains, mais il respecte chacun dans sa différence. Ce qu’elle nous enseigne et ce que nous enseignent d’autres grands textes sacrés comme la Torah, c’est qu’on apprend de tout homme et cela doit, à mon sens, guider notre comportement dans le travail comme dans la vie de tous les jours.À LIRE AUSSIRemboursement des lunettes : montant et renouvellement
Comment de telles valeurs trouvent-elles leur application concrète dans l’entreprise ?
Je constate que les gens ont trop tendance à se sous-estimer. Or, chacun est en réalité capable d’accomplir beaucoup plus de choses qu’il ne le croit. En tant que manager, mon rôle est de déceler ce potentiel chez mes collaborateurs et de les aider d’abord à en prendre conscience, puis à le développer. Je pense que j’ai la capacité à transmettre cet état d’esprit autour de moi, ce qui pousse l’ensemble du groupe vers le haut. Bien voir, c’est voir le bien qui est en chacun de nous.
Ce sont ces valeurs-là que je privilégie lorsque je recrute mes proches collaborateurs : de «bonnes âmes» disposées à cette attention et à cette bienveillance vis-à-vis des autres. Là encore, le fait d’être une équipe très resserrée au siège favorise cet état d’esprit très soudé, où tout le monde donne le meilleur de soi-même, où les équipes sont très proches. Moi-même, je travaille en direct avec sept directeurs de pôle qui, tous, sont avec moi depuis vingt ou trente ans… Parce que cette proximité est plus forte que les difficultés ou les désaccords éventuels.À LIRE AUSSILa spiritualité, votre nouvel allié pour manager
Tout cela fait-il de vous un manager très exigeant ?
Le travail, pour moi, est une valeur fondamentale, c’est vrai. J’ai le goût de l’effort, le plaisir de l’effort, celui de réaliser des choses et de se dépasser. Mais ce n’est pas pour autant que j’impose à mes collaborateurs des contraintes de travail très lourdes. Au contraire ! Il est très important pour moi que chacun ne limite pas sa vie à sa vie professionnelle, la famille est bien davantage notre raison d’être que le travail. Je demande à mes équipes d’arrêter de lire leurs mails à partir d’une certaine heure, de ne pas dépasser les 39 heures de travail par semaine, parce que lorsqu’on est bien organisé et qu’on ne perd pas de temps, on n’a pas besoin de travailler davantage.
Vous êtes installé à Jérusalem. Cela a-t-il modifié l’organisation de l’entreprise ?
Vous savez, j’ai été présent en France pendant les premières quatorze années de l’entreprise, de 1991 à 2005. Quand j’ai rejoint Israël, cette année-là, Optical Center comptait une centaine de magasins. Aujourd’hui, nous en sommes à plus de 700 ! C’est bien la preuve que mon éloignement n’a pas freiné son développement, bien au contraire ! Parce que cela a entraîné mes équipes à être toujours plus responsables et, de mon côté, à ne plus me retrouver le nez dans le guidon. En me trouvant ici, je peux prendre plus facilement du recul, ce qui se traduit par une meilleure capacité à innover.
D’autant plus qu’au-delà des raisons spirituelles qui m’ont poussé à venir dans ce pays, je profite à plein de son dynamisme. Ici, tout va beaucoup plus vite qu’ailleurs – on en a encore eu la démonstration récente, puisque Israël est le pays le plus avancé en matière de vaccination contre le Covid. Depuis les prises de décision jusqu’à leur mise en application, tout est beaucoup plus rapide. En outre, tout ce qui se passe ici à Jérusalem préfigure ce qui va arriver demain dans le pays et, après-demain, dans le monde. C’est donc un environnement très favorable pour un dirigeant d’entreprise, qui profite à tout le groupe. Pour Optical Center, ça fonctionne : mes équipes sont elles-mêmes beaucoup plus réactives que celles de nos concurrents.
Vous vous êtes lancé aussi dans l’immobilier et d’autres initiatives en plus d’Optical Center. Comment arrivez-vous à gérer de front ces multiples activités ?
Pour mon emploi du temps, j’ai une organisation quasi militaire ! Je veux dire que la répartition du temps que j’accorde à chacune de mes activités est parfaitement calculée. Je vis 80% du temps en Israël, 10% en France, et les 10% restants dans les autres pays où le groupe s’est implanté. Ensuite, chacun des quatre jours de la semaine où je travaille, je consacre 80% de mon temps à Optical Center et 20% à mes autres activités – le club de football que j’ai créé, l’immobilier, etc.
Je me réserve également des plages horaires bien précises et à certains jours fixes pour la réflexion et l’étude de la Bible ou de la Torah via des séminaires, des conférences, des lectures. Il est indispensable de s’enrichir et de s’améliorer sur le plan spirituel. A plus long terme, je prévois de travailler jusqu’à l’âge de 70 ans, après quoi je me consacrerai pleinement à ma famille.
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La fondation Le Temple de la vision compte également beaucoup pour vous…
Nous avons aussi voulu donner du sens à l’activité du groupe en France : sur chaque paire de lunettes vendue dans une boutique Optical Center, une part des bénéfices est réservée à la fondation. Il faut savoir qu’ici, en Israël, les lunettes ne sont pratiquement pas remboursées. Cela revient donc très cher aux familles les plus pauvres. Grâce à la fondation, nous pouvons distribuer quelque 20.000 paires de lunettes et 10.000 appareils auditifs chaque année aux nécessiteux. Désormais, tout le monde voit bien et entend bien à Jérusalem !
Bio express
- 1989 : Diplômé du brevet professionnel d’opticien lunetier à Paris.
- 1991 : Il crée Optical Center et ouvre le premier magasin à Boulogne (92) sur 26 mètres carrés.
- 1997 : La première franchise ouvre à Rouen (76).
- 2005 : Il s’installe avec sa famille à Jérusalem.
- 2008 : Il lance un département audioprothèse dans les magasins Optical Center.
- 2011 : Il publie son ouvrage Les 7 clés pour réussir.
- 2016 : Il ouvre la première clinique Optical Center de chirurgie réfractive à Lyon.
- 2019 : Il fonde le Jérusalem Football Club.
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