Le lundi 18 octobre 2021, l’avocat franco israélien Salah Hamouri s’est vu notifier larévocation de son statut de résident de Jérusalem par Israël. La Ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked a motivé la décision en ces termes : « Les actions de Salah Hamouri constituent une violation grave de l’essentiel de son engagement en tant que résident israélien, et un abus de confiance vis-à-vis de l’Etat d’Israël ». Prosaïquement, il est reproché à Salah Hamouri une violation de son allégeance à l’Etat d’Israël et le fait de constituer une menace pour la sécurité du pays. C’est la première fois qu’Israël envisage l’expulsion d’un palestinien résidant à Jérusalem pour ce motif. Si donc la décision faisait jurisprudence, l’élargissement du concept d’allégeance à l’Etat juif permettrait de traiter plus facilement le cas de tous les ennemis d’Israël qui entendent lui nuire de l’intérieur.
Salah Hamouri avait été convoqué, le 3 septembre 2020 (au centre d’interrogatoire de Moskobiyeh), pour se faire remettre la lettre du Ministre de l’Intérieur l’informant du retrait de sa carte de résident permanent à Jérusalem. A la suite de son recours, la décision a été confirmée en octobre 2021 (et approuvée par le procureur général israélien Avichai Mendelblit et le Ministre de la Justice Gideon Saar).
Salah Hamouri est né d’un père palestinien et d’une mère française (originaire de Bourg-en-Bresse). Il a grandi à Jérusalem mais son hostilité à l’Etat juif s’est manifestée dès son plus jeune âge, ce qui lui a valu de nombreuses incarcérations.
En 2005, alors qu’il était étudiant en sociologie à Bethléem (et âgé de 19 ans), Il a été condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement pour son implication dans le projet d’assassinat d’un des fondateurs du parti religieux orthodoxe Shass, le Rabbin Ovadia Yossef. Or, non seulement il n’a pas nié les faits, mais en outre il a plaidé coupable, ce qui lui a évité une peine de 14 ans d’emprisonnement.
Rappelons, néanmoins, que le Tribunal lui avait offert de ne pas purger sa peine d’emprisonnement. Il lui suffisait alors d’accepter son expulsion vers la France (où vivent d’ailleurs sa mère, sa femme et ses enfants). Il a, toutefois, préféré endosser un rôle de martyr et croupir dans les geôles israéliennes. Finalement son incarcération n’a duré que 7 ans : il a été libéré en 2011, dans le cadre de l’échange de personnes incarcérées en Israël, contre la libération du soldat Guilad Shalit, enlevé par les terroristes du Hamas, le 25 juin 2006.
En 2015, Salah Hamouri s’est vu signifier deux arrêtés militaires l’interdisant de se rendre dans les territoires sous contrôle palestiniens. L’Etat d’Israël espérait alors qu’il évite la reprise de ses activités criminelles. Rien n’y a fait. Il a, de nouveau, été incarcéré (d’août 2017 à septembre 2018), en raison de ses liens avec le mouvement terroriste Front de Libération de la Palestine (Le président Emmanuel Macron était alors intervenu auprès du Premier ministre Benjamin Netanyahou, pour qu’il soit libéré).
Un rapport conjoint de Frontline Defenders, d’Amnesty International et du Citizen Lab de l’université de Toronto, a révélé qu’Israël avait eu recours au logiciel espion Pegasus (commercialisé par la société israélienne NSO), pour découvrir l’ampleur de ses activités illicites. Effectivement, le gouvernement israélien infiltre les téléphones portables de ses ennemis, pour se protéger des actes terroristes.
Depuis 2018, Salah Hamouri partage son temps entre Jérusalem et la région parisienne, où il rejoint son épouse Elsa Lefort (interdite d’entrer sur le territoire Israël en janvier 2016) et ses enfants.
Désormais, la décision du 18 octobre 2021 place Salah Hamouri (qui vit à Ramallah) devant un dilemme : soit il revient sur le sol israélien avec le risque d’y être arrêté, soit il retourne en France pour vivre aux côté de sa femme et de ses enfants, mais dans ce cas, il n’obtiendra plus jamais de visa pour revenir en Israël.
C’est dans ce contexte que son avocate, Maître Lea Tsemel, a présenté un recours contre la décision du 18 octobre 2021. Elle a, toutefois, admis que la procédure visant à contrer l’expulsion pourrait prendre des mois et, bien évidemment, qu’il n’était nullement certain d’obtenir gain de cause devant la Cour Suprême.
Dans l’espoir d’obtenir la réformation de la décision, elle entend invoquer la violation de la Loi du 10 octobre 2010. Ce texte concerne les nouveaux citoyens, non juifs, souhaitant résider en Israël, qui met à leur charge, l’obligation de prêter serment d’allégeance à « l’État juif et démocratique d’Israël ». Or, seuls sont visés, les palestiniens résidant dans les territoires sous contrôle palestinien qui désirent adopter le statut de résident israélien, non les palestiniens qui ont toujours résidé à Jérusalem.
Autrement dit, pour Maître Lea Tsemel, le principe de l’allégeance à l’Etat juif ne vaut pas pour les palestiniens qui ont toujours vécu à l’intérieur de la ligne verte. Elle se fonde alors sur la contestation de l’annexion de la ville de Jérusalem, en 1967 : « Israël a annexé Jérusalem-Est occupée en 1967, une décision qui n’est pas reconnue au niveau international et qui est contraire au droit international ».
Pour elle : « les Palestiniens n’ont pas eu le choix lors de l’annexion ». Or, « ce n’est que plus tard que le tribunal israélien a modifié la législation pour permettre au ministère de l’intérieur de refuser la résidence aux Palestiniens au motif qu’ils n’ont pas prêté serment de loyauté à l’État ou qu’ils ont commis un délit ».
Elle en conclut donc : « Nous soutenons que les résidents de Jérusalem-Est ne sont pas obligés de prêter allégeance à un État dont ils ne sont pas citoyens et que l’occupation leur a été imposée. De plus, en vertu du droit international, les personnes sous occupation ne sont pas tenues d’être loyales envers la puissance occupante et ont également le droit de combattre l’occupation ».
Maître Lea Tsemel (pourtant juive israélienne) ne doit pas être informée que l’occupation concernait la Jordanie. Or, le Royaume Hachémite a, unilatéralement, renoncé à la Cisjordanie (en 1988), dont faisait partie Jérusalem Est, avant l’annexion. Désormais, plus rien ne permet de contester la souveraineté d’Israël sur sa capitale éternelle, que ça lui plaise ou non. Dès lors, les résidents palestiniens de Jérusalem sont tenus de respecter l’Etat-nation du peuple juif, juif et démocratique, qu’ils aient ou non, prêté serment d’allégeance. En effet, comme tous les citoyens, juifs et non-juifs résidant en Israël (et bénéficiant de droits égaux), ils doivent respecter les règles du pays au sein duquel ils vivent (comme cela se fait dans tous les pays démocratiques) et, par conséquent, être loyal à son égard.
Dès lors, la décision du 18 octobre 2018, si elle est confirmée par la Cour Suprême, permettra d’élargir le concept d’allégeance à l’Etat juif à toutes les personnes vivant sur le sol israélien, peu importe qu’elles aient prêté serment d’allégeance à cet égard.
En somme, la Loi du 10 octobre 2010 qui permet au Ministère de l’intérieur de refuser la résidence aux Palestiniens au motif qu’ils n’auraient pas prêté serment de loyauté à l’État ou qu’ils auraient commis un délit, est indifférente. Le principe de Loyauté à l’Etat juif pourrait, ainsi, être étendu à tous les palestiniens de Jérusalem, mais aussi à l’ensemble des ressortissants israéliens, où qu’ils vivent.
Poster un Commentaire