
Le grand Rabbin de France a-t-il promis la tête d’Éric Zemmour à Emmanuel Macron ?
Si l’on observe attentivement les étapes de la montée en puissance de la diabolisation du futur candidat à l’élection présidentielle, et en dernier lieu la sortie inadmissible de Jean Christophe Lagarde, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment que l’intervention médiatique de Haïm Korsia a constitué un tournant.
Était-ce une stratégie réfléchie, voire concertée ? Auquel cas, répondait-elle à une promesse faite au président de la République ?
Rappelons les faits. Le 26 octobre 2021, sur France 2, Thomas Sotto demande à H. Korsia si Zemmour lui fait honte en tant que juif. Il est étonnant par ailleurs que peu de monde ait relevé l’incongruité de la question. Les journalistes interrogent-ils la religion de personnalités publiques si elles ne sont ni dignitaires d’une communauté religieuse, ni ministres d’un culte ? La question de Sotto, rappelant dans son préambule déjà très critiquable la judéité de Z, sommait finalement l’homme sensé être le plus sage et le plus érudit d’entre les juifs de France, de renier un de ses coreligionnaires. Imagine-t-on Sotto interroger un imam pour lui rappeler l’obédience à l’islam de Karim Zeribi et lui demander s’il lui fait honte en tant que musulman sous prétexte qu’il viendrait d’être condamné en justice ?
On peut par conséquent s’étonner que Korsia, dont la grande intelligence ne fait aucun doute, n’ait pas été outré par la question. On aurait aimé le voir répondre qu’il trouva choquant et déplacé qu’on lui rappelât que Zemmour était juif. Et répondre enfin « qui suis-je pour avoir honte de mon prochain ? ». Ou encore quelque chose comme « Z n’intervient pas dans la sphère publique en tant que juif, mais en tant que Français. Si je devais en avoir honte, ce serait donc en tant que Français. Or, ce n’est pas le français que vous interrogez aujourd’hui, mais le dignitaire juif. Pourquoi demandez-vous à un juif si en tant que tel, il a honte d’un Français ? »
Au lieu de cela, le grand rabbin répondit : « ah bon ? Il est juif ? ». Comment qualifier cette réponse ? Au bas mot, on y verrait de l’ironie, voire de la dérision, et même du sarcasme. En tout cas, forcément de l’ironie. On n’imagine pas que Korsia puisse ignorer la judéité de Z. Donc, s’il sait que Z est juif et qu’il pose la question, il ironise. Est-ce la marque de la grande sagesse qui siérait à sa fonction que de manier l’ironie ? Mais passons.
Une autre interprétation possible de cette réponse consiste à y voir une négation de la judéité de Z. « Ah bon ? Il est juif ? » signifierait qu’aux yeux de Korsia, le futur candidat ne peut plus être considéré comme juif, tellement il est détestable. A la façon d’un imam qui nierait le caractère musulman d’un terroriste islamiste. Zemmour serait donc mis sur un pied d’égalité avec un terroriste sanguinaire et aveugle qui mériterait l’excommunication. S’il ne s’agit pas d’une outrance inqualifiable, de quoi s’agit-il ? Est-ce une marque de grande sagesse que d’user d’outrance ?
Certes, le grand rabbin tempèrera son propos immédiatement en disant qu’il n’a pas pour habitude d’interroger sur la religion des gens. De qui se moque-t-il ? Je ne connais pas un seul juif qui ne s’interroge pas sur la judéité d’un interlocuteur inconnu. L’humour juif regorge de blagues sur le sujet. Même Louis de Funès demanda à Salomon s’il était juif. Mais Korsia, lui, ça ne l’intéresse pas. Enfin, sa vivacité d’esprit, sa parfaite maitrise de la rhétorique, le fait qu’il ait d’abord balancé sa réponse choc tel un feu de barrage, ainsi que son caractère ironique, ne peuvent qu’accréditer l’hypothèse que les effets recherchés étaient parfaitement calculés. De là à imaginer que la question posée par Thomas Sotto était convenue et souhaitée par Haim Korsia, il n’y a qu’un pas qu’on serait tenté de franchir lorsqu’on sait comment est préparé ce genre d’interview plutôt complaisant.
Un peu plus loin dans l’entretien, il qualifiera Z d’antisémite et de raciste. Comme si le fait de l’excommunier officiellement ne suffisait pas, il rajouta la diffamation et l’insulte, à l’ironie et l’outrance. Un grand rabbin qui diffame et insulte, voilà qui est original. Macron voulait une nouvelle façon de faire de la politique. Korsia a créé une nouvelle façon d’être rabbin.
Pour revenir au titre de cette tribune, la vraie question est « Pourquoi ? ».
Plusieurs réponses possibles. Bien sûr, il y a celle de l’adage bien connu « pour vivre heureux, vivons cachés ». En somme une traduction du vieux complexe du dhimmi. Rasons les murs, faisons-nous discrets. Moins on parlera des juifs, mieux ils se porteront. Une sorte d’urgence à se désolidariser d’un juif qui l’ouvrirait trop. En somme, une lâcheté. Difficile de croire pourtant, à cette hypothèse. Car, intervenir aussi ouvertement dans le débat politique, quand on est une autorité religieuse du judaïsme, ne peut avoir que l’effet inverse et réveiller le vieil antisémitisme d’extrême droite que l’on prétend combattre. Effet que Haïm Korsia ne peut ignorer.
Et puis, il y a ces bruits de couloir. Ceux qui chuchotent à nos oreilles que le grand rabbin de France et Macron seraient assez proches, pour ne pas dire amis. Rien à redire. L’un et l’autre ont bien le droit de se lier d’amitié. Si ce n’est que lorsqu’on est ami avec le Président de la République, et qu’on a par ailleurs la fonction de grand rabbin de France, on pourrait avoir la sagesse d’afficher la neutralité qui semble de circonstance à quelques mois de l’élection présidentielle.
Enfin, il y a ces ragots difficiles à prouver. Ceux qui rapportent que Haïm Korsia aurait promis la tête de Zemmour à Emmanuel Macron. Certes, ce ne sont que des on-dit et je ne veux pas croire qu’ils soient fondés. Mais, force est de constater que l’intervention télévisée de Korsia a libéré les hordes de chiens qui jusqu’alors ne faisaient qu’aboyer. En lui retirant sa judéité, dérisoire et ultime protection contre la haine officielle, le grand rabbin de France a donné le feu vert à toutes les attaques et mis une cible sur le front d’Éric Zemmour.
© Elie Sasson