
afp.com/Nikolay DOYCHINOV
Ce matin, Martin Hirsch disait sur une radio que l’hôpital était en grande difficulté : On a vécu deux ans monstrueusement difficiles, On le paye, ajoutait-il.
Lorsqu’on écoute « en même temps » notre Président dresser ad nauseam le bilan autosatisfait de sa gestion de la pandémie, on ne peut s’empêcher d’être outré : Quitte à paraître cynique, la pandémie n’était-elle pas l’occasion ou jamais de se pencher au chevet de l’hôpital et d’en panser les plaies béantes.
Emmanuel Macron ne porte certes pas à lui seul cette lourde responsabilité ; il est toutefois celui qui, aux commandes durant la pandémie, n’aura pas pris les mesures attendues par les professionnels du monde hospitalier. Les recrutements sont plus faibles que d’habitude, et les arrêts maladies de plus de plus en nombreux chez le personnel des hôpitaux de Paris. En région Ile-de-France, il y a un peu moins de 300 patients en soins critiques, dont un tiers à l’AP-HP. Un peu moins de 600 malades du Covid-19 hospitalisés. Un quart des lits en réanimation sont occupés par des malades du coronavirus.
Un millier de poste sur 18 000 sont non-pourvus. À cause de ce manque d’infirmière, 13% de nos lits sont fermés à l’AP-HP. C’est mieux qu’en septembre. Ce n’est pas 13% de patients en moins. Quand on regarde en hospitalisation, on en prend 4 ou 5% en moins, poursuivait Martin Hirsch, expliquant qu’en hôpital de jour, il y avait 5% de patients en plus et qu’on arrivait encore à soigner autant de patients avec un peu moins de personnel : Ce qui explique une partie des tensions, tout le monde serre les fesses et serre les dents pour bosser le plus possible dans ces conditions difficiles. On a tous l’obsession du patient. Ce truc-là ne peut pas durer des mois.
Mieux ? un courrier de la direction générale de la Santé, perçu comme « Le coup de grâce » , a suscité un tollé à l’hôpital : Envoyée le 17 novembre, une lettre de la Direction générale de la Santé réclamant une mobilisation des soignants pour pallier les pénuries a provoqué la colère des médecins.
Il est peu d’écrire que ledit courrier a mis le feu aux poudres dans le secteur hospitalier. Que la DGS ou Direction générale de Santé décrive au personnel concerné des établissements à bout de souffle est une chose.
Qu’elle l’alerte sur « les difficultés à remplir les tableaux de garde ou à maintenir une offre de soins complète depuis plusieurs années pendant les mois d’hiver et d’été et attribue ces pénuries aux « vagues successives de l’épidémie Covid-19 » doublées d’une « recrudescence » de la pandémie qui se compile à la circulation active des virus hivernaux en est une autre.
Qu’elle exhorte le personnel hospitalier, déjà sur les rotules, à une forte mobilisation a quelque chose … d’indécent.
Que ledit courrier mentionne une « mobilisation possible des retraités » et un appel à la rescousse des libéraux ajoute à l’impudeur, même si le Gouvernement sort encore le chéquier pour cautériser de façon superficielle des plaies aujourd’hui béantes.
Du côté du corps médical, ce courrier a été perçu comme la goutte de trop : « La politique de santé menée depuis ces trente dernières années n’a pas réussi à sauver l’hôpital public, le ministère y apporte maintenant le coup de grâce », déclare le communiqué publié ce jeudi par l’intersyndicale Action Praticiens Hôpital.
Le président de l’Intersyndicale Nationale des Internes, rappelle à raison que l’hôpital public va très mal et il qu’il y a une réelle hémorragie du personnel que ce soit médicaux ou paramédicaux. »
Déjà début novembre, la Fédération hospitalière de France indiquait que 6% des lits étaient fermés à l’hôpital public, faute, dans 70% des cas, à un manque d’infirmiers et d’aides-soignants et dans 60% des cas à une pénurie de praticiens.
Martin Hirsch n’avait-il pas évoqué dans L’Express ces 1200 postes d’infirmières non pourvus, sans compter les infirmières spécialisées, les manipulateurs radio…
De fait, les autorités n’ont pas anticipé et, se cachant derrière une potentielle cinquième vague, redemandent au personnel de venir, de gré ou de force.
Certains s’étranglent à raison devant la note reçue : On fait appel en urgence aux retraités, mais bientôt on va appeler les étudiants à la rescousse ? Ce n’est pas possible.
Ce courrier illustre si bien que les revendications du personnel hospitalier n’ont pas été écoutées. Trous dans le planning, médecins partis à la retraite, reconversions professionnelles, burn-out, sont évoqués.
Qu’est devenu le Ségur de la Santé ? Un « échec cinglant », écrit le Communiqué du personnel hospitalier.
Sarah Cattan