Quand ‘Hanouca nous est conté
… en souvenir d’Emmanuel-Yehouda Moreno
« C’était au temps de Mattatias ben Yo’hanan, grand prêtre hasmonéen … ». Par ces mots commence un ancien et très court texte liturgique que le Talmud (Chabat 24a) demande d’insérer dans les prières à ‘Hanouca. « Al Hanissim » évoque l’histoire de ce vieux prêtre dont les cinq fils, conduits par Juda (dit le Maccabée) remportèrent avec les… maquisards de cette époque une éclatante victoire sur l’occupant gréco-syrien. Après quoi, continue la prière en s’adressant à Dieu, ils purifièrent le Temple où Antiochus IV avait instauré un culte idolâtre, « allumèrent des lumières dans ton saint parvis, instituant ces huit jours de Hanouca pour remercier et glorifier ton grand Nom. » Cela s’est passé en l’an 165.
Le début de histoire remonte à la conquête du Proche-Orient par Alexandre, plus exactement à sa mort en 333, quand les Ptolémées et les Séleucides se sont partagé les dépouilles de l’empire. L’Egypte fut accordée aux Ptolémées, Érets-Israël passa sous la domination des Séleucides sans qu’apparemment les Juifs ne s’en soient plaints. Jusqu’à la prise du pouvoir par Antiochus IV qui, avec la collaboration de Juifs hellénisants, chercha à imposer de force, dans tout le pays, le culte idolâtre, et, pour commencer, celui de sa personne. Sous peine de torture et de mort toute pratique du judaïsme était interdite. C’est à Modi’in (proche de la nouvelle ville qui porte ce nom –à mi distance de Jérusalem et de Tel-Aviv) où résidaient Mattatias et les siens que la révolte éclata. Les victoires remportées sur les importantes forces séleucides témoignent de l’irréductibilité des combats pour la foi, alors que l’effrayante disproportion entre la faiblesse des armes chez les Maccabées et la puissance de l’occupant a été neutralisée, selon la tradition juive, par le secours divin.
Nous connaissons l’histoire de ‘Hanouca par les deux Livres des Maccabées. Le premier a été écrit en hébreu, sans doute vers les années 100 avant l’ère présente, mais la version originale est perdue et on n’en connaît que les traductions grecques; le second, écrit en grec, est davantage une chronique de martyrs de la foi qu’un recueil historique. Ces Livres, considérés comme inspirés par les chrétiens, sont intégrés à leur Bible, alors que pour les rabbins il s’agit de documents apocryphes. Mais ils ne récusent pas l’histoire – très détaillée – qu’ils rapportent. Le Talmud, notamment ses sources les plus reculées, nous livre des bribes de l’épopée hasmonéenne que nous connaissons aussi par Flavius Josèphe. Celui-ci parle de l’éclat avec lequel la fête était célébrée, ce que nous savons aussi grâce au quatrième évangile.
Mais il a toujours manqué, pour accompagner la fête de ‘Hanouca, un texte homologué, intégré à la liturgie. Encore qu’une tentative en ce sens fut réalisée dès l’Antiquité (entre le 2e et le 5e siècle), par la rédaction d’un texte appelé « le Rouleau (meguila) hasmonéen » ou encore « Meguila de ‘Hanouca », dont la version araméenne puis une traduction hébraïque apparut dans les rituels dès 1482. Mais ce récit, qui était lu dans certaines communautés le chabat de ‘Hanouca – et traduit en arabe par Saadia Gaon– n’a pas résisté au temps et ne figure plus dans aucun rituel.
Il y a une dizaine d’années, un universitaire engagé, Haggi Ben-Artsi, a composé et édité une nouvelle « Meguilat ‘Hanouca », en huit chapitres, ce qui permet de lire un épisode de l’histoire des Maccabées chaque jour de la fête. Le texte a conservé le calendrier propre aux Livres des Maccabées –l’an 1 étant celui de la montée sur le trône du premier des Séleucides. L’auteur indique qu’il n’a fait que reprendre les éléments contenus dans les Livres des Maccabées et les sources rabbiniques, sans autres ajouts. Le livret d’une soixantaine de pages, cartes à l’appui, est abondamment illustré et comprend aussi les courts textes liturgiques récités à Hanouca.
Remise à jour? Toilettage? Il s’agit de bien plus, grâce à un ajout d’une vingtaine de pages consacrées à Emmanuel-Yehouda Moreno, qui enfant, fut un élève de Haggi Ben-Artsi. Après avoir terminé ses études de droit dans le cadre de l’armée, Emmanuel-Yehouda Moreno, marié et père de trois enfants, fut à la tête d’un commando de Tsahal dont les nombreux faits d’armes (y compris sa photo!) restent couverts par le secret militaire. Que dans ces unités d’élite, il ait été élevé au grade de Lieutenant-colonel suffit pour laisser libre cours à l’imagination. Emmanuel-Yehouda Moreno est mort, atteint d’une balle, au cours d’une dernière opération, au Liban, après le cessez-le-feu de la guerre de l’été 2006. Il avait trente cinq ans. Emmanuel-Yehouda était né à Paris – il avait un an quand il est arrivé en Israël. Si sa carrière militaire était éminente, sa personnalité de Juif profondément attaché à la Tora et surtout ses qualités humaines au quotidien, l’étaient pareillement. Les propos rapportés en son nom apparaissent ici comme une suite naturelle de l’engagement total des Maccabées pour leur nation et la Tora. Une Meguila d’Israël –parmi celles qu’écrivent les meilleurs de ses enfants.
© Jacquot Grunewald
Rabbin, écrivain, journaliste, Jacquot Grunewald vit en Israël depuis 1985. Reprenant en 1965 la direction du Bulletin de nos communautés d’Alsace et de Lorraine, Jacquot Grunewald en fit l’hebdomadaire d’informations Tribune juive, qu’il dirigera 25 ans durant, jusqu’en 1992.
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