Chaque mercredi, Yahoo vous invite à mieux connaître une entreprise. Petits secrets, anecdotes, histoires insolites, ne manquez pas l’occasion d’épater vos amis. Pour ce 65e épisode, place à un pionnier du libre-service textile qui ne voit plus la vie en rose : Tati.
1 – Tati ou « les Galeries Lafayette du pauvre »
L’histoire de Tati débute en 1948. Après la Seconde Guerre mondiale, Jules Ouaki quitte alors la Tunisie pour s’installer en France avec une idée derrière la tête. À peine arrivé, le dynamique trentenaire ouvre un magasin de 50 mètres carrés à Barbès. Le succès est tel que Tati deviendra l’emblème de ce quartier populaire du 18e arrondissement parisien jusqu’à sa fermeture en 2021. Pour séduire les clients, l’entrepreneur bouscule leurs habitudes : les sonnettes pour entrer appartiennent au passé et les clients sont désormais libres de toucher tous les produits un peu comme au souk. Le tout à un tarif défiant toute concurrence.
Son secret pour tirer les prix vers le bas ? Baisser le coefficient multiplicateur – soit la marge entre le prix d’achat du commerçant et le prix de revente. « Nous nous en sortons parce que nous faisons un très gros chiffre d’affaires et que nous achetons en très fortes quantités avant la saison. Et parce que nous avons le débit, nous avons la consommation, nous avons la vente », confiait le fondateur de l’enseigne discount au logo vichy en 1976. À la fin des années 1970, le magasin accueille jusqu’à 40 000 clients par jour.
Jules Ouaki ne cache pas son ambition : faire de Tati les « Galeries Lafayette du pauvre ». Mais au fait, pourquoi choisir ce nom énigmatique de Tati ? Pour rendre hommage à sa mère Esther surnommé Tita. Puisque ce nom est déjà pris, Jules Ouaki inverse simplement les syllabes.
2 – Tati plus visité que la tour Eiffel
À la fin des années 1970, le modeste magasin historique de Barbès s’agrandit puis Tati fait des petits dans toute la France. Le temple du textile à bas prix connaît son âge d’or dans les années 80. Les magasins Tati deviennent même une curiosité pour les visiteurs au point de figurer dans les guides touristiques japonais !
En 1986, ce symbole de la France des « Trente Glorieuses » va même se payer le luxe de faire mieux que la tour Eiffel. « Quel est Ie “monument” de Ia capitale le plus visité ? La tour Eiffel, le Louvre, l’Arc de triomphe ? Non, vous n’y êtes pas. L’institution parisienne qui a fait déplacer 35 millions de visiteurs l’an dernier s’appelle Tati », affirme un article du Figaro en 1987.
3 – De l’âge d’or à la chute : 30 ans d’erreurs
Malheureusement pour Tati, la deuxième partie de sa vie sera moins glorieuse. Son fondateur décède d’un cancer en 1983. Les malheurs s’enchaînent lorsqu’un an plus tard, le fils ainé et successeur désigné meurt brutalement. Finalement, un autre de ses six fils, Fabien, reprend le flambeau en 1991 et devient PDG du groupe. Problème : le trentenaire n’a pas vraiment le profil et l’économie n’est pas son dada.
Le nouveau boss a la folie des grandeurs et rêve d’une marque moins ringarde et plus chic. Il ouvre une boutique rue de la Paix et une autre spécialisée dans les robes de mariée à New York sur la prestigieuse cinquième avenue. Cinq enseignes spécialisées voient le jour : Tati Or, Tati Mariage, Tati Vacances, Tati Optic et Tati Phone. C’est le début de la fin. Les habitués ne s’y retrouvent plus et la marque perd en lisibilité. Au début des années 2000, Tati s’essouffle et perd de sa splendeur aux dépens de petits nouveaux comme Zara et H&M. Le chiffre d’affaires s’effondre. Jamais Tati ne parviendra à retrouver son lustre d’antan.
« Tati est confronté à deux types de concurrence : les magasins comme Babou ou La Foir’fouille, où des produits sont disponibles à très petits prix. Mais aussi à celle des géants internationaux comme Zara, Mango, H & M… où sont proposés des vêtements à bas prix, mais avec du design », remarque Isabelle Barth, directrice de l’Insee, pour illustrer le déclin de la marque au Parisien en 2019.
4 – Frappé par un attentat en 1986
Si Tati connaît son apogée en 1986, l’enseigne est aussi frappée par un drame cette même année. Un attentat à la bombe devant le magasin Tati à Montparnasse, le 17 septembre 1986, fait sept morts et 55 blessés. « Il s’agit cette fois du plus meurtrier des six attentats de ce ‘septembre noir’ : 7 morts et 52 blessés dans la rue de Rennes. Soit 10 morts et plus de 160 blessés en moins de deux semaines. Et au moins 14 morts et plus de 300 blessés attribués aux actions du Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA) », se souvient Le Parisien.
Pour Tati, victime collatérale de cette attaque, la pilule est dure à avaler. « Tati ne semblait pas visé en particulier mais les clients vont déserter ses magasins. Un coup dur qui intervient à un moment clé dans la vie du groupe », explique l’émission Complément d’enquête en 2018.
5 – L’enseigne n’a pas résisté à la crise sanitaire
Après 73 ans d’existence, Tati a définitivement fermé le rideau le 30 septembre 2021 de son emblématique magasin du boulevard Barbès — le dernier encore ouvert. Les grèves de décembre 2019 et le Covid-19 ont été les deux crises de trop.
« Tati n’a pas vu le retour de ses clients vers son centre historique de Barbès », dont le magasin a été « doublement » touché par les grèves de décembre dernier et la crise sanitaire, explique son directeur général délégué Thierry Boukhari, cité dans un communiqué. Le magasin ouvert depuis 1948 « a accusé une baisse de 60 % de ses ventes entre le 1er octobre 2019 et le 31 mai 2020 par rapport à la même période l’année précédente », ajoute-t-il.
Rachetée par le groupe Eram en 2004 avant de passer sous le giron de Gifi en 2017, la marque au vichy rose n’a pas pu être sauvée. En 2019, le groupe GPG, propriété de Gifi, annonce la fermeture des tous les magasins de cette marque mythique sauf celui de Barbès. Ce dernier aura tenu deux ans avant de définitivement fermer ses portes en 2021.
© Cyprien Tardieu
https://fr.finance.yahoo.com/actualites/5-choses-savoir-tati-095139524.html
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