
« Zemmour veut réhabiliter Pétain à hauteur de De Gaulle, ça ne te choque pas ? Il veut virer hors de France les immigrés, et c’est un négationniste ! » : tels sont les mots qu’un ami d’enfance m’a renvoyé par sms, alors que je lui avouais ma sympathie pour le presque candidat. J’ai eu beau lui répondre que non, Zemmour ne veut pas réhabiliter Pétain à hauteur de De Gaulle, que non, il veut au contraire que les immigrés deviennent des Français à part entière, que non, il ne nie pas l’innocence du capitaine Dreyfus (tiens, je ne savais pas que mon ami s’intéressait à cette vieille affaire qui en son temps divisa la France). J’ai eu beau lui dire que pour moi Zemmour fait du bien à la vie politique française, qu’il ose dire des vérités sur l’état de la France et de son peuple, profondément atteints dans leur identité et leur existence mêmes, il n’y a rien eu à faire : « Cet homme est dangereux, il n’apportera rien de bon à la France ».
Je suis entouré de Chrétiens de bonne famille qui ne supportent pas Eric Zemmour
Je suis entouré de Chrétiens de bonne famille qui ne supportent pas Eric Zemmour. J’ai un soupçon : Zemmour heurte de plein fouet leurs « vertus chrétiennes devenues folles » : leur générosité sans limite, leur croyance que leur – prétendu – amour de l’autre finira forcément par déteindre sur leur prochain.
J’en ai été. Plutôt deux fois qu’une. Je connais bien cette tentation chrétienne qui m’a si souvent amené à vivre dans l’illusion de la fraternité et de l’amour qui emporteront tout sur leur passage. Je connais bien cette tentation d’adorer la perfection christique que ma mère projetait sur moi (et l’autre face de cette même tentation de haïr les imperfections qu’elle haïssait chez moi).
Je connais bien le plaisir masochiste que j’avais de tendre la joue gauche quand on me frappait la droite. Dans les toilettes de mon oncle, il y avait, en lettres dorées, les 7 pêchés capitaux dans un petit cadre de verre accroché au mur. Dans mon enfance, j’avais bien compris que je ne devrais jamais me mettre en colère. Et je ne me mettais jamais en colère. Plus tard, plutôt que de me battre pour gagner ma liberté, je la criais à tue-tête sur la chanson Freedom d’Aretha Franklin, dans l’aquarium de mes soirées bobos parisiennes. Oui, dans ma première vie, je l’aurais aussi traité de raciste, de fasciste, de nazi ce Zemmour, sans prendre la peine de l’écouter ou de le lire. Comme beaucoup d’autres de mon milieu, je m’étais presque convaincu qu’il n’y avait pas mieux que de vivre au milieu des bienheureux, dont le Christ sur la croix de notre enfance nous montrait le suprême et inspirant exemple avec ses trois clous : deux plantés dans les mains écartées, et l’autre dans les pieds (oui, un seul gros clou pour les deux pieds, sur la grande croix du calvaire qui marquait l’entrée du chemin de la ferme de mes grands-parents).
Secrètement, je préférais l’histoire de Jésus le Juif, de cet homme raconté dans quelques rares livres écrits par quelques honnêtes rebelles au dogme, ou entre les lignes de certains évangiles, souvent mal commentés à l’homélie qui suivait leur lecture. L’Evangile de Marc raconte bien des colères de Jésus, et pas qu’envers les marchands du temple, mais aussi à la synagogue de Capernaüm, quand les pharisiens refusèrent de répondre à ses questions, « il promena sur eux un regard de colère, peiné de l’endurcissement de leur coeur », rapporte Marc.
Un jour viendra, sûrement, où l’on racontera même les violences de Jésus, parce qu’il était un humain, donc imparfait. Et parce que, comme l’écrivait Carl Gustav Jung, « la vie nécessite pour son épanouissement non pas de la perfection mais de la plénitude. Sans imperfection, il n’y a ni progression ni ascension ». Il ne faut pas négliger cette réalité selon laquelle réside dans la culture chrétienne un substrat de soumission. La soumission complète, celle de l’Islam, ne doit pas nous faire oublier la première.
Dans ma vie, quelque part, je suis devenu un peu juif
Dans ma vie, quelque part, je suis devenu un peu juif. D’abord parce que j’ai vécu pendant sept ans une intense passion amoureuse avec une Française d’origine séfarade. Et puis ensuite parce que je suis devenu il y a une dizaine d’années l’élève de Charles Rojzman, qui m’enseigne l’art des combats pour la liberté et la réalité (contre la haine, les illusions et la violence), que je retrouve plus ou moins dans la culture juive – les Juifs sont les seuls à s’engueuler avec leur dieu ! -, sans doute pour sa survie millénaire.
Savez-vous pourquoi Israël est le pays qui compte le plus d’entrepreneurs ? Parce que la grande majorité d’entre eux… ont une mère juive ! Je pense à cette blague quand je pense à Eric Zemmour : il raconte souvent combien sa mère l’aimait profondément, et combien c’était réciproque. Il se plaît aussi à raconter qu’à l’âge de 10 ans, il se délectait des débats animés de son père et de ses oncles à propos de tout ce qui passionnait les Français : De Gaulle, le Tour de France…
Je n’en ai aucun doute : Eric Zemmour est un démocrate, tout simplement parce qu’il aime profondément le débat. La vie. La France et ses valeurs. Ça se voit, ça s’entend, ça se sent.
Zemmour, je l’imagine tellement bien caricaturé au milieu de la clique du village d’Astérix, la mythique création de René Goscinny… Comme tous les gaulois réfractaires, il a bien des défauts, il est provocateur, il est outrancier, mais il me fait du bien. Et je suis certain qu’il fait du bien à la France.
Parce qu’il est un homme libre.
© Yves Lusson
Yves Lusson est intervenant en Thérapie sociale