Tribune Juive

Sarah Cattan. L’anesthésie de la pensée du Brigadier auditionné hier fait perdre toute Foi en l’Homme

Le recours en révision doit être déposé, soutenu, obtenu

Apparues en France avec le régime parlementaire, les commissions d’enquête ont évolué et parallèlement au fait de prévenir toute ingérence parlementaire vis-à-vis du pouvoir exécutif et de l’autorité judiciaire, elles sont aujourd’hui, grâce à l’élargissement de leurs moyens d’investigation et à la publicité de leurs auditions depuis 1991, des instruments d’information et de contrôle efficaces, dont les conclusions sont susceptibles d’infléchir l’action gouvernementale.

La création d’une commission d’enquête relève exclusivement de l’initiative parlementaire, laquelle doit prendre la forme du dépôt, par un ou plusieurs députés, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une telle commission, motifs de la demande objet de l’enquête étant précisés.

Une fois déposée à la commission permanente compétente au fond, c’est l’Assemblée nationale qui se prononcera ensuite en séance publique.

Aujourd’hui, il suffit que le Président d’un groupe en fasse la demande pour que la Conférence des présidents prenne acte de la création de la commission d’enquête.

Dans son rapport, la commission permanente se prononcera sur la recevabilité de la demande au regard des textes et sur son opportunité.

Selon les termes du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution doit déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion.

Par ailleurs, la création d’une commission d’enquête est prohibée lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours.

Le problème de la délimitation précise des domaines respectifs de l’enquête parlementaire et des investigations judiciaires a donné lieu à une jurisprudence complexe : l’interprétation qui prévaut est que l’existence de poursuites n’interdit pas la création d’une commission d’enquête lorsqu’elle est souhaitée, mais restreint son champ d’investigation aux faits n’ayant pas donné lieu à poursuites. Ainsi, dans l’Affaire Sarah Halimi, nous pouvons considérer que sont investigués les faits n’ayant pas donné lieu à poursuites.

Pour rappel, les membres la composant sont désignés à la proportionnelle des groupes, et les fonctions de Président ou de Rapporteur reviennent à un membre d’un groupe d’opposition ou d’un groupe minoritaire, ce qui n’est pas le cas du Rapporteur Didier Paris, Porte-Parole LREM.

Aux termes de l’ordonnance de 1958, les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information […] en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées, et chacun s’en félicite.

Pour info encore, les Commissions d’Enquête disposent d’un droit de citation directe : les personnes dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile sont tenues de déférer à la convocation qui leur est délivrée à la requête du président de la Commission d’Enquête, un huissier ou un agent de la force publique les amenant si nécessaire. Ces personnes sont entendues sous serment. Les sanctions prévues en cas de faux témoignage ou de subornation de témoin sont applicables aux enquêtes parlementaires. A noter : les personnes entendues sont protégées des actions en diffamation, injure ou outrage pour les propos tenus devant une Commission d’Enquête. Des pouvoirs spécifiques attribués aux Rapporteurs : ces derniers exercent leurs missions sur pièces et sur place, ils doivent obtenir tous les renseignements de nature à faciliter leur mission et sont habilités à se faire communiquer tout document de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret qui concernerait par exemple la défense nationale, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État.

A noter encore : concernant la publicité des auditions, il est prévu que chaque Commission d’Enquête est libre de se placer sous le régime du secret ou, au contraire, de l’organiser par les moyens de son choix, y compris par retransmission télévisée : Ce qui fut fait pour la Commission d’Enquête Sarah Halimi, au sujet de laquelle le Président Habib communique via les réseaux sociaux : tout un chacun a, s’il le désire, accès aux comptes rendus, voire aux replays video, des auditions.

Si nous savons que les conclusions et propositions occupent en général une grande place dans les Rapports des Commissions d’Enquête, et peuvent être évoquées lors de la Séance des questions au Gouvernement, et si nous savons que le but initial est de mettre en exergue les éventuels dysfonctionnements, nous sommes peu à savoir que lorsque les Commissions d’Enquête découvrent des faits délictueux, elles ont le pouvoir – sinon le devoir-  de transmettre les informations recueillies au ministère de la justice aux fins d’ouverture d’une enquête judiciaire, ou encore de saisir directement le Parquet[1].

La Commission d’Enquête parlementaire Sarah Halimi a levé le lièvre quasiment à chaque audition de chaque témoin.

Citez-moi un seul élément venant contredire une Affaire abracadabrantesque émaillée de dysfonctionnements assourdissants : de la manière inédite et provoquant l’ire générale dont opéra la Juge en charge de l’Affaire jusqu’aux manquements graves de conséquence et graves sur le plan éthique en passant par une désinvolture à peine maquillée qui fit zapper des étapes précieuses telles le refus de reconstitution, l’investigation de la Mosquée Omar, célèbre pour ses accointances salafistes, des interrogatoires faits sans que l’incohérence en fût retenue et qui permirent par exemple de conclure de façon infondée à une séquestration mais encore la non investigation des portables et ordinateurs du meurtrier, la non-investigation de son compte Facebook ouvert sous le pseudo de l’assassin d’Ilan Halimi, tout était réuni pour taire l’assassinat en plein Paris, devant témoin, d’une femme juive qui sera lynchée et défenestrée pour le seul fait de sa judéité, ce Tout englobant des Forces de Police présentes 3 minutes après qu’elles eussent été appelées, mais restées spectatrices alors même qu’elles disposaient du trousseau de clés permettant d’accéder à la scène de torture et de mise à mort. Ce Tout englobant encore le recours à 7 experts venus gloser sur l’abolition ou l’altération du discernement du meurtrier après s’être tous contredits sur une pathologie qui l’aurait affecté et être in fine tombés d’accord sur l’inexistence de quelque pathologie. Le tout englobant enfin une interminable et insupportable masturbation intellectuelle avant d’acter la circonstance aggravante pour antisémitisme et après nous avoir servi des fadaises de chandelier qui auraient servi d’étincelles à un baril de poudre.

Après qu’eussent été entendues moult personnalités, et que chacune eût ajouté sa pierre à une Affaire qui se rapproche d’une Affaire d’Etat, l’Agenda annonce à dater du 9 novembre les auditions de Daniel Zagury, psychiatre, celles d’Ariel Goldmann et de Haïm Korsia, du Dr Joachim Müllner, psychiatre, celle enfin de témoins, celle de Me Thomas Bidnic, avocat de la défense, de Paul Bensussan, psychiatre, du Préfet Maurice Cadot, ancien préfet de police de Paris, celle de Anne Ihuellou, vice-présidente de l’instruction au tribunal judiciaire de Nanterre, de Gérard Darmanin, de François Mollins, Procureur général près la Cour de cassation, et celle d’Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Nous ? Aurons-nous d’ici là digéré ce qu’hier nous entendîmes de la bouche même du Brigadier auquel il fut demandé par un Meyer Habib magistral pourquoi ses collègues et lui n’avaient pas pénétré au moyen des clés dont nous savons aujourd’hui qu’ils disposaient, pourrons-nous oublier la voix, le regard et le visage de la lâcheté en l’entendant répéter … qu’il ne souvenait plus bien, 4 ans après, qu’il n’était pas entré car il n’en avait pas ressenti … l’urgence, que s’il avait bien entendu les sourates et autres hurlements du meurtrier, il n’avait souvenance d’aucun appel au secours, en somme le monstre, tel un Eichmann, avait fait son travail et ne paraissait encombré d’aucune conscience morale, d’aucun remords, venant nous rappeler les mots d’ Hannah Arendt, lorsqu’elle évoqua … une anesthésie de la pensée.

« Je n’ai pas eu le réflexe d’utiliser les clés que le voisin m’avait données pour entrer dans l’appartement, parce que je n’en ai pas ressenti l’utilité ou l’urgence », affirme le brigadier de police dépêché sur les lieux juste avant le meurtre de Sarah Halimi

[1] Tel fut le cas de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements sectaires sur les mineurs, en 2006.

Sarah Cattan

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