
Si l’on écarte les Juifs de Gauche, pour qui Zemmour est, et restera, un fasciste raciste homophobe et sexiste, si l’on écarte aussi les Juifs macroniens, dont le seul souci est de continuer à prospérer individuellement dans un environnement économique, commercial et fiscal qui leur est favorable, en se moquant finalement de l’intérêt collectif, il est intéressant de s’interroger sur la progression du sentiment de rejet à l’égard du polémiste au sein de la partie de la communauté juive ayant une orientation politique « plutôt à Droite ».
Jusqu’il y a peu, dans leur grande majorité, les Juifs de Droite, conservateurs serait plus exact, soutenaient Eric Zemmour. Tant que le polémiste se contentait d’être libéral, conservateur, souverainiste, protectionniste et plus généralement un fervent opposant à la bien-pensance, il bénéficiait de la sympathie de la communauté juive, du moins de sa portion votant à Droite.
Et puis patatra… Voilà que certains, très bien intentionnés, parmi lesquels l’infatigable haïsseur du concept de « Nations », pourvu qu’elles soient occidentales, BHL pour le nommer, tombent sur quelques pages de l’avant dernier livre d’E.Z. dans lesquelles il est question de Pétain et du régime de Vichy. L’auteur s’y livre à une discussion à priori historique. En substance, pour faire court, E.Z. rappelle que Pétain a cherché à différencier les Juifs français de ceux qui ne l’étaient pas, afin que ne soient livrés aux allemands que les étrangers.
Différenciation que l’auteur juge évidemment immorale un peu plus loin, page 91 de Destin français, ouvrage édité chez Albin Michel en 2018.
Rappelons pour être complet que le régime de Vichy s’empressa par la suite de retirer la nationalité française à nombre de citoyens juifs récemment naturalisés, y compris ceux vivant en Algérie. Zemmour lui-même, face à Ruth Elkrief, fit référence à ces faits historiques, rappelant que sa famille avait perdu la nationalité française à cause des décisions de Vichy.
Rien là d’extraordinaire. Personne ne conteste. Pourtant, BHL y trouva matière à fouiller. Il y avait forcément une idée, voire une idéologie, crasse évidemment, derrière la tête d’E.Z. Replaçons-nous dans le contexte du 21 octobre 2019. BHL se retrouve face à E.Z. dans un débat télévisé sur CNews.
BHL, pour qui le régime de Vichy était le mal absolu et finalement le reflet de « l’Idéologie française », ne pouvait très logiquement supporter que la moindre nuance soit éventuellement portée au crédit de cette France rance et rabougrie, qu’il rêve ouvertement de se voir créolisée.
Il interpela E.Z. par ces mots : « Un jour, dans une autre émission, vous avez osé dire que Pétain avait sauvé les Juifs français. C’est une monstruosité, c’est du révisionnisme ». Zemmour lui répond: « C’est encore une fois le réel, je suis désolé ».
Certes, le polémiste aurait pu nuancer, rajouter du sous-texte. Il aurait pu rappeler ce qui a été écrit plus haut, et qu’il sait parfaitement, à savoir que Vichy retira la nationalité à tous les Juifs récemment naturalisés, etc…
Pourquoi ne le fit-il pas à ce moment précis ? Sans doute par provocation, car les deux hommes s’inspirent un profond rejet mutuel. En effet, BHL déteste la France en tant que Nation ou Peuple. Il la considère viscéralement antisémite. Zemmour est au contraire obsédé par la survie du peuple français et de son héritage culturel. Chacun incarne donc ce que l’autre abhorre.
Il n’en fallut pas davantage pour que les idéologues de Gauche au sens très large, une largeur qui embrasse au-delà du Centre Droit, gravèrent dans le marbre qu’E.Z. était un affreux pétainiste.
De quoi sérieusement entamer la sympathie de la « Communauté juive » à l’égard du polémiste. Beaucoup de Juifs, par ignorance, se détournèrent d’E.Z: la bête immonde était de retour et il devenait urgent de la terrasser. D’autres Juifs, encore nombreux, extrêmement sensibilisés aux problèmes de l’immigration et aux dangers de l’islamisation de la France, comprenaient le souci d’objectivité et la quête de vérité du polémiste.
Ils comprenaient aussi que ces quelques pages sur Pétain et Vichy faisaient partie d’une longue démonstration de l’idée-phare du polémiste, à savoir que la France n’est ni monstrueuse, ni pure de tout péché. Elle est juste la France et si l’on veut qu’elle reste grande, il faut cesser de la rabaisser, de s’excuser en son nom, de l’humilier et de la culpabiliser. Et donc, ces derniers Juifs ne lui en tinrent pas rigueur. Ils acceptaient qu’E.Z. puisse avoir les défauts de ses qualités, dont l’essentielle est de considérer que toutes les vérités sont bonnes à dire, quand bien même elles touchent à des sujets tabous.
Rappelons d’ailleurs pour clore ce débat qu’E.Z. fut poursuivi par l’UEJF et la LICRA pour les propos tenus face à BHL: le tribunal le relaxa, considérant qu’il ne s’agissait pas de propos révisionniste ou négationniste, mais simplement d’un débat historique.
Et puis, il y eut un dérapage de plus. Dans son dernier livre, E.Z. cite les victimes des attentats de Toulouse. Il ne prend aucune précaution de langage. Au lieu de rappeler l’inévitable compassion, la rage, la colère, le choc et l’immense peine que chacun d’entre nous, lui y compris, a pu ressentir, il prend une distance avec ces drames et les analyse à la lumière du lieu de sépulture choisi par la famille des victimes et du bourreau. Il tire de ce choix un enseignement sociologique que l’on pourrait résumer ainsi: « les victimes comme le bourreau ne se sentaient probablement pas suffisamment français puisqu’ils choisirent de se faire enterrer à l’étranger ».
Précisons qu’il ne porte aucun jugement de valeur, mais s’interroge sur le pourquoi d’un tel désamour. Il nuancera son propos plus tard lors d’une conférence et expliquera qu’il trouvait insupportable que des victimes ne puissent pas être enterrées en France parce que leurs proches craindraient que leurs tombes soient profanées.
Sans entrer, par respect, dans l’analyse des raisons de ce choix de lieu de sépulture pour les victimes de cet horrible crime, on peut tout de même s’interroger sur le degré d’assimilation et l’esprit communautariste de certains Juifs de France. Rappelons que le retour à Israël est consubstantiel de la foi juive. De fait, il n’est pas interdit de constater que ce retour est plus fréquemment opéré par des Juifs très pratiquants que par ceux qui le sont moins. Également, on ne peut nier la volonté assumée, du moins officieusement, par certains établissements scolaires juifs d’encourager un tel retour. S’il ne s’agit pas là de communautarisme, de quoi s’agit-il ?
Ce dérapage fut du pain béni pour ses détracteurs. On ne touche pas aux victimes des attentats de Toulouse. Mais le polémiste ne retire rien de ses propos. Il assume ne pas vouloir être dans l’émotion et revendique le droit de se livrer à une analyse froide et objective de tout événement historique, fût-il récent, très douloureux et éminemment tabou: « L’émotion, c’est bon pour la sphère privée, pas pour l’expression publique ».
C’en est trop pour beaucoup de Juifs de Droite. Ces derniers se détournent d’E.Z. On peut les diviser en trois groupes. D’une part, il y a ceux qui s’inquiètent de l’éventuel manque d’empathie, pour ne pas dire humanité, du futur candidat à l’élection présidentielle. Ceux-là se trompent et ne savent pas la vraie nature du personnage. D’autre part, il y a ceux qui revendiquent le droit de ne pas avoir à choisir entre deux patries. Ceux-là sont peut-être des macronistes qui s’ignorent, et sans doute des habitants de la planète. Lorsqu’on ne sait pas d’où l’on est, on est de partout et nulle part. Enfin, il y a ceux qu’un inébranlable amour pour Israël et un sentiment d’appartenance prioritaire au peuple juif empêchent de se sentir pleinement français. Ces deux derniers groupes ont basculé du côté des « anti-zemmour », assumant plus ou moins ouvertement leur refus que puisse être interrogé leur attachement à Jérusalem.
On peut les comprendre. Le sentiment d’appartenance au peuple juif est cultivé sans relâche dans la tradition et la foi juive depuis toujours.
Pour autant, puisqu’il s’agit, pour faire court, d’un sentiment sioniste dont je ne remets pas en question la légitimité, n’est-il pas temps, aujourd’hui qu’Israël existe et peut les accueillir, de le concrétiser ?
Il est en tout cas grand temps pour la France de renforcer le sentiment patriotique de ses citoyens.
Restent quelques irréductibles, dont je fais partie, qui continuent à soutenir le polémiste. Ceux-là considèrent que leur attachement à la France est, et doit demeurer, prioritaire à toute autre affiliation. Ce pays leur a tout donné. Ils y ont grandi, y ont poursuivi leurs études, s’y sont mariés, y ont été heureux, y ont fait naitre leurs enfants, les y ont scolarisés. Ils ont été malades dans ce pays, puis soignés. Ceux-là considèrent être redevables à la France plus qu’à tout autre pays.
© Elie Sasson