Jacques Neuburger. Juifs français, la tentation de la rancœur et le risque du déshonneur

Nous assistons à ce que je croyais ne plus voir : la résurgence des rancœurs du parti revanchard des perdants de toujours, le boulangisme, les antidreyfusards, les cagoulards, les antiparlementaires du 6 février, la Révolution nationale et son prétendu fascisme social “propre” à la française, les nostalgiques de l’Algérie française et du colonialisme, le putsch des généraux, l’OAS, l’antigaullisme, la haine des intellectuels.

Le paradoxe est que cette frange politique, traditionnellement antisémite, attirait peu les juifs qui refusaient de se mêler aux antisémites viscéraux. Et voici qu’un extrémiste né dans le judaïsme et qui manie le paradoxe, puisque à la fois refusant de se voir renvoyé à une dimension de figure politique juive et à la fois se servant de son appartenance à la famille juive pour dire à tous ceux qui craignent encore la redoutée compagnie des antisémites traditionnels dit : « n’ayez pas peur, l’extrême droite ne mord pas, l’extrême droite ne doit pas faire peur, l’extrême droite n’a rien d’antisémite – à telle preuve que le maréchal Pétain n’avait rien d’antisémite et que si il a organisé la rafle du 14 mai 41, la rafle du Vel d’hiv, la grande rafle Marseille, la rafle des enfants d’Izieu, et bien c’était à seule fin de mieux protéger les vrais juifs français. »

Et dans cette commune folie où se perd l’honneur de la pensée, cette commune folie qui sera destructrice comme toutes les folies et tous les mensonges, dans cette folie qui divise et ravagé la communauté juive à tel point que les plus radicaux soutiens de ce militant opposé à tout ce que la Philosophie des lumières avait donné de noblesse à la pensée politique humaniste, généreuse, progressiste et ouverte, n’hésitent pas à faire appel à cette injure traditionnelle dont faisaient usage les antisémites antidreyfusards : “juifs de cour” pour qualifier ceux des juifs qui dénoncent cette imposture politique.

Oui, il y a là chez certains de nos actuels coreligionnaires de l’ignominieux à avoir recours au langage des ennemis des Reinach ou de Bernard Lazare afin de tenter de disqualifier les intellectuels juifs affirmant leur opposition à toute dérive vers un risque de tentation de faire renaître un fascisme à la française.  On observera que cela fait suite à bientôt cinq années de véhémences et de violences de rue envers l’actuel président de la république, véhémences et violences avec évidence orchestrées, et dans lesquelles l’insistance haineuse avec laquelle le président Macron est présenté comme le président de la finance, le président des riches, et surtout “le président de la banque Rothschild” n’est pas sans évoquer les tonalités de la presse antisémite du temps de l’affaire Dreyfus, et aussi de l’entre-deux guerres et hélas de la sinistre époque du pétainisme et de l’occupation.

Enfin il faut souligner l’incongruité de voir certains soutiens radicaux de ce candidat à se présenter comme sionistes alors que l’idée même du sionisme moderne est justement née des drames humains amenés par la virulence de cette extrême droite.

Faut-il rappeler que les élections présidentielles françaises ne sont pas les élections israéliennes et que les élections présidentielles françaises n’ont pas lieu non plus à être une revanche sur les conséquences de la guerre d’Algérie aujourd’hui ancienne de six décennies, ni dans un sens, ni dans l’autre.

© Jacques Neuburger. 17 octobre 2021

Après une formation scientifique et littéraire, Jacques Neuburger a été chargé de diverses missions dans le cadre de la fonction publique, et a notamment assuré la formation d’enseignants. Il a aussi depuis une vingtaine d’années donné diverses conférences, en particulier dans le milieu culturel et religieux juif.

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1 Comment

  1. Un peut excessif me semble-t-il. Z a tort sur certains points ( Pétain… ) mais il dit des vérités sur l ‘immigration , vérités cachées depuis cinquante ans. D ‘ où son succès. Il se trouve qu’il est juif; c ‘est son problème. On pourrait aussi vertement critiquer BHL pour son livre  » idéologie française ».
    Quant aux Juifs, qu ‘ils aiment ou non Z, s’il n ‘est pas mis bon ordre aux problèmes liés à l ‘immigration sauvage, ils partiront; de leur ville , puis de leur pays. C ‘est écrit. Là Z peut être utile pour les Juifs car il tire la sonnette d ‘alarme.

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