Je me souviens. Je me souviens n’avoir jamais pu finir La liste de Schindler. Je me souviens de mes insomnies, dans le délire de la nuit, je me revois me dire que je devais être la réincarnation d’une victime de la guerre, ou peut-être celle d’un SS, pour être à ce point tétanisée quand on évoque le Reich.
Je me souviens de mon fils qui s’isolait dans sa chambre sans que je ne comprenne pourquoi. Je me souviens de ses pleurs quand il m’a avoué être harcelé, frappé, parce que son père était « un Juif qui tuait des musulmans ».
Je me souviens des croix gammées sur les portes de mon pavillon. Je me souviens des journées avec les volets baissés de peur que l’un d’entre eux ne décide d’aller plus loin.
Je me souviens des nuits blanches à entendre des bruits qui n’existaient pas. Je me souviens me réveiller en sueur d’un cauchemar dans lequel des antisémites nous poignardaient.
Je me souviens de la reconstruction, d’avoir osé sortir à nouveau.
Je me souviens que dehors il n’y avait pas de SS, il n’y avait pas de nazi, Hitler et Pétain étaient bien mort. Vichy c’était terminé.
Je me souviens des burkas, des barbes, des kamis et des babouches dehors, partout. Je me souviens de la maîtresse qui me disait que les petits de 5 ans s’asseyaient en fonction de leur sexe sur des bancs séparés. Je me souviens des drames qui ont suivi sur fond sonore d’allah akbar.
Je me souviens de l’Histoire que j’ai apprise et de celle que j’ai vécue.
Et je me souviens chaque matin que l’étoile jaune est désormais dans les mains du croissant de lune.
Je n’ai pas oublié 39-45, mais je ne peux pas oublier 2018.
© Leïla Ajdir
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