A intervalles réguliers, les Instituts de sondages viennent nous donner des nouvelles de la Haine anti-Juifs, maladie: constat inutile tant le mal est connu mais chose qui nous amène encore et encore à une analyse lassée et blasée interrogeant sur la pertinence des modalités de ladite enquête, laquelle ne semble pas avoir eu le courage d’interroger nos banlieues ou Territoires Perdus, voire … conquis.
Nous revoilà donc face à Lucinde au sujet de laquelle Sganarelle va nous expliquer pourquoi et comment elle a perdu la voix et nous répétant à l’envi que causée par l’âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs… Ossabandus, nequeyrs, nequer, potarimum, potsa milus. Voilà justement pourquoi votre fille est muette[1].
Ainsi, seuls 20% des Européens souffriraient de la haine du Juif et la maladie toucherait moins les Français: 25% ? Les autres, lesquels auront masqué le mal ou n’auraient pas été sondés, continueront au sein du logis à la nourrir sourdement après l’avoir têtée au sein maternel mais chuuuut, ceux-là bousculent le postulat de départ qui veut que seule l’extrême droite souffrirait de la maladie et il n’est pas venu le temps de changer tout un logiciel de pensée.
Voilà donc que, selon cette enquête commandée par l’Action and protection league (APL)[2], organisation partenaire de l’EJA, et publiée mardi pour la conférence annuelle de cette dernière, 12 % des Européens seraient « fortement » antisémites et 8 % seulement modérément, puisque sur 16 Etats et 16.000 sondés, les préjugés antisémites seraient surtout répandus en Grèce et ex-pays de l’Est, où quelque 36% des Grecs, 27% des Hongrois et 23% des Polonais nourriraient des « sentiments plutôt négatifs« , estimant à titre d’exemple que « les Juifs ne seront jamais capables de s’intégrer pleinement dans la société« , ( sic ), mais, Ô bonheur, ils ne seraient que 11% en Allemagne, 8% en France, 3% en Suède et au Royaume-Uni, 2% aux Pays-Bas.
Ne venez pas parler à ceux-là de la croyance en un « réseau juif secret qui influencerait les affaires politiques et économiques dans le monde » : Elle est partagée par 58% des Grecs, 39% des Hongrois et 34% des Slovaques interrogés.
Parmi les 70 questions et 70 réponses, nous trouverons encore que 28% des Grecs, 26% des Polonais et 25% des Autrichiens sondés disent avoir « de plus en plus d’aversion à l’égard des Juifs en raison de la politique d’Israël« .
Slomo Koves, Fondateur de l’APL, a souligné lors d’une Conférence de Presse que cette enquête ne portait que sur les préjugés antisémites, et qu’il importait, pour ne pas avoir une « image totalement erronée » de la situation, de prendre aussi en compte le nombre d’incidents et agressions antisémites ainsi que la perception de la population juive vivant dans chaque pays : il a souligné à titre d’exemple que la Grèce, qui ressortait comme le pays où les préjugés étaient les plus présents, n’était pas statistiquement le pays le moins sûr pour les Juifs », et Menachem Margolin, Président de l’EJA, n’a pu pour sa part qu’acter des » résultats inquiétants montrant que l’antisémitisme était profondément enraciné en Europe », avant d’évoquer un plan d’action en 10 points. Un énième plan d’action.
L’enquête, qui compte 70 questions, nous amène à nous interroger sur les modalités qui ne font guère état de l’antisémitisme banal dans les banlieues françaises, impossible pourtant à taire s’agissant d’une étude sérieuse.
Si ladite enquête met en exergue que dans les anciens pays de l’Est les préjugés antisémites restent au niveau des phantasmes privés et que les Juifs n’y sont ni persécutés ni discriminés, ni agressés, ni tués, en raison, nous dit-on, de leur faible pourcentage au sein des populations locales, nous répondrons qu’il y a 3200 juifs en Pologne et 290 000 au royaume Unis, où 3% des britanniques souffrent de la maladie, et interrogerons sur le silence fait concernant le départ vers Israël de tant de Juifs de France : l’enquête aurait-elle omis de sonder certains français, puisque selon ses résultats, nos compatriotes seraient globalement moins enclins aux préjugés antisémites que la moyenne des autres pays européens sondés, sauf en ce qui concerne l’idée d’un « complot juif ».
Voici le détail de l’enquête qui prétend mesurer le degré du mal, soit l’antisémitisme primaire, secondaire ou encore celui lié à Israël.
« Les Juifs ne seront jamais capables de s’intégrer pleinement dans la société »
Moyenne européenne : 17 % des Européens interrogés approuvent globalement cette idée. Seulement 11 % des Français sont d’accord avec cette affirmation. 72 % des répondants n’y croient pas.
« Ce serait mieux si les Juifs quittaient le pays »
Moyenne européenne : 8 % des Européens interrogés approuvent globalement cette idée. 71 % la rejettent. Seulement 4 % des Français sont d’accord avec cette affirmation. 88 % des répondants sont plutôt contre.
« Il existe un réseau juif secret qui influence les affaires politiques et économiques dans le monde »
20 % des Européens interrogés approuvent cette idée. 39 % la rejettent. 25 % des Français sont d’accord avec cette affirmation, – ce qui est au-dessus de la moyenne européenne- , 45 % des répondants n’y croient pas.
« Les Juifs exploitent le statut de victime de l’Holocauste à leurs propres fins »
20 % des Européens interrogés approuvent cette idée. 53 % la rejettent. 13 % des Français sont d’accord avec cette affirmation. 68 % des répondants n’y croient pas.
A noter : Selon le sondage, 24 % des Roumains, 23 % des Grecs, 21 % des Hongrois, ainsi que 20 % des Polonais et des Français sont d’accord ou plutôt d’accord avec l’affirmation selon laquelle le nombre de victimes juives de la Shoah est inférieur aux chiffres communément admis.
Sur le devoir de mémoire, 43 % des Autrichiens et 28 % des Allemands estiment que, quatre-vingts ans après les faits, il faudrait moins parler de la Shoah, alors qu’en France, en Suède ou aux Pays-Bas, environ huit personnes sur dix estiment qu’il est important de garder la mémoire des persécutions.
« Les Israéliens se conduisent comme des nazis avec les Palestiniens »
24 % des Européens interrogés approuvent cette idée. 29 % la rejettent. 24 % des Français sont d’accord avec cette affirmation, soit exactement la moyenne européenne. Quelque 37 % des répondants n’y croient pas.
La politique israélienne à l’égard des Palestiniens expliquerait pour 27 % d’Européens la « haine des juifs », chiffre montant à 37 % en France et en Autriche, 32 % aux Pays-Bas ou en Slovaquie.
Niveau de « sympathie envers les Juifs : Intéressant encore, le clivage apparaissant dans le niveau de « sympathie envers les juifs » : les Polonais par exemple affichent à 79% de la « sympathie » pour Israël, et à 36% pour les Juifs.
A cette enquête qui vient encore nous parler du retour d’un antisémitisme d’extrême droite décomplexé et qui nie ce qui porte le nom de nouvel antisémitisme, nous redemandons avec force, face à l’affirmation qui ferait que les citoyens des pays de l’Europe de l’Ouest seraient plus enclins à pointer du doigt la politique d’Israël envers les Palestiniens, si nos Territoires français, perdus ou désormais conquis, ont été sondés…
L’enquête recense aussi pour chaque pays le nombre d’agressions subies par les personnes juives. « Même si le niveau général du préjugé est bas dans les pays de l’ouest, le nombre d’agressions est très haut. Par exemple, le préjugé antisémite en Hongrie, est très élevé, dans les plus hauts niveaux, mais dans le même temps, le nombre d’attaques est le plus bas », commente Shlomo Koves, qui explique ce paradoxe par la présence présumée plus importante d’islamistes radicaux : « Nous savons que la plupart de ces agressions antisémites viennent d’une minorité, mais elle est assez grande pour provoquer des problèmes de sécurité. Dans ces pays, il y a une grande communauté musulmane. Une minorité est extrémiste islamiste, prête à mener des agressions antisémites ».
Des résultats ne permettant pas de tirer des constats généraux par pays, d’autant qu’une quinzaine de pays européens ne recensent toujours pas les actes antisémites.
Rappelons que, régulièrement interpellée sur ces questions puisque 44 % des jeunes Juifs européens ont été victimes d’antisémitisme, la Commission européenne a rendu publique le 5 octobre sa stratégie de lutte contre l’antisémitisme pour les dix prochaines années, s’engageant à soutenir la mise en place d’un réseau européen d’experts, se proposant, en 2022, de financer à hauteur de 24 millions d’euros la sécurité des lieux de culte et des lieux publics, et enfin s’engageant à soutenir la création d’un réseau de lieux témoins des persécutions juives durant la seconde guerre mondiale, un Européen sur vingt n’ayant jamais entendu parler de la Shoah.
Pour rappel, en France, où 339 actes antisémites auraient été dénombrés en 2020 par la Fondation pour la mémoire de la Shoah, les publications antisémites ont été multipliées par sept entre les deux premiers mois de 2020 (pré-pandémie) et ceux de 2021, et celles en langue allemande ont été multipliées par 13, selon une étude de la Commission.
Enfin, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, 9 Juifs sur 10 estiment que l’antisémitisme a augmenté dans leur pays et 38 % ont envisagé d’émigrer pour être davantage en sécurité : l’Agence juive a enregistré une augmentation des demandes d’immigration et entre janvier et mai 2021, près de 620 Juifs européens sont partis en Israël, ce qui représente une augmentation de 172% par rapport à l’année 2020 et +67% par rapport à 2019.
A noter : En accueillant, ce jour 13 octobre, à Malmö, les représentants d’une cinquantaine de pays, dont Antonio Guterres, Ursula von der Leyen et Isaac Herzog, au cours d’un forum international sur l’antisémitisme intitulé « Remember – React », le premier ministre social-démocrate Stefan Löfven entend démontrer sa volonté d’endiguer la maladie. Pour rappel, le choix de Malmö n’est en rien un hasard : quand en 1943 l’armée allemande a occupé le Danemark, c’est par Malmö que les Juifs danois ont fu, et c’est aussi à Malmö que sont arrivés en 1945 à bord des fameux « bus blancs », 15 000 survivants des camps de concentration.
Pour info, l’enquête, présentée à la veille d’un nouveau forum international contre l’antisémitisme à Malmö en Suède organisé par le Congrès juif mondial et au début de la Conférence des dirigeants communautaires de l’Association juive européenne à Bruxelles qui rassemble des dirigeants juifs, des parlementaires et des diplomates venus des quatre coins de l’Europe, a été réalisée par l’Institut Ipsos en décembre 2019 et janvier 2020 en Allemagne, Autriche, Belgique, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Espagne, Suède et Royaume-Uni, et des premiers résultats avaient été publiés le 24 février 2020.
[1] Le Médecin Malgré Lui. Molière. Acte II. Scène IV
[2] L’APL est née en 2012 en Hongrie à la suite de l’accession au Parlement d’un parti ouvertement antisémite. Son objectif, via cette première enquête croisée avec des chiffres de violences physiques ou verbales, est d’alimenter une carte du continent donnant un indice de « dangerosité » pour les Juifs et de peser sur les législateurs.
Sarah Cattan
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