Emmanuel Macron a chargé une commission de scientifiques de rendre un rapport sur le complotisme. L’historien Maxime Tandonnet considère qu’il n’appartient pas à l’État et à une quinzaine de chercheurs d’établir la vérité.
«Le ministère de la vérité – Miniver en Novlangue – frappait par sa différence avec les objets environnants […] Le ministère de la vérité comprenait, disait-on, trois mille pièces au niveau du sol [Il] s’occupait des divertissements, de l’information, de l’éducation et des beaux-arts».
Bien sûr, la France actuelle n’a rien d’une dictature ou d’un système totalitaire à l’image de celui décrit par George Orwell dans son chef-d’œuvre 1984. Pourtant, il est légitime de s’interroger sur l’instauration, par le pouvoir politique français, d’une institution publique chargée de départager le vrai du faux et d’exprimer une vérité officielle qui renvoie, en un écho même très lointain et édulcoré, à l’image du fameux » Ministère de la vérité » du romancier britannique. Il est particulièrement surprenant que des esprits cultivés, ayant probablement lu cet ouvrage, n’aient d’ailleurs pas songé à effectuer un tel rapprochement.
Cette commission dite anti complotiste est intitulée « les Lumières à l’ère numérique« .
Sa mission est de préparer « des propositions complètes dans le champ de l’éducation, de la régulation de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation« . Elle est donc chargée de débusquer les fausses informations notamment circulant sur Internet et de faire des propositions au gouvernement pour lutter contre le « complotisme ». Elle est composée de 13 « scientifiques » dont son président, le sociologue M. Gérald Bronner.
La démarche soulève d’évidentes interrogations. En démocratie, l’État a-t-il à intervenir pour définir une sorte de vérité officielle ? Si la question est de pourfendre certaines aberrations liées à l’histoire – du style l’homme ne serait jamais allé sur la lune –, c’est faire insulte au bon sens populaire que de s’en remettre à une commission pour rappeler aux Français des vérités qui s’apprennent à l’école primaire.
Si son objectif est de lutter contre le prétendu complotisme dans la sphère quotidienne et politique, elle est franchement discutable. Elle consisterait à vouloir imposer une vérité, telle que la conçoivent à un moment donné les élites politiques, médiatiques et intellectuelles, contre le sentiment populaire, au risque parfois d’entraîner la collectivité dans l’erreur ou le mensonge.
Un exemple récent vient aussitôt à l’esprit. Le 19 février 2020, la célèbre revue scientifique et médicale The Lancet « condamnait le plus fermement les théories du complot suggérant que le Covid 19 n’a pas d’origine naturelle« .
En France comme ailleurs, il était alors admis dans les milieux dirigeants ou influents que l’idée de la provenance du Covid 19 d’un laboratoire constituait la quintessence du «complotisme» à l’image de la chaîne LCI le 9 avril 2020 : « Complotisme : pourquoi autant de Français pensent-ils que le virus a été conçu en laboratoire ? Alors que le Covid 19 est arrivé avec son lot de complots, un sondage IFOP a montré que la plus populaire d’entre elles était approuvée par un Français sur quatre ».
De fait la démarche relève ainsi de l’idéologie du mépris qui caractérise la politique française depuis quelques années.Maxime Tandonnet
Or, les plus hauts dirigeants occidentaux comme les scientifiques reconnaissent aujourd’hui que cette origine est plausible à l’image de David Asher, chargé d’une enquête par le Département d’État américain : « La fuite d’un laboratoire, à ce stade, c’est la seule théorie qui ait du sens » ( Figaro, 4 juin 2021).
Les supposés complotistes avaient-ils raison ? Qu’aurait dit en 2020 la commission dite anti-complotiste à ce sujet ? Sans doute la même chose que l’ensemble des élites scientifiques, intellectuelles, dirigeantes…
De fait la démarche relève ainsi de l’idéologie du mépris qui caractérise la politique française depuis quelques années, des « sans-dents » aux « Gaulois réfractaires ». La population de ce pays aurait ainsi, selon cette vision, besoin d’être éveillée par un aréopage d’esprits éclairés, désignés par le pouvoir et chargé de définir une vérité officielle sur des thèmes (comme l’origine du Covid-19) controversés. En d’autres mots, la « vile multitude » aurait besoin d’être éclairée par des gens plus intelligents et plus instruits désignés par le pouvoir…
D’ailleurs, l’air du temps que dégage le discours médiatique dominant aujourd’hui est dans l’ensemble plutôt favorable à ce pouvoir auquel il prête une certaine réussite en matière économique, financière, sanitaire ou sécuritaire. Cette commission sera-t-elle aussi missionnée pour débusquer, en se fondant sur les seuls faits ou l’analyse des statistiques, les contre-vérités et les errements qui émanent de la parole publique et de ses valets ? Rien de moins sûr ; et pourtant, à six mois des élections nationales, elle ferait à cet égard œuvre de salut public…
© Maxime Tandonnet
Fin observateur de la vie politique française et contributeur régulier du FigaroVox, Maxime Tandonnet a notamment publié André Tardieu. L’incompris (Perrin, 2019).
La chape de plomb de la bienpensance pseudo gauchiste eprouve de plus en plus de mal a rester hermetique , la haute bourgeoisie possedante qui maitrisait 100% des outils de communication voit son emprise sur les veaux remise en cause , et elle n aime pas ça 🧐