Lettre à Jessie Bensimon
Chère Jessie, en réponse à ton courrier du début août 2021 dans lequel tu évoques « L’homme aux yeux gris » de Titien, un tableau de années 1540. Tu écris : « Oui, nous pouvons tomber amoureux d’une œuvre d’art ! C’est ce qui m’arriva lors d’un de mes séjours florentins entre 1979 et 1981, au Palazzo Pitti où je découvris le visage de l’homme aux yeux gris de Titien. Jamais je n’en avais vu de reproduction, jamais je n’avais lu quoi que ce soit sur ce portrait. J’avais dix-neuf ans et cet homme devint immédiatement mon frère. Ce que son regard me laissait entrevoir d’interrogations, d’éloignement, d’étrangeté, de douceur également m’appartenait… Un état entre adolescence et grande maturité. Je m’y retrouvais. Il ne m’a jamais quittée ». J’ai contemplé des reproductions de ce portrait que j’avais oublié, je l’ai contemplé en essayant d’éprouver ce que tu avais éprouvé et éprouves encore, un exercice inutile mais qui m’a au moins permis de faire un exercice d’attention. Et ton rapport à ce portrait m’a conduit à interroger ma mémoire et à y trouver une émotion aussi particulière et durable face à un portrait – ou des portraits. J’ai trouvé sans m’efforcer : certains portraits féminins du Fayoum (Ier siècle – IVe siècle ap. J.-C.), des peintures à l’encaustique sur bois, dont celui qui a longtemps été surnommé « L’Européenne » (IIe siècle ap. J.-C.) exposé au Musée du Louvre et un autre exposé au British Museum. Cette émotion se confirma lorsque j’appris que ces portraits représentaient le visage de défuntes et qu’ils étaient placés au niveau du visage des momies, dans le très complexe enroulement de bandelettes et maintenus par elles, comme si ces visages nous contemplaient encore alors que le corps pris dans un caparaçon de tissu était parti dans l’Au-delà. « L’homme aux yeux gris » par Le Titien Ces nombreuses peintures sont de qualité très diverse, et certaines sont même plutôt médiocres ; elles n’en sont pas moins émouvantes. Les portraits que j’ai placés en reproduction ne m’ont jamais quitté. Pourquoi ? Je ne sais. Peut-être parce qu’ils définissent un type de femme. Mais alors comment le définir ? Comment définir la fascination – le mot n’est pas trop fort – qu’exercent sur moi certains de ces portraits ? J’y vois tout d’abord un mélange de douceur et de majesté, de majesté douce, de douceur majestueuse, un je-ne-sais-quoi d’amical et de maternel, une force protectrice qui accompagne celui qui les regarde. Ces femmes font de moi un Tamino et je les vois comme autant de Pamina, Pamina de l’opéra de Mozart, « Die Zauberflöte » ; oui, c’est exactement cela ! Un portrait du Fayoum Cordoue J’y reviens souvent par le souvenir. Lorsque le monde urbain me semble sale et encombré (une impression qui revient souvent, de plus en plus souvent), je m’en retourne volontiers à Cordoue par la pensée, et comme malgré moi – c’est comme si cette ville ne cessait de me protéger des autres villes. Je revois le pavé sombre, tôt le matin, passé au jet d’eau par les services de la voirie, les géométries des façades passées à la chaux et un ciel bleu parfaitement monochrome. Je pousse la porte d’une bodega. Me vient l’odeur des tonneaux en chêne (roble) et je revois le Montilla-Moriles versé dans un petit verre à pied qui s’emperle, un vin clair au léger goût d’amande, celui de la Bodega Guzmán en particulier, calle Judíos, devant la synagogue, un Montilla-Moriles légèrement vert. Ce vin, deux-trois petits verres, donnait aux plus timides une irrépressible envie de danser. J’ai spontanément imaginé, maladroitement, une danse mêlant le sirtaki (Anthony Quinn dans « Zorba the Greek ») et une danse hassidique (Louis de Funès dans « Les Aventures de Rabbi Jacob »).Tu écris : « J’allais te répondre que parce qu’elles n’étaient pas idéologiques, les guérillas tribales faisaient moins de morts et étaient moins durables que les affrontements dogmatiques de la modernité. Mais tu m’apprends le contraire. Cependant ces polythéistes échangeaient leurs dieux avec une remarquable souplesse car en fait ces entités leur en demandaient peu ». Je n’ai rien à t’apprendre et comme toi je m’interroge sur les bienfaits – et les méfaits – comparés du polythéisme et du monothéisme, plus exactement des polythéismes et des monothéismes. Mais ce n’est pas en nombre de victimes qu’il nous faut raisonner. Et je ne suis pas certain que les dieux (ou déesses) du polythéisme en demandaient peu ; certain(e)s étaient avides de sacrifices et les superstitions n’aidaient pas la vie. Le monothéisme a ouvert un espace implacablement différent ainsi que tu l’écris : « Fini la légèreté et ses arrangements ! Fini la superstition et ses accommodements ! Nous sommes dans la rationalité. Nous sommes face à nous-mêmes dans la responsabilité la plus intimidante que nous apporte cette liberté. Tu le dis très bien, le judaïsme est rationnel et radical ». Tout d’abord, le judaïsme a-t-il vraiment été le premier monothéisme ? Il ne s’agit pas de remettre en question la puissance dirais-je tellurique ou nucléaire (je compare volontiers le judaïsme à une centrale nucléaire par l’énergie qu’il fournit) du judaïsme et ses prestiges, mais peut-il être considéré comme le premier monothéisme du monde ? Je suis porté à le croire sans en être radicalement certain ; et je pense à l’Égypte d’Akhenaton ou au mazdéisme avec Ahura Mazda. Dans tous les cas ce sont les Hébreux qui ont donné à ces ébauches (?) monothéistes ce fini de diamant taillé. Les Hébreux (comme tout peuple vivant et bien vivant) ont absorbé bien des influences, dont celles de l’Empire achéménide sous Cyrus le Grand. Ce fait me rend envisageable une amitié entre Perses et Juifs, entre l’Iran et Israël. Les uns et les autres se regardent les yeux dans les yeux, à une même hauteur ; rien à voir avec les Arabes qui masquent leur sentiment d’infériorité sous des colères et des dénonciations grossières qui les enivrent et leur fait croire à une éclatante supériorité. « La Vierge voilée » de Giovanni Strazza L’héritage monothéiste est là, le juif en particulier et je dois dire que je ne m’ennuie jamais avec lui, que je dois sans cesse varier les mouvements de la pensée, ce qui produit des compositions – et des impressions – toujours nouvelles, comme dans un kaléidoscope. Bref, je m’ennuie moins avec le judaïsme que partout ailleurs, notamment avec ces vieux nihilistes qui pensent nous donner le vertige. Et je pense en particulier à Roland Jaccard (il ne fait que flirter avec le nihilisme) qui vient de quitter volontairement ce monde. Ce n’est pas un hasard si ce monsieur plus ou moins mis dans la psychanalyse et auteur d’aphorismes joliment tournés (Cioran fut son maître) s’est employé à chercher dans le judaïsme et le monde juif tout ce qui s’inscrit en négation. Il le fait non pas par antisémitisme mais par inclinaison philosophique ou, plus simplement, par tempérament, parce qu’il lui faut alimenter cette locomotive à bord de laquelle il roule, soit alimenter la boîte à feu. Ainsi, parmi les Juifs qui l’auront le plus intéressé, citons Theodor Lessing, auteur de « La haine de soi – Le refus d’être juif » (jüdischer Selbsthaß).Je connais un peu les écrits de Roland Jaccard (ils ne me passionnent guère même si j’en reconnais la qualité) et j’ai eu très vite la conviction que s’il s’intéressait au monde juif il nous servirait au moins Theodor Lessing, Arthur Trebitsch et Otto Weininger. Je ne m’étais pas trompé. Ils s’inscrivent en négatif, en creux pourrait-on dire, des cas. Theodor Lessing, soit le rejet absolu du judaïsme au profit de la germanité. Arthur Trebitsch quant à lui était atteint de délires antisémites et Hitler l’appréciait grandement. Bref, Roland Jaccard chinait et rapportait des histoires qu’il servait à ses lecteurs et probablement à ses invités, une anthologie du bizarre nappée de sauce psychanalytique.Mais j’en reviens à ta lettre. Tu es donc d’accord avec ce que j’écris dans ma précédente lettre : « Plus j’étudie le judaïsme moins je comprends ce que le christianisme et l’islam ont apporté ». Je le dis sans vouloir blesser quiconque. C’est un cri du cœur si je puis dire.Tu as raison, les grandes religions dont le christianisme ont produit une immensité d’œuvres splendides. Tu écris : « Mais comme tu le dis, quelles civilisations ! Quels apports esthétiques et ô combien nous en sommes construits ! C’est dans tout cela que nous nous débattons, pour ma part en tout cas, cherchant à comprendre pourquoi tant de beauté n’est pas parvenue à nous unifier. Elle m’exalte pourtant toute cette beauté et elle me rendrait presque mystique ». J’éprouve ce que tu éprouves, mais… « La Pureté » d’Antonio Corradini Tu poses la question : « Pourquoi tant de beauté n’est-elle pas parvenue à nous unifier ? ». Je ne sais que te répondre mais je te pose une question qui va dans le même sens : Pourquoi des massacreurs nazis essuyaient-ils des larmes lorsqu’ils écoutaient Mozart et d’autres musiciens que nous aimons ? Autrement dit et pour aller dans ton sens : Pourquoi leur amour de telles musiques ne les a-t-il pas empêchés de commettre de tels massacres ? L’extraordinaire délicatesse de la culture japonaise (tu connais ma passion pour l’estampe japonaise) n’a pas empêché les Japonais de commettre des atrocités massives, notamment envers les Chinois, dont les massacres de Nankin. Comment un peuple qui a créé de tels jardins a-t-il pu organiser des unités comme l’Unité 731 et autres unités de ce type organisées au fur et à mesure de l’expansion de l’Empire ? Je ne sais que te répondre. J’en reviens à ce gigantesque patrimoine artistique et civilisationnel laissé par le christianisme, pour ne citer que lui. Comme toi je me demande pourquoi de telles richesses ne nous unissent pas durablement. Dans mon cas pourtant, et depuis des années, cette prestigieuse production ne me suffit plus. Et c’est surtout chez les penseurs juifs que j’ai trouvé un autre espace qui m’aide. Les monuments du judaïsme sont dans les livres. Si j’ai toujours autant de plaisir à contempler un vitrail gothique ou une fresque romane, j’ai toujours plus de plaisir à lire et à écouter les penseurs religieux juifs. Un abrazo querida amiga. PS. Je reviens aux fascinations. Tu connais ces trois merveilles : « La Vierge voilée » de Giovanni Strazza, « La Pudeur » et « La Pureté » d’Antonio Corradini et « Le Christ voilé » de Giuseppe Sanmartino. © Olivier Ypsilantis https://zakhor-online.com/?p=20818 |
Je connais la France — j’ai grandi dans sa culture — son raffinements et ses préjugés j’y ai vécu plusieurs années.
Aujourd’hui je la trouve coincée dans le divertissement et la gastronomie…
Dieu a disparu de son paysage comme dans presque toute l’Europe à part la Pologne ou la Russie … Ma conscience spirituelle dérange —, elle crée un malaise partout…
En Israël la spiritualité et monopolisée par la religion…
Les religieux orthodoxes prennent l’art pour du paganisme alors qu’il est aussi une spiritualité, un questionnement de l’histoire, le tissage de soi et de l’autre…
L’art est la texture vibrante de l’humanité… Avec au-dessus de la tête quelque chose d’invisible qui donne substance et vie à la matière .
En Europe la culture est devenue un cliché de la représentation de l’égo —,non pas le sublime mais le miroir narcissique de soi…
Créer consiste à faire étalage de sa vie quotidienne — le dépotoir des formes — le cimetière de l’immense héritage de la création européenne quand elle était croyante ou révoltée.
À part Akhmatova et Maïakovski le marxisme n’a engendré aucune poésie – aucun art majeur — la gauche idéologique est un ramassis de culpabilité mortifère… sourde et aveugle des nuances de la vie…
La France et l’Europe centrale sont les parents géniaux de la modernité mais la post-modernité est devenue une soupe de reflets virtuels de soi sous un ciel vide!
Et ça m’ennuie profondément: un formalisme creux.
À partir du moment où la France a perdu son empire elle s’est rétrécie sur elle-même dans la crainte –, elle a laissé grossir ses islamistes par culpabilité coloniale et opportunisme électoraliste … La gauche aime les victimes – elle pouvait supporter les juifs quand ils étaient des victimes de la Shoah mais aujourd’hui alors qu’Israel est un lieu de création scientifiques et technologiques qui illumine l’Humanité entière la France de gauche et de droite est jalouse elle n’accepte pas la résurrection des juifs. Elle ne bouge pas devant l’antisémitisme. La France aime les faibles c’est pour ça qu’elle se met à plat ventre devant l’Afrique sans rien lui apporter.
Comme vous j’ai des œuvres fétiche J’ai devant les fresques de Masacio à Florence les aquarelles de Rodin la vision miniature de Lorenzetti de Sienne à la pinacothèque de Sienna et un petit paysage nocturne au château de Wawel de Krakovie en Pologne J’ai vu des milliers d’œuvres d’art de toutes les civilisations dont une trentaine de portraits à la cire de Fatoumata au Métropolitain de New York. Et le drapé sur les visages sculptés qui vous bouleversent que disent-ils sinon qu’ils sont un linceul sur des visages de femme .., Je leur préfère les sculptures filiforme des Étrusques qui ont tant inspiré Giacometti … et que dire de ces visages abstraits des Cyclades qui préfigurent de 3000 ans des sculpture de Arp et et les abstraction cubistes de Picasso
La pensée juive talmudique appelle Yafet la civilisation grecque Yafet qui en hébreu signifie la Beauté Et voilà ce qui diffère le génie d’Israël de toute la beauté occidentale qui pour faire vite trace une victoire sur la mort Toute oeuvre née de la civilisation de Yafet sont rituel qui tente d’exprimer d’effacer en même temps notre finitude La Bible nous dit clairement : « La mort et la vie se présenteront à toi Tu choisiras la vie » C’est ce qui sépare le peuple Juif des autres peuples.
La beauté est une célébration de la vie à même la vie. À 22 ans ( j’en ai 78 ) je fis un voyage en Pologne 20 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Dans le Pavillon des femmes No 5 de Birkenau à gauche du quai qui entrait dans ce camps de la mort. Oui l’herbe avait repoussé comme dit Alain Resnais, mais les murs du Pavillon des femmes étaient couverts de milliers de grafitti et même de dessins humoristiques comme un petit juif qui coure avec un bâton après son Kapo effrayé Et des messages en plusieurs langues des adresses des No de téléphone et puis sur un mur, en polonais une lettre d’une jeune femme écrite à l’encre violette (!) : « Mon amour quand tout cela sera fini je te retrouverai à la fontaine que tu connais et je serai ton épouse et me donnerai à toi, Jadviga (son prénom) Au milieu de l’enfer et de l’odeur de chair brûlée qui couvrait le camp, cette victoire sur la mort, ce message de vie et d’amour murmure d’une valeur emblématique plus puissante et prégnante que tous les chefs-d’œuvre que je côtoie depuis soixante ans.
Au milieu de la mort ces quelques mots effacent les larmes de officiers nazi en écoutant Mozart. Quand j’écoute Mozart je ne pleure pas j’ai en face de moi le visage muet de cette jeune juive famélique qui clame son amour.
Version 2 simplifiée et corrigée Merci:
L’art est la texture vibrante de l’humanité… Avec au-dessus de la tête quelque chose d’invisible qui donne substance et vie à la matière . En Europe la culture est devenue un cliché de la représentation de l’égo —,non pas le sublime mais le miroir narcissique de soi…
À part Akhmatova et Maïakovski le marxisme soviétique n’a engendré aucune poésie – ni aucun art majeur — la gauche idéologique est un ramassis de culpabilité mortifère… sourde et aveugle des nuances de la vie… La France et l’Europe centrale sont les parents géniaux de la modernité mais la post-modernité est devenue une soupe de reflets virtuels de soi sous un ciel vide!
Et ça m’ennuie profondément: un formalisme creux. À partir du moment où la France a perdu son empire elle s’est rétrécie sur elle-même dans la crainte –, elle a laissé grossir ses islamistes par culpabilité coloniale et opportunisme électoraliste … Elle ne bouge pas devant l’antisémitisme.
Comme vous j’ai des œuvres fétiches. J’ai été tremblant d’admiration devant les fresques de Masaccio à Florence, les aquarelles de Rodin, la vision miniature de Lorenzetti de Sienne à la pinacothèque de Sienna et un petit paysage nocturne de Rembrandt au château de Wawel de Krakovie en Pologne. J’ai vu des milliers d’œuvres d’art de toutes les civilisations dont une trentaine de portraits à la cire des tombes gréco- égyptiennes de Fayoum au Métropolitain de New York. Et le drapé sur les visages sculptés qui vous bouleversent tant que disent-ils sinon qu’ils sont un linceul sur des visages de femme … Je leur préfère les sculptures filiforme des Étrusques qui ont tant inspiré Giacometti … et que dire de ces visages abstraits des Îles Cycladiques en Grèce qui préfigurent voilà 3000 ans les sculptures de Arp et les abstractions cubistes de Picasso
La pensée juive talmudique appelle Yafet la civilisation grecque Yafet en hébreu signifie la Beauté Et voilà ce qui diffère le génie d’Israël de toute la beauté occidentale qui, pour faire vite, trace une victoire sur la mort Toute oeuvre née de la civilisation de Yafet sont des rituels qui tentent d’exprimer et d’effacer en même temps la conscience de notre finitude. En Occident la beauté cohabite avec la mort. La Bible nous dit clairement : « La mort et la vie se présenteront à toi. Tu choisiras la vie »
C’est ce qui sépare le peuple Juif des autres peuples. La beauté est une célébration de la vie à même la vie. À 22 ans ( j’en ai 78 ) je fis un voyage en Pologne 20 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Dans le Pavillon des femmes No 5 de Birkenau à gauche du quai qui entrait dans ce camps de la mort. Oui l’herbe avait repoussé comme dit Alain Resnais, mais les murs du Pavillon des femmes étaient couverts de milliers de grafitti et même de dessins humoristiques comme un petit juif qui coure avec un bâton après son Kapo effrayé Et des messages en plusieurs langues des adresses des No de téléphone et puis sur un mur, en polonais une lettre d’une jeune femme écrite à l’encre violette (!) : « Mon amour quand tout cela sera fini je te retrouverai à la fontaine que tu connais et je serai ton épouse et me donnerai à toi, Jadviga (son prénom) Au milieu de l’enfer et de l’odeur de chair brûlée qui couvrait le camp, cette victoire sur la mort, ce message de vie et d’amour murmure d’une valeur emblématique plus puissante et prégnante que tous les chefs-d’œuvre que je côtoie depuis soixante ans.
Au milieu de la mort ces quelques mots effacent les larmes de officiers nazis en écoutant Mozart. Quand j’écoute Mozart je ne pleure pas j’ai en face de moi le visage muet de cette jeune juive famélique qui clame son amour.
* L’art est la texture vibrante de l’humanité… Avec au-dessus de la tête quelque chose d’invisible qui donne substance et vie à la matière . En Europe la culture est devenue un cliché de la représentation de l’égo —,non pas le sublime mais le miroir narcissique de soi…
* À part Akhmatova et Maïakovski le marxisme soviétique n’a engendré aucune poésie – aucun art majeur — la gauche idéologique est un ramassis de culpabilité mortifère… sourde et aveugle des nuances de la vie… La France et l’Europe centrale sont les parents géniaux de la modernité mais la post-modernité est devenue une soupe de reflets virtuels de soi sous un ciel vide!
* Et ça m’ennuie profondément: un formalisme creux. À partir du moment où la France a perdu son empire elle s’est rétrécie sur elle-même dans la crainte –, elle a laissé grossir ses islamistes par culpabilité coloniale et opportunisme électoraliste … Elle ne bouge pas devant l’antisémitisme.
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* Comme vous j’ai des œuvres fétiches J’ai été tremblant d’admiration devant les fresques de Masaccio à Florence, les aquarelles de Rodin, la vision miniature de Lorenzetti de Sienne à la pinacothèque de Sienna et un petit paysage nocturne de Rembrandt au château de Wawel de Krakovie en Pologne. J’ai vu des milliers d’œuvres d’art de toutes les civilisations dont une trentaine de portraits à la cire des tombes gréco- égyptiennes de Fayoum au Métropolitain de New York. Et le drapé sur les visages sculptés qui vous bouleversent tant que disent-ils sinon qu’ils sont un linceul sur des visages de femme … Je leur préfère les sculptures filiforme des Étrusques qui ont tant inspiré Giacometti … et que dire de ces visages abstraits des Îles Cyclades qui préfigurent voilà 3000 ans les sculptures de Arp et les abstractions cubistes de Picasso
* La pensée juive talmudique appelle Yafet la civilisation grecque Yafet en hébreu signifie la Beauté Et voilà ce qui diffère le génie d’Israël de toute la beauté occidentale qui, pour faire vite, trace une victoire sur la mort Toute oeuvre née de la civilisation de Yafet sont des rituels qui tentent d’exprimer et d’effacer en même temps la conscience de notre finitude. En Occident la beauté cohabite avec la mort. La Bible nous dit clairement : « La mort et la vie se présenteront à toi. Tu choisiras la vie »
* C’est ce qui sépare le peuple Juif des autres peuples. La beauté est une célébration de la vie à même la vie. À 22 ans ( j’en ai 78 ) je fis un voyage en Pologne 20 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Dans le Pavillon des femmes No 5 de Birkenau à gauche du quai qui entrait dans ce camps de la mort. Oui l’herbe avait repoussé comme dit Alain Resnais, mais les murs du Pavillon des femmes étaient couverts de milliers de grafitti et même de dessins humoristiques comme un petit juif qui coure avec un bâton après son Kapo effrayé Et des messages en plusieurs langues des adresses des No de téléphone et puis sur un mur, en polonais une lettre d’une jeune femme écrite à l’encre violette (!) : « Mon amour quand tout cela sera fini je te retrouverai à la fontaine que tu connais et je serai ton épouse et me donnerai à toi, Jadviga (son prénom) Au milieu de l’enfer et de l’odeur de chair brûlée qui couvrait le camp, cette victoire sur la mort, ce message de vie et d’amour murmure d’une valeur emblématique plus puissante et prégnante que tous les chefs-d’œuvre que je côtoie depuis soixante ans.
* Au milieu de la mort ces quelques mots effacent les larmes de officiers nazi en écoutant Mozart. Quand j’écoute Mozart je ne pleure pas j’ai en face de moi le visage muet de cette jeune juive famélique qui clame son amour
Ils n’auraient peut-être pas essuyé de larmes si Mozart avait été russe, français ou italien…