Ce Français de 27 ans, doctorant en neurosciences à l’Université de Lausanne, a remporté hier 30 septembre la finale internationale du concours francophone d’éloquence et de vulgarisation. Amateur de théâtre, il aimerait plus tard se consacrer à la médiation scientifique.
Depuis qu’il a 4 ans, Yohann Thenaisie fait du théâtre. Au fil des années, il s’est initié à l’improvisation, à la comédie musicale, au bouffon, au clown, au cinéma… Bref, il a l’habitude de monter sur scène. Mais ce 30 septembre 2021, son passage sur les planches, à Paris, avait un enjeu particulier. Son défi : résumer trois ans de recherche en trois minutes dans le cadre de la finale internationale de « Ma thèse en 180 secondes ».
Ce concours permet à des doctorants et jeunes chercheurs de présenter leur projet de recherche en français et en termes simples à un public de non initiés. Au total, 24 finalistes issus de toute la Francophonie s’affrontaient lors de cette 8e édition. Et c’est lui, Français installé en Suisse, qui l’a emporté.
L’intitulé de sa thèse ? « Implémentation d’un protocole de stimulation cérébrale profonde adaptatif ciblant les troubles de la marche dans la maladie de Parkinson. » En d’autres termes, ses recherches consistent à « connecter le cerveau des gens atteints par Parkinson à une intelligence artificielle pour les aider à mieux marcher », résume le thésard à la silhouette longiligne.
Pour ce féru de vulgarisation scientifique, prendre part à ce concours a un intérêt particulier : « Voir dans les yeux des gens auxquels j’explique ma thèse l’émerveillement que j’avais moi aussi quand je l’ai commencée. »
Scientifique en herbe
Celui qui a grandi à Saint-Branchs, un village près de Tours, est passionné par les sciences depuis l’enfance. Petit, il aimait tester des expériences avec des kits de chimie, lire Science & Vie junior et manipuler des microscopes. Côté scolarité, il raconte avoir été « l’intello qui se met au premier rang ». Fils de vétérinaires, il a suivi leur voie. « Mes parents ont fait un bac S, une prépa et une grande école. J’en ai fait de même ensuite. Je suis un pur produit du déterminisme social », explique-t-il.
Après trois ans de classe préparatoire à Poitiers, il intègre l’Ecole Normale Supérieure de Lyon en biologie. En 2017, il s’installe à Lausanne pour effectuer une année de spécialisation en neuroprothèses à l’Ecole Polytechnique Fédérale.
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Pourquoi partir chez nos voisins helvètes ? « Il y a là-bas un très gros pôle de neuroprothèses avec d’excellents professeurs au niveau mondial », indique-t-il. Un an plus tard, il commence sa thèse au sein de l’Université de Lausanne. Et décide, en 2020, de tenter sa chance au concours d’éloquence.
Une « simple » recette à appliquer !
Au moment de sa prestation, il connaît son texte sur le bout des doigts. Rien n’est laissé au hasard. « La gestuelle est travaillée, le regard aussi, détaille-t-il, tout de noir vêtu, à l’exception de bretelles blanches. Les doctorants suisses ont été très bien accompagnés par l’Université de Lausanne et la Conférence universitaire de Suisse occidentale. La préparation s’est faite avec des comédiens, des communicateurs scientifiques professionnels, des graphistes, des journalistes, des sophrologues… »
La clé de son succès ? « Je suis une recette : je commence par un hameçon pour intéresser les gens, je fais appel à l’émotion et cale ensuite des faits scientifiques. J’utilise une métaphore pour passer des messages scientifiques compliqués sous une forme accessible au public. Je raconte une histoire. Et à la fin, je boucle le sujet avec un message d’espoir », éclaire-t-il.
Des jeux de rôle grandeur nature
Il reconnaît que sa passion pour le théâtre l’a bien aidé : « Etre sur scène est une épreuve mais cela m’est plus familier qu’à d’autres candidats. » Car après ses journées au laboratoire, le doctorant passe ses soirées à faire du théâtre.
Ses week-ends, eux, sont occupés par des jeux de rôle grandeur nature. Le concept ? « S’immerger dans un personnage et vivre un truc hors du temps, avec dix ou vingt personnes, sans public. Ce sont des expériences folles, parmi les plus intenses de ma vie », s’enthousiasme-t-il. Il raconte avoir ainsi « vécu » dans le futur dans des vaisseaux spatiaux, au Moyen Âge ou pendant l’occupation de la Seconde Guerre mondiale.
Sa victoire au concours lui permet d’empocher 1.500 euros. Au-delà de cette somme, il espère que cela lui « apportera des opportunités en médiation scientifique », sourit-il. Car une fois sa thèse soutenue en 2022, il aimerait se consacrer à la vulgarisation. Comment ? Il a plusieurs idées en tête : « avec le journalisme scientifique, la création d’émissions à la télé ou en étant prof », énumère-t-il. Ou bien « en créant des expériences immersives qui mêleraient théâtre et sciences ». Pas étonnant.
À NOTER
Paul Dequidt, doctorant à l’Université de Poitiers, représentait la France. Il n’a pas terminé sur le podium.
La 2e place a été attribuée à Aminata Sourang Mbaye Diouf. Elle représentait le Sénégal avec pour sujet « La transmission des entreprises familiales au Sénégal ».
En 3e position, Manhougbe Probus A. Farel Kiki, du Bénin. L’objet de sa thèse : « Capteurs et réseaux intelligents de surveillance en environnement agricole : application à la chenille légionnaire d’automne en Afrique de l’Ouest. »
Enfin, le prix du public a été remis à Prince Makay Bamba de République Démocratique du Congo pour son « Décryptage des troubles du développement en Afrique Centrale ».
© Chloé Marriault
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