S’il est un prénom que nous associons naturellement à celui de Gustav Mahler, c’est bien celui d’Alma, son épouse de vingt ans sa cadette.
En revanche, qui connaît le nom de Natalie Bauer-Lechner? Ce fut poutant elle, l’âme soeur de l’immense musicien!
Issue de la bourgeoisie progressiste viennoise, cette brillante altiste, membre d’un quatuor féminin renommé dans cette ville-phare de la Mittle Europa, était moderne en tout: elle divorce à dix-huit ans de son mari veuf et père de trois filles parce qu’il l’étouffait et vit seule.
Elle devient une importante figure des cercles intellectuels qui s’intéressent, les premiers, à la psychanalyse. Ardente féministe, sportive émérite, fréquentant assidûment l’avant-garde politique et artistique, elle est emblématique de ces femmes libres et cultivées qui firent de la Vienne du tournant du XIXème siècle la Capitale des Arts et de Lettres.
En 1876, lors d’une répétition au Conservatoire, elle rencontre le “pauvre juif venu de sa Bohème”, Gustav Mahler, ce compositeur déjà hors du commun malgré son jeune âge (seize ans!). S’ensuit une relation intense, dans laquelle l’admiration se mêle à l’intime, la communion intellectuelle à la passion violente, sous les auspices de la Musique.
Natalie encourage Gustav dans les premières années où il est en butte au mépris des Viennois peu accoutumés à la polyphonie, elle panse ses blessures, elle supporte les accès délirants de son immense narcissisime. Elle se fait alternativement muse, complice, gouvernante, infirmière. Elle se donne entièrement à lui.
Mais, si pour Mahler elle est une “âme soeur”, elle voudrait plus, bien plus, elle voudrait tout…
Mais Mahler ne le souhaite aucunement et six mois avant son mariage avec Alma, il rompt brutalement avec Natalie. Ils ne se reverront plus. Et son nom sera effacé des mémoires par l’entourage du compositeur.
Merci à Evelyne Bloch-Dano qui, en partie grâce aux cahiers que Natalie a tenus durant ces dix ans de vie avec Mahler, a su retracer avec force et élégance cette intimité tissée sur le canevas de la passion pour la musique.
Merci à elle de nous avoir offert ce beau portrait de femme amoureuse, libre, passionnée et d’avoir fait revivre la Vienne éternelle, celle que nous aimons tant, celle qui sut offrir à l’Europe les illustres noms de Mahler, de Freud, de Klimt et de tant d’autres qui scintillent au firmament de notre mémoire intellectuelle, sensorielle et affective.
© Nickie Caro Golse
L’Ame Soeur. Ariane Bloch-Dano. Editions Stock. 360 pages
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