Rome mise à nu
Rome n’a ni la douceur de Florence ni la sensualité de Venise, pas même la passion d’une Naples écartelée entre son goût de Dieu et celui du diable.
Rome est Rome ! Nul besoin pour elle de démontrer sa beauté.
Elle « est » la Beauté ; et puis l’Esprit, et l’Art, l’Amour évidemment parce que née de la volonté d’hommes épris de puissance et d’argent, mais qui jouant dans le patio des dieux, surent, entre barbarie et magnificence, à la fois ensanglanter des terres et y bâtir des chefs d’œuvre pour le seul regard d’une femme qu’ils désiraient éblouir ou posséder.
Rome est l’absolue quintessence de leur démesure, de leur excès et de leur arrogance, de cette folie qui n’appartient qu’aux génies, aux fous, aux poètes et aux petits enfants, qui seule permet de toucher à l’intouchable, et qui à Rome nous est donnée, comme ça, pour le bonheur et la félicité, parce que nous avons la chance d’y être et de regarder, yeux grands ouverts, béats devant l’aptitude à créer et à inventer.
Couleurs, lignes, formes, mouvements, idées, pensées, philosophie, Rome ne porte pas l’Occident, Rome « est » l’Occident comme elle est la Beauté. Une certitude qui nous rattrape au fur et à mesure que nous la découvrons, flamboyante ici, plébéienne là, haute dans le Trastevere, sombre dans les ruelles qui mènent au Campo dei Fiori où le linge qui sèche ensoleille les balcons lépreux.
De l’or des Palais résulte l’intemporelle puissance de Rome, mais de l’approximation des colonnes aux pierres brisées et aux couleurs ternies émerge une autre beauté, plus indulgente et humaine. La même que l’on rencontre dans les bibliothèques et les musées, dans les théâtres et les cafés littéraires où Umberto Ecco, mais Moravia, Fellini et tant d’autres avant eux, laissèrent leurs empreintes sur les livres, les murs et les tables; la trace d’une pensée dont Rome fut, après la Grèce, le plus bel exemple.
Dire Rome en quelques lignes est impossible sans la dénaturer ou épuiser le lecteur, tant de monuments et d’Histoire, de récits épiques, de gloires, de batailles, de conquêtes et de redditions, tant d’inventions…
Mais, si je ne peux vous dire Rome en quelques lignes, je peux quand même vous en dire l’Esprit et l’Humanité.
Au-dessus des Palais, des églises et des enchevêtrements sinueux des vicoli et ruelles, au-dessus des cathédrales et au-dessus des ponts, de l’eau orgueilleuse du Tibre, des fontaines, des places et des statues élevées telles des rivales des Dieux, tout au-dessus de l’altière Rome, est l’odeur poivrée des épicéas. Douce, chaude ou humide selon les heures de la journée, elle tient de la chair et des femmes et donne à Rome cette beauté singulière, qui fait d’elle autre chose qu’une ville de pierres antiques, aimée comme un passé perdu et dont nous demeurons nostalgiques.
Et puis, parce que nous venons de sortir de kippour, que l’identité a la grâce qu’on lui donne et que j’aime toutes mes méditerranées :
à Rome, comme à Jérusalem, Dieu est Juif !
© Louise Gaggini
Ecrivain, journaliste, mais aussi sculpteur et peintre, pianiste, bref une « artiste plurielle ». Diplômée de lettres, d’Histoire de l’Art et de Conservatoire de musique. Auteur de nombreux dossiers pour la presse et la télévision, dont certains ont été traduits par l’Unesco, des organismes humanitaires et des institutions étrangères à des fins d’éducation et de prévention et d’autres furent diffusés par l’EN, Louise Gaggini est l’auteure d’essais et de romans dont La résultante ou Claire d’Algérie et d’un livre d’art pour l’UNICEF: Les enfants sont la mémoire des hommes. Elle est aussi l’auteure d’essais de société, et expose régulièrement, récemment à New York.
elle a publié son premier roman pour littérature jeunesse en 2001, et son premier roman pour adultes en 2004.
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