Chronique du dimanche le cinquième du mois de septembre de l’an de très très grande disgrâce vingt et un. in « Que viennent les jours heureux » ( Blog de l’auteur )
Où il est question de jonglages, de tartarinades et d’une fort sotte lubie.
Notre Fieffé Bonimenteur – qui n’avait jamais oublié son premier métier : il avait été banquier- promit doncques monts et merveilles aux Massaliotes, jonglant avec les écus, lesquels avaient déjà été promis auparavant, cajolant ici et grondant tout aussitôt, selon son cher principe d’enmêmetantisme. Ainsi Sa Cynique Férule somma-t-Elle son féal le baron de la Paillote de réformer au sein des troupes d’agents et de commis de la cité, dont Elle fustigea la fainéantise et le mauvais esprit qui y régnaient, faute de quoi les mannes promises ne ruisselleraient point. La Startupenéchionne prenait désormais les rênes de la cité, laquelle n’avait par le passé que trop souvent défié l’autorité royale. Il en irait de même pour une cinquantaine des escholes : avant de les rebâtir, il fallait les métamorphoser en laboratoires de l’Église du Saint-Capital. Les maitres et les maitresses devraient eux aussi se réformer car tout était de leur faute. Ils n’étaient point capables et étaient atteints de mêmes vices que les commis et les agents. Ainsi avait dit le Roy.
Au lendemain de cette folle journée, on s’embarqua pour une croisière sur la Méditerranée, cependant que la cité était la proie de monstrueux engorgements : certaines des voies et des avenues avaient été interdites d’accès, le cortège royal devant y passer. Quelques jours avant la visite historique, on fit récurer à grands frais ces artères, de même que le faubourg insalubre que Notre Glorieux Financier devait honorer de sa visite. Un adepte de Monsieur Le Nôtre y fut dépêché afin d’embellir des lieux promis par la suite à la destruction. Les autres faubourgs populeux étaient restés aussi malpropres qu’ils l’étaient d’ordinaire.
Un des nombreux maux qui rongeaient la cité était le commerce illicite de haschisch. Devant les argousins de la cité, lesquels faisaient régulièrement des incursions afin de donner l’illusion de vouloir en finir avec les bandes qui vivaient de ce négoce, Sa Martiale Suffisance entonna la vieille antienne si chère à son favori le duc du Dard-Malin : sans demande pour le haschisch, il n’y eût point de trafique et de mauvaises pratiques. La chose était limpide.
«Il faut que tout le monde comprenne dans notre pays que les consommateurs de drogue sont des complices de fait des trafiquants » asséna Notre Poudreux Freluquet. Quelques jours auparavant, une petite bande de ces boutiquiers illicites s’était fait portraiturer par un gazetier sur leur lieu de négoce. « Vous voyez comment fait le Monarc ? On lui obéit là où il passe. Eh ben, nous ici c’est pareil, c’est nous qui décidons qui entre et qui sort. On tient le péage ». Cette fanfaronnade agaça prodigieusement monseigneur le duc du Dard-Malin qui manda tout uniment qu’une troupe d’argousins se rendît sur place et mît tout le réseau hors d’état de nuire. Le duc hérita pour cette opération du doux sobriquet de Tare-Tarin, tant le bilan – dont il se félicita à cor et à cris en cuicuitant à tout va – était maigre : à peine deux livres de chanvre, et quelques grammes d’une autre substance, dont il se murmurait qu’elle était fort en usage non seulement dans les salons dorés de Lutèce,mais aussi dans les couloirs du Château et dans les Chancelleries. La maréchaussée saisit aussi une poignée d’écus, ce qui était fort loin des dizaines de milliers d’écus dont le duc avait quelques jours auparavant affirmé qu’elles étaient les émoluments quotidiens de ces épiciers.
La visite du Roy dans la cité de Phocée se termina en apothéose. Avant de reprendre son aéroplane , Sa Grandeur Intergalactique prononça un autre des ces flamboyants discours à fins d’ inaugurer un grand raout, lequel était digne en tout points qu’il l’honorât de sa parole : « l’évènement environnemental le plus important au monde ». Pendant que notre mère la Terre brûlait ou que des trombes d’eau noyaient bêtes et gens, un aréopage de savants et de hauts dignitaires se congratulait et pérorait à l’infini sur ce qu’il convenait de faire pour éviter le cataclysme, lequel aux dires de beaucoup, était déjà bien enclenché. Notre Fringant Ventilateur était flanqué de la baronne de la Pompaguili, Grande Jardinière de la Startupenéchionne, et de madame la duchesse de La Garde-Des-Sous, Grande Banquière de l’Europe. S’il se trouvait encore quelques naifs pour imaginer que le Roy pût y faire de fracassantes annonces, ils en furent pour leurs frais. Sa Ratiocinante Velléité se contenta d’aligner des vœux pieux sans que jamais n’apparût la moindre annonce de plan pour les mettre à exécution. Pendant ce temps, dans un lointain faubourg de Lutèce, on détruisit à l’aide de monstrueux engins de modestes jardins ouvriers. On y construirait à la place une grande baignoire. Ainsi en avait décidé Notre Verbeux Olympiste.
Monseigneur le duc de la Blanche Equerre, lequel avait accompagné son Suzerain lors du voyage à Massalia, avait été fort chahuté. La cause en était que quelques jours auparavant, il avait déclaré que les familles des nécessiteux qui recevaient une modeste obole pour habiller leurs bambins et leur acheter des écritoires et des plumes, employaient cette manne afin d’assouvir leurs vices coupables. Ils s’achetaient des lucarnes magiques géantes. Ce fut le tollé. « Viens nous le dire en face, qu’on s’achète des lucarnes magiques » crièrent avec force des Riens et des Riennes sur le passage du carrosse abritant monseigneur, lequel ne démordait point de cette lubie. L’affaire était en fait fort ancienne et se répétait à l’envi dans les diverses factions du camp de la Dextre depuis des lustres. C’était ce que le gouvernement de Sa Noble Intégrité appelait une « faqueniouse » et qu’il convenait de pourfendre en tant que telle. Las ! Monseigneur de la Blanche Equerre prit le mors aux dents. Il mit en demeure un gazetier de l’accompagner dans une de ces grandes échoppes, où se pressaient ces maudits nécessiteux pour y faire leurs emplettes, afin qu’on les traquât et qu’on les prît sur le fait. Le Premier Grand Chambellan, le bon baron du Cachesex, se déclara fort marri de ce que le duc s’enferrât ainsi dans cette fadaise.
On ne savait ce que le Roy pensait de cette affaire. Ses Conseillers n’en pipèrent mot mais il se disait que Notre Délicat Freluquet avait l’esprit fort occupé à former sa nouvelle garde de Mignons, celle qui l’accompagnerait jusqu’au Tournoi. Sa Tendre Mignardise -qui se cherchait un héraut- savait pouvoir compter sur nombre de ses Favoris, même si le meilleur d’entre eux, le petit duc de Grivois, était parti pour d’autres rivages. « Je reprends mon destin en mains ». Tels furent les mots très habités de celui qui allait, à l’instar du Grand Vizir Manolo, officier dans les salons d’une Lucarne Magique.
Ainsi en allait-il au Royaume du Grand-Cul par dessus Tête. Le Roy s’amusait. Le peuple subissait.
Ce fut le moment que choisit le baron de Montaupatelin pour se déclarer prétendant au Trône. Cet ancien partisan du roy Françoué-le-Pédalo, entendait se mettre ainsi au service du pays et du peuple, lui qui avait contribué à l’ envol de Notre Navrant Jupithiers et à la chute de sa propre Faction. En guise de devise sur sa bannière, le baron osa une locution ibérique « la remontada » laquelle faisait explicitement référence au Waterloo de l’équipe de la balle-au-pied de Lutèce contre celle de Barcelona.
© Julie d’Aiglemont
Julie d’Aiglement est autrice.
Bonjour, y a t il un livre qui rassemble les textes de Julie d’Aiglemont ? J’aimerais me le procurer ou l’offrir. C’est tellement savoureux ! Merci de me répondre !
Bonjour Marie- France, vous trouverez les chroniques de Julie d’Aiglemont en tapant sur votre ordi : » La Gauche Cactus » Voilà ! amusez vous bien .